La démocratisation de la Géorgie suite à la révolution des Roses : un échec pour les États-Unis?

Pourquoi le projet de démocratisation de la Géorgie, affirmé lors de la révolution des Roses en novembre 2003, s’est-il soldé par le discrédit de la politique d’assistance à la démocratie prônée par les États-Unis ?

Nous pouvons citer tout un panel de régimes politiques différents : des États d’exception où la démocratie fonctionne relativement bien (Suisse, Norvège, Islande, etc.), des États « faibles » (Albanie, Kosovo, Moldavie, etc.), des États « autoritaires » (Russie, Egypte, Arménie, Maroc, etc.), des États « répressifs » (Algérie, Azerbaïdjan, Biélorussie, etc.) et des États « pseudo-démocratiques » (Macédoine, Turquie, Ukraine, etc.) ; la Géorgie fait partie de ce dernier groupe encore aujourd’hui (Magen, 2011 : 229).

Il y a près de 15 ans, lorsque soixante mille manifestants se réunissaient à la Place de la Liberté de Tbilissi le 21 novembre 2003 pour réclamer la démission du président Chevardnadze et la fin de la corruption, l’espoir de la mise en place d’un régime plus démocratique se trouvait au cœur de la révolution des Roses. Les réformistes (opposants politiques tels que Mikhaïl Saakachvili, Zourab Jvania ou Nino Bourdjanadze) avaient été soutenus financièrement par plusieurs ONG américaines (Open Society Institute de George Soros, National Democratic Institute, Freedom House) dans le but, notamment, de favoriser la démocratisation de la Géorgie. Mais la démocratie hybride sous Chevardnadze a-t-elle vraiment été remise en cause par le successeur, Mikhaïl Saakachvili ?

Dans le présent travail, nous allons tâcher d’expliquer pourquoi le projet de démocratisation de la Géorgie, affirmé lors de la révolution des Roses en novembre 2003, s’est soldé par le discrédit de la politique d’assistance à la démocratie prônée par les États-Unis.

Pour ce faire, nous allons d’abord comprendre quelles étaient les conditions de la démocratisation avant la révolution des Roses et l’héritage laissé par la présidence de Chevardnadze. Ensuite, nous verrons quel a été le rôle des États-Unis dans les événements de la révolution des Roses. Enfin, nous expliquerons pourquoi l’aide à la démocratisation de la Géorgie a abouti à un échec. La promotion américaine de la démocratie dans le monde a paradoxalement perdu son souffle après les révolutions de couleur.

Conditions de la démocratisation de la Géorgie

Dans le présent chapitre, nous étudions de quelle situation a hérité le gouvernement « démocratique » de Mikhaïl Saakachvili suite à la révolution des Roses. Il semblerait que les conditions pour assurer une démocratisation solide, stable et développée sur le long terme n’étaient pas réunies en Géorgie, un État en faillite nouvellement indépendant et perdu dans la transition.

Héritage de l’URSS

Alors que l’Union soviétique touche à sa fin en décembre 1991, son héritage perdure en Géorgie, tout comme c’est le cas dans le reste du Caucase du Sud, en Arménie et en Azerbaïdjan. Plusieurs éléments écornent l’idée d’une éventuelle progression de démocratisation de la région. Les populations doivent se réadapter à un nouveau mode de vie, plus précaire. La faiblesse de la démocratie découle, entre autres, d’une culture politique autoritaire affiliée au culte d’un leader et d’un manque de confiance dans les ressources d’action des citoyens. A cela s’ajoutent les ruines d’un système économique planifié ayant poussé l’industrialisation à outrance, ainsi qu’une tradition de propagande :

All three countries still live with an authoritarian political culture in which most people expect that the boss or leader will take decisions on their behalf and that civic activism will have no effect. The media is stronger on polemic than fact-based argument. The economies are based on the patron-client networks that formed in Soviet times. (De Waal, 2010: 95-96)

Les nouveaux États indépendants se construisent dès lors sous forme d’États-nations se voulant ethniquement homogène. Le nationalisme civique se tord en nationalisme ethnique. La Géorgie, l’État le plus balkanisé des pays postsoviétiques, est alors en proie à l’éclatement de conflits interethniques qui exacerbent les velléités nationalistes. Les guerres se déclenchent dans les régions sécessionnistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud, des troupes paramilitaires saignent la Géorgie, des putschistes renversent le président ultranationaliste Zviad Gamsakhourdia en janvier 1992, les structures étatiques et politiques de la Géorgie se morcellent, les relations avec la Russie se dégradent et la guerre civile incendie le pays.

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Zviad Gamsakhourdia (président de la Géorgie de mai 1991 à janvier 1992) et Merab Kostava (écrivain géorgien indépendantiste), Tbilissi, 1988.

Ainsi, au lendemain de la chute de l’Union soviétique, la Géorgie est un État en faillite. Silvia Serrano fait une description frappante du pays au lendemain de son indépendance :

Le PIB tombe en deçà du niveau des années 1960, et un processus de dé-modernisation de l’économie s’engage : les infrastructures sont laissées à l’abandon, les usines, les rails et jusqu’aux câbles électriques sont vendus comme débris métalliques, les pénuries d’essence entraînent un retour de l’agriculture à la traction animale, etc. Avec la rupture des approvisionnements énergétiques de Russie, le pays est plongé dans l’obscurité et le froid durant plus de dix ans. (Serrano, 2008 : 69-70)

Pour faire face à cette situation difficile, le soutien occidental avait alors été concentré sur la plan économique plutôt que politique : la démocratisation des régimes post-soviétiques était généralement mise de côté. Pourquoi ? Car il n’était pas envisageable d’effectuer tous les changements en même temps. Ainsi, l’assistance financière devait servir à opérer la transition d’un système économique planifié à une économie de marché. Cette mise en connexion avec l’Occident semblait plus importante que celle d’une transition vers des régimes démocratiques. Le paradoxe, c’est que la situation économique restait catastrophique particulièrement en raison de l’instabilité politique du début des années 1990…

Le sauvetage d’Edouard Chevardnadze

Edouard Chevardnadze, surnommé le « Renard blanc du Caucase » (Razoux, 2009 : 178), tente de prendre les rênes du pays en main dans un contexte chaotique. Élu président du parlement en octobre 1992, il devient président de la République de Géorgie en novembre 1995. La santé, l’éducation, l’aide sociale ou l’infrastructure, tout est à reconstruire pendant son mandat. Impuissant à consolider des fonctions essentielles « telles la collecte d’impôt, le maintien d’infrastructures nécessaires au fonctionnement de l’économie, sans même parler de la lutte contre la violence » (Serrano, 2008 : 70), le gouvernement géorgien ne se consacre pas au développement de la démocratie. En revanche, grâce à sa renommée d’ancien ministre des Affaires extérieures de l’URSS, Chevardnadze a réussi à mener une politique étrangère salvatrice, établissant des relations diplomatiques avec autant de régions du monde que possible, à tel point que la Géorgie était perçue comme le pays le plus progressiste des nouveaux États indépendants, sans compter les trois États baltes (De Waal, 2010 : 189).

Edouard Chevardnadze, ministre des Affaires étrangères de l’URSS (1985 à 1990) et président de la Géorgie (1992/1995-2003)

Mais cette vision de la politique étrangère ne rend pas compte de la situation interne du pays. La Géorgie est extrêmement pauvre, « l’un des États les plus pauvres de la CEI » (Razoux, 2009 : 206). Le troc, le marché informel et le travail au noir représentent les moyens de survie d’une population ayant un salaire moyen de 40 dollars par mois (Razoux, 2009 : 206-207). La corruption galopante ne fait que s’enliser davantage. Les infrastructures sont en piteux état. L’OCDE affuble la Géorgie de la catégorie « pays en voie de développement » (Razoux, 2009 : 207).

Malgré tout, Chevardnadze parvient à accélérer les réformes : la nouvelle monnaie (lari), le système d’assurance, le secteur bancaire, les transports, l’aide sociale, les privatisations diverses, toute une série de mesures redressent la Géorgie. Grâce à ces transformations, le FMI et la BERD décident d’octroyer une somme de 312 millions de dollars à la Géorgie (Razoux, 2009 : 207-208). Dès lors, les réformes institutionnelles peuvent être amorcées. La nouvelle constitution voit le jour le 24 août 1995. Le président obtient les pleins pouvoirs, alors que le parlement et les ministres sont affaiblis (Razoux, 2009 : 208). Chevardnadze limoge ou enferme plusieurs ministres qui le dérangent, comme Iosséliani. Il place unilatéralement Zourab Jvania à la présidence du parlement géorgien et Nino Bourdjanadze à la commission parlementaire pour le contrôle des lois  (Razoux, 2009 : 212). Mais le lien entre le pouvoir et la mafia, ainsi que plusieurs affaires de corruption, vont alors mettre à mal l’image du président. Le mécontentement populaire se renforce et les médias aux ordres du pouvoir sont dénoncés. Seule Roustavi 2, chaîne de télévision privée, va jouer un rôle important lors de la révolution des Roses (Razoux, 2009 : 217).

En somme, la corruption endémique, le marché noir, la mafia, le manque de transparence ou encore un pouvoir présidentiel trop hégémonique participent à noircir l’image de Chevardnadze, tandis que la société civile et l’opposition politique s’organisent dans un parfum de liberté… la révolution des Roses sonne le glas de la présidence de Chevardnadze, relique du passé soviétique. Alors que le peuple fait entendre sa voix par milliers, la démocratie va-t-elle enfin s’installer en Géorgie ?

La révolution des Roses : l’œuvre des États-Unis ?

Nous avons vu que la faiblesse de l’État géorgien est due à un héritage soviétique catastrophique, mais que Chevardnadze a tout de même réussi à apporter des changements positifs. Incapable de maintenir un pouvoir autoritaire suffisamment ferme, la Géorgie est considérée comme une démocratie hybride, laissant la possibilité de faire entendre des voix d’opposition politique. C’est ainsi qu’une révolution populaire va le destituer du pouvoir. Qui est derrière cette révolution ? Certains experts affirment que la révolution des Roses n’aurait pas eu lieu sans le rôle joué par les États-Unis.

La révolution des Roses

Si le régime de Chevardnadze peut être considéré comme hybride (ou « pseudo-démocratique »), c’est notamment en raison de l’existence du pluralisme politique et de l’indépendance médiatique (Rustavi 2). Suite aux élections législatives de 1999, puis à l’élection présidentielle du 9 avril 2000, Chevardnadze et son gouvernement se maintiennent. Mais ce deuxième mandat présidentiel sera un échec pour Chevardnadze. En octobre 2000, le président place Mikhaïl Saakachvili en tant que ministre de la Justice. Ce jeune avocat de 32 ans ayant fini ses études aux États-Unis se lance dès lors dans une lutte contre la corruption. Après plusieurs dénonciations, notamment contre des ministres, Saakachvili démissionne, exaspéré, le 5 septembre 2001 (Razoux, 2009 : 274). Il fonde le Mouvement national géorgien et entre ainsi dans le camp d’opposition. Rapidement, les réformistes gonflent les rangs de l’opposition en démissionnant, comme l’a fait notamment Zourab Jvania avant de fonder le parti des Démocrates unis (Razoux, 2009 : 274). Plusieurs ONG américaines (Open Society Institute de George Soros, National Democratic Institute, Freedom House) focalisent leur aide financière sur la démocratisation de la Géorgie. Les Américains mettent la pression sur le président géorgien. James Baker affirme le 7 juillet 2003 à Tbilissi qu’Edouard Chevardnadze « perdrait le soutien des États-Unis si les prochaines élections législatives ne se déroulaient pas de manière parfaitement démocratique » (Razoux, 2009 : 277). L’OSCE a donc enfin la permission de surveiller le scrutin de l’élection présidentielle en novembre 2003. Avec l’aide des ONG américaines, l’OSCE vilipende les fraudes innombrables durant les élections. Mikhaïl Saakachvili aurait dû remporter les élections, mais Chevardnadze est déclaré vainqueur. Des dizaines de milliers de personnes manifestent avec des roses dans les mains pour symboliser le mouvement pacifique. Le Parlement est envahi par la foule et Chevardnadze est jeté hors du bâtiment. Mikhaïl Saakachvili sera ensuite élu démocratiquement. La révolution des Roses a vaincu. Les Géorgiens considèrent ce moment comme historique.

The Rose Revolution briefly electrified the world. It was a rare example of popular democracy in action and a compelling spectacle pulled off with Georgian flair. Georgia’s bloodless revolution was also the first of three so-called Color Revolutions that removed presidents in Ukraine and Kyrgyzstan. (De Waal, 2010 : 193)

Ainsi, cette révolution aura un retentissement dans le monde et s’inscrira dans une série de « révolutions de couleur ». Il existe de nombreuses hypothèses qui tentent d’apporter une explication sur l’origine de la révolution des Roses. D’aucuns s’interrogent, entre autres, sur le rôle des États-Unis dans ces événements.

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Révolution des Roses, 23 novembre 2003, devant le Parlement géorgien (Tbilissi)

L’œuvre des États-Unis ?

Deux interprétations s’opposent sur l’origine des révolutions de couleur : certains essentialisent les événements à un coup d’État orchestré par les États-Unis, d’autres affirment que la révolution des Roses est l’œuvre de la société civile géorgienne. Ces deux opinions très tranchées neutralisent les nuances. Le journaliste Régis Genté propose d’y voir plutôt une synergie entre les facteurs exogènes et endogènes : « tout se passe comme si l’endogène ne pouvait s’accomplir qu’avec le concours de l’exogène » (Genté, 2008 : 56). Selon ses sources qui ont participé aux événements (Levan Ramichvili, Kakha Lomaïa, Tinatin Khidasheli ou encore Giga Bokéria), la révolution des Roses a été « préparée ». Focalisant son analyse sur les ONG occidentales, Régis Genté explique que l’intervention étrangère a eu un « rôle moteur » (Genté, 2008 : 57). La mission de ces ONG tourne généralement autour de l’aide à la démocratisation et l’un des outils principaux en est l’élection législative ou présidentielle. Régis Genté soutient ainsi que la « pierre angulaire » des révolutions de couleur est « l’échéance électorale », ce qu’il nomme « le piège électoral » (Genté, 2008 : 60). Mettre en évidence les fraudes à travers un système de surveillance des scrutins est un habile moyen de pointer du doigt les abus du gouvernement géorgien et de remettre en cause le pouvoir de Chevardnadze. Ainsi, la révolution des Roses a été rendue possible avec l’argent et la méthode venus de l’extérieur. Mais cela n’aurait pas été suffisant sans la dynamique interne. La faiblesse de l’État géorgien, l’héritage de l’époque soviétique (corruption, pauvreté, etc.) et l’engagement de la société civile (mouvements d’étudiant, médias d’opposition, etc.) représentent des facteurs fondamentaux.

Partant aussi de l’idée d’une synergie entre facteurs externes et internes, Sylvia Serrano affirme que « la ‘‘révolution des Roses’’ n’est pas un coup d’État préparé en sous-main à Washington » (Serrano, 2008 : 83). Les donateurs n’ont pas imposé un programme à la Géorgie, les acteurs locaux auraient mené leur propre stratégie. Serrano explique qu’il y a eu un phénomène d’autonomisation des acteurs (Serrano, 2008 : 74). En outre, Sylvia Serrano réfute l’idée que les États-Unis ont voulu faire en sorte que Chevardnadze tombe. Aussi, les États-Unis n’auraient pas eu l’intention de faire perdre le pouvoir à un allié aussi précieux et expérimenté que Chevardnadze. Dès l’arrivée au pouvoir d’Edouard Chevardnadze en mars 1992 après une période de grave crise en Géorgie, les États-Unis se sont activés dans le pays. James Baker, secrétaire d’État américain, témoigne de toute son admiration pour le président Edouard Chevardnadze :

S’il y avait un endroit spécifique du Caucase que nous devrions aider, c’est bien la Géorgie. Vous ne pouvez pas penser à ce pays sans penser à Edouard Chevardnadze. Je ne suis pas sûr que la guerre froide se serait terminée pacifiquement sans lui. Cet homme est un héros. (Razoux, 2009 : 237)

Chevardnadze véhicule donc une image positive de la Géorgie grâce à ses efforts de pacification durant son mandat en tant que ministre des Affaires étrangères de l’URSS. Dès janvier 1993, l’administration Clinton sollicite la CIA pour œuvrer de manière plus ample en Géorgie. C’est ainsi que les services de renseignements américains dénonceront notamment le rôle joué par la Russie dans les conflits sécessionnistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Mais quelles sont les motivations profondes des Américains en Géorgie à l’aube du XXIe siècle ? De manière générale, le Caucase est perçu comme le cœur d’un échiquier géopolitique permettant d’isoler l’Iran, freiner le retour d’une « grande Russie » compétitive, ralentir les projets énergétiques de la Chine, barrer la route à l’expansion de la Turquie en direction de l’Asie centrale (Razoux, 2009 : 239). Pour gagner une influence dans la région, les États-Unis emploient le smart power, en déployant sur le plateau du « nouveau grand jeu » des cartes stratégiques telles que l’OTAN (partenariat pour la paix) ou des aides financières conséquentes afin d’accélérer les processus de modernisation, de reconstruction et de démocratisation de la Géorgie, dans le but de « faciliter [son] ancrage occidental » (Razoux, 2009 : 241). Sans oublier que la Géorgie de Chevardnadze est une pièce maîtresse dans la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre 2001. De plus, le projet d’oléoduc BTC (Bakou-Tblissi-Ceyhan), qui va de la Caspienne à la Méditerranée en évitant la Russie, a été ouvert en 2005 sous Saakachvili, mais déjà officialisé sous Chevardnadze en novembre 1999 (De Waal, 2010 : 189). Finalement, pour les États-Unis, la Géorgie, qualifiée de « beacon of liberty » (Žielys, 2015 : 98) est un pays progressiste pro-occidental.

Alors faut-il croire que les États-Unis aient voulu prendre le risque de déstabiliser la Géorgie en soutenant la mise en place d’un pouvoir plus favorable à Washington et en l’entravant d’un homme d’expérience ? Quoi qu’il en soit, notre objectif n’est pas de répondre à cette question mais plutôt de souligner que les Américains ont voulu récolter les lauriers de la « victoire » de la « démocratie » qui se serait étendue dans le monde grâce aux révolutions de couleur. Il s’agirait là d’une grave erreur stratégique de la part de l’administration Bush.

George W. Bush et Mikhaïl Saakachvili

Échecs de la démocratisation après la Révolution des Roses

Alors que les États-Unis s’empressent de surévaluer leur rôle dans la révolution des Roses victorieuse, la démocratisation de la Géorgie se solde rapidement par un échec.

Arguments sur l’échec de la démocratisation de la Géorgie

Une fois au pouvoir grâce à la démocratie, le gouvernement de Saakachvili fait passer une constitution qui permet de mettre en place un « régime super-présidentiel » (Žielys, 2015 : 95). Les pouvoirs judiciaires (Tribunaux) et législatifs (Parlement) se retrouvent inféodés à l’exécutif (Gouvernement), ce qui contrevient strictement au principe démocratique de base de la séparation des pouvoirs. Le mouvement national uni détient les pleins pouvoirs, le pluralisme politique est affaibli, les droits de l’homme sont bafoués.

Žielys propose un panel d’auteurs expliquant les causes de l’échec de la révolution des Roses :

In their effort to explain the relatively disappointing outcomes of the Rose Revolution, scholars mainly analysed the role of internal factors, including the ruling elite (Cheterian, 2008; Kalandadze and Orenstein, 2009), opposition (Tatum, 2009), civil society (Tudoroiu, 2007; Laverty, 2008) and institutional legacy (Jones, 2006). Some authors have examined the negative impact of some external actors, namely Russia and the European Union (Tolstrup, 2009; Jonavicius, 2009).
A few authors focused their research on the United States and its influence on democratic consolidation in Georgia. Mitchell (2006, 2009) argued that the George W. Bush administration made a mistake by putting too much trust in the democratic intentions of the Saakashvili government and by redirecting US assistance from “nongovernmental aspects of democracy” (elections, political parties and media) to Georgian state institutions. This argument was echoed by Omelicheva (2010) who blamed the United States for turning a blind eye to human rights violations in Georgia and supporting the Saakashvili government in its goal of rebuilding the state prior to democratizing it. (Žielys, 2015 : 95-96)

Outre les arguments pertinents de ces différents auteurs, Žielys développe l’idée que l’aide américaine a justement participé à retarder la démocratisation de la Géorgie… Ce ralentissement serait dû aux cinq secteurs que les États-Unis ont soutenus de manière dissymétrique, avec un favoritisme pour l’équipe de Mikhaïl Saakachvili :

  1. l’assistance constitutionnelle : lorsque le parlement géorgien a changé la constitution en 2004, le pouvoir exécutif a été renforcé. Saakachvili a pu abuser de ses pouvoirs élargis. Les programmes d’aide à la démocratisation ont soutenu cette réforme constitutionnelle. L’aide financière américaine pour l’assistance constitutionnelle semble donc guidée par la volonté de ne pas critiquer le gouvernement de Saakachvili et d’asseoir un maximum, au contraire, son pouvoir (Žielys, 2015 : 99-100) ;
  2. l’aide électorale : ce soutien s’est surtout traduit par l’aide à la transparence des élections, ce qui a donné un semblant de démocratie, sans pour autant soutenir le pluralisme. Cette stratégie est vide de sens. En effet, en 2008, le parti Mouvement national de Saakachvili était assuré de remporter les élections législatives, tandis que Saakachvili était sûr d’être réélu à l’élection présidentielle, et ce, en toute transparence bien entendu (Žielys, 2015 : 101) ;
  3. le développement des partis politiques : le Mouvement national a bénéficié de l’aide la plus importante par ce programme ; les partis d’opposition n’ont pas été discriminé par l’US Agency for International Development (USAID), mais ont juste reçu une aide suffisante pour qu’on puisse affirmer qu’une faible opposition existait, ce qui permettait de légitimer le pouvoir en place par un semblant de pluralisme (Žielys, 2015 : 102-103) ; 
  4. le développement des Organisation Non Gouvernementales : depuis l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili, les ONG géorgiennes étaient plus dépendantes du gouvernement qu’elles ne l’étaient avant la révolution des Roses ; de 2004 à 2006, l’USAID a réduit le soutien pour le programme de « Réformes démocratiques » de 10.4 millions de dollars à 8.7 millions de dollars en affaiblissant surtout les ONG (Žielys, 2015 : 104-105) ;
  5. le renforcement des médias indépendants : ce secteur a été délaissé, les émissions politiques ont laissé place à des émissions de divertissement. Žielys soutient l’hypothèse que le gouvernement américain avait confiance en Saakachvili et ne voyait donc plus la nécessité de soutenir les médias indépendants. Ces derniers se sont affaiblis (Žielys, 2015 : 106-107). 

Ainsi, nous constatons que l’aide américaine a été redirigée de manière à soutenir le gouvernement de Saakachvili, aux dépends de l’opposition et de la société civile (Žielys, 2015 : 108). En ce sens, la promotion américaine pour la démocratie a paradoxalement ralenti le développement démocratique de la Géorgie.

Mais l’analyse de la promotion de la démocratie en Géorgie peut aussi s’inscrire dans un contexte plus large que la révolution des Roses. Les débats concernant l’aide américaine pour promouvoir la démocratie dans le monde ont été très virulents.

Débats sur l’aide à la démocratisation

Dans le courant de l’année 2004, un débat s’est soulevé concernant les objectifs et l’efficacité de l’aide à la démocratisation des États-Unis dans le monde. Certains y voient un simple prétexte pour justifier des actions impopulaires comme le déclenchement de la guerre en Irak. Lincoln A. Mitchell relève deux dimensions à la rhétorique de la démocratisation : la dimension idéologico-morale et la dimension des intérêts américains (Mitchell, 2009 : 15). La première, s’apparentant davantage à une sorte de religion, affirme que la démocratie n’est autre qu’un concept offert par Dieu aux Américains pour la répandre dans le monde. Certains accentuent plutôt le caractère idéologique que morale en considérant la démocratie comme le système le plus juste et le meilleur qui soit pour les citoyens qui peuvent ainsi s’autogouverner (Mitchell, 2009 : 16). La seconde démontre que la démocratie permet aux États-Unis de répandre la paix dans le monde, de lutter contre le terrorisme, de faire reculer la menace du militantisme islamiste. La démocratie est ainsi perçue comme un facteur de stabilité assurant la sécurité internationale. De plus, les démocraties s’efforcent de lutter contre la corruption et les pots-de-vin, ce qui garantit une prospérité économique en balayant les caprices d’éventuels dirigeants ou businessmen corrompus.

Or, ces deux dimensions font face à une critique virulente. Tout d’abord, si les démocraties ne luttent pas les unes contre les autres et maintiennent une paix et une prospérité dans leurs rapports, cela ne les empêche pas d’entrer en guerre contre les régimes non-démocratiques. Ensuite, les populations ne sont pas forcément prêtes pour vivre dans une démocratie. Cela demande une longue préparation, un changement de mentalités, une modernisation sous de nombreux angles. Cela requiert principalement de développer une modernité politique, ainsi qu’une tradition et une culture démocratiques. Mais le fait même de démocratiser un pays peut contribuer dans certains cas au développement d’une situation de confrontations, d’instabilité et de violences (guerres civiles, conflits territoriaux, etc.). Finalement, la démocratisation promue par les États-Unis est critiquée pour son caractère spécieux. En effet, la promotion américaine de la démocratie serait inauthentique, en ce qu’elle ne ferait que servir en priorité les intérêts américains, principalement les intérêts économiques (Mitchell, 2009 : 16-17)

La démocratie n’est pourtant pas un gibet devant lequel les citoyens devraient implorer religieusement une vie plus heureuse et plus prospère. Aux yeux des analystes les plus critiques, notamment en Russie, il ne s’agit là que d’une équivoque, voire d’un mensonge, qui permettrait aux États-Unis de déployer son influence dans le monde pour renforcer son hégémonie. Lorsque l’on observe particulièrement le cas de l’Irak, alors que la promotion de la démocratie s’est accompagnée d’une guerre, nous comprenons qu’elle n’a été qu’un instrument employé pour des raisons géopolitiques et géostratégiques au Moyen-Orient.

C’est ainsi qu’on implante la démocratie dans des régions où les populations ne sont pas prêtes et ne savent pas ce que cela implique. C’est le cas en Géorgie. Il y a une dissonance entre les attentes ou les espoirs de démocratisation et la réalité :

[…] people have unrealistically high expectations for democracy. Many citizens of these countries expect democracy to alleviate poverty, create jobs, return stability to the country, and rebuild the infrastructure relatively quickly. When these unrealistic goals are not met, confidence in the new system wanes and democratic consolidation becomes very difficult. […] Democracy is not a guarantee of a job, freedom from crime or terrorism, or a quick way for the country to grow rich. (Mitchell, 2009 : 20)

En Géorgie, la population impréparée à la démocratisation après des décennies de communisme porte un regard biaisé sur la réalité : « la démocratie est souvent assimilée à l’indépendance nationale » (Serrano, 2008 : 85). Le bilan de la révolution des Roses tient en ce que la population est elle-même déçue de la démocratisation et devient de plus en plus critique vis-à-vis de l’Occident et de ses valeurs.

Les États-Unis discrédités

La révolution des Roses en Géorgie a finalement eu un impact sur l’image des États-Unis dans leur promotion pour la démocratie. Cette image négative fait écho aux événements de la guerre en Irak.

Il y a une dissonance entre la situation en Irak et la rhétorique démocratique de George Bush, ce qui a décrédibilisé l’aide à la démocratie. D’ailleurs, le président Bush définissait l’Irak comme une démocratie. Ainsi, la Géorgie et l’Irak sont devenus deux foyers ayant exacerbé une perception négative de la démocratisation. Autrement dit, l’administration Bush a paradoxalement affaibli la promotion de la démocratie dans le monde en tentant de placer ce concept au cœur de la politique étrangère, l’argument principal étant le suivant : « expand democracy as an essential battle in the war against terrorism after September 11, 2001 » (Mitchell, 2009 : 146). Avoir tenté de lier la promotion de la démocratie et la liberté qui en découlerait à la guerre contre le terrorisme était donc une erreur politique et stratégique.

Aussi, l’administration Bush a été ambiguë concernant la démocratie en Géorgie. Voici la déclaration de George W. Bush en mai 2005 (après les révolutions de couleur) :

We are living in historic times when freedom is advancing. They have been inspired by your [Georgian] example and they take hope in your success. As you build freedom in this country, you must know that the seeds of liberty you are planting in Georgian soil are flowering across the globe (Mitchell, 2009 : 128).

Les États-Unis avaient donc pleine confiance en Saakachvili. Mais en novembre 2007, peu après l’arrestation d’Okruachvili, des manifestants ont défilés pour protester contre le despotisme du président Saakachvili. Celui-ci a réagi de manière disproportionnée contre les manifestants. Il y a un contraste entre la manière pacifique avec laquelle il a pris le pouvoir et la violence avec laquelle il a fait disperser les manifestants en 2007 (De Waal, 2010 : 207).

Ensuite, du haut de sa « super-présidence », Saakachvili fait basculer le pays dans la guerre d’août 2008 en Ossétie de Sud et en Abkhazie. Cette aventure met la Géorgie en grandes difficultés suite à la réaction musclée de la Russie. Les États-Unis ne veulent pas entrer en guerre contre la Russie et abandonnent la Géorgie, malgré ses espoirs de rejoindre l’OTAN. L’isolement de la Géorgie est accentuée.

Aussi, le bilan de la présidence de Saakachvili est décevant. Il y a eu peu de progrès dans les réformes structurelles et beaucoup de poudres aux yeux. La révolution des Roses aurait donc plutôt contribué à ralentir la démocratisation en Géorgie. Les militants des ONG, les opposants politiques ou encore les jeunes gens faisant partie de groupes tels que Kmara ont généralement intégré des postes au sein du nouveau gouvernement suite à la révolution. L’opposition politique n’existait plus. Mikhail Saakachvili a remporté les élections présidentielles en janvier 2004 avec 96% des voix. Cette hégémonie a été consolidée : les médias indépendants ou encore l’opposition politique étaient moins libres sous Saakachvili que sous Chevardnadze, où le pluralisme politique (facteur essentiel de la démocratie) était beaucoup plus important (du fait de l’incapacité de l’État à lutter contre les opposants).

Cet échec de la démocratisation participe au discrédit des États-Unis et redonne de la vigueur aux régimes autoritaires :

Some autocratic governments have won substantial public sympathy by arguing that opposition to Western democracy promotion is resistance not to democracy itself, but to American interventionism. Moreover, the damage that the Bush administration has done to the global image of the United States as a symbol of democracy and human rights by repeatedly violating the rule of law at home and abroad has further weakened the legitimacy of the democracy-promotion cause. (Carothers, 2006 : 56)

La résistance à la démocratisation devient donc le synonyme de la résistance face à l’interventionnisme des États-Unis.

Conclusion

En fin de compte, si la démocratisation de la Géorgie s’est soldée par un échec et a jeté le discrédit sur la promotion démocratique des États-Unis, ce serait notamment parce que l’administration américaine a tout misé sur la réussite d’un homme, Mikhaïl Saakachvili, et non sur la victoire de la démocratie. Une fois la rhétorique américaine discréditée, la démocratie libérale a perdu son souffle. La révolution des Roses n’a pas fait avancer substantiellement la démocratie en Géorgie, bien que le pays soit entré dans une phase de développement important. Mais le gouvernement de Saakachvili s’est finalement inscrit dans une continuité avec celui de Chevardnadze ; l’héritage n’a pas été dépassé. De manière générale, la démocratie n’a pas été consolidée suite aux révolutions de couleur. Le Kirghizistan devient un régime encore plus corrompu après 2005 sous Kourmanbek Bakiev. L’Ukraine finit par élire en 2010 le président que la révolution Orange avait chassé : Viktor Yanoukovitch. Finalement, les espoirs pour une progression de la démocratie dans les pays post-soviétiques se sont dissipés. L’assistance à la démocratie a baissé dès 2005, les promoteurs de la démocratie s’étant résigné à un échec. C’est ainsi que l’exemple de la Géorgie est instructif :

The failure of the Western-trained Georgian leadership who came to office through a peaceful revolution pledging its belief in liberal democracy to actually bring strong democracy to a small, ethnically homogeneous, strongly pro-Western, Christian country made it clear that democracy had stalled in the former Soviet Union. (Mitchell, 2015 : 406)

Mais malgré tous ces échecs, Saakachvili a fait des concessions pour l’opposition lors des élections libres de 2008 (Jones, 2013 : 109). Il a tenté de se rapprocher davantage de l’Union européenne, l’une des conditions d’adhésion à l’UE étant la consolidation de la démocratie ; c’est le principe du « golden carrot » (Magen, 2011 : 241). De plus, les réformes enclenchées par Saakachvili ont tenté de se rapprocher des valeurs occidentales (transparence, lutte contre la corruption, État de droit, etc.). Le dialogue avec l’UE s’intensifie et le Partenariat Oriental est lancé en 2009. Finalement, par esprit d’opposition à la CEI, l’alliance du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) est renommée après les révolutions de couleur avec un accent sur la démocratie : « Organisation pour la démocratie et le développement », bien que cette organisation ait très rapidement perdu en substance.

Les successeurs de Saakachvili tentent de faire de la Géorgie un État démocratique de type européen. Il y a une volonté politique du nouveau parti au pouvoir, Rêve géorgien, depuis les efforts de Bidzina Ivanichvili, Premier ministre géorgien (2012-2013), de faire progresser la démocratisation de la Géorgie en tant que facteur de consolidation du pays. Mais cette volonté se relève même être un besoin…

… Car la Géorgie se trouve dans une posture critique. À la fois au milieu de plusieurs grands pays et à la fois isolée, son intérêt géopolitique tient surtout dans sa coopération énergétique avec l’Azerbaïdjan. Mais ces ressources vont s’amenuiser. Il est nécessaire que la Géorgie trouve une autre voie de sortie. Entourée de régimes autoritaires, une démocratie forte serait une issue, car elle permettrait d’opérer un rapprochement plus authentique avec l’UE.

Parlement géorgien, Tbilissi

De manière générale, le journaliste britannique spécialiste du Caucase, Thomas de Waal, donne ce conseil aux trois pays du Caucase du Sud : « Armenia, Azerbaijan and Georgia need to show stronger commitment to democracy and reform to deserve that stronger interest ». Il est fort probable que sans une démocratie forte, la Géorgie fera le choix de s’isoler davantage à long terme.

Bibliographie

CAROTHERS, T., The Backlash against Democracy Promotion, Foreign Affairs, 85(2), 55–68., 2006.

DE WAAL, Thomas, The Caucasus: an Introduction, Oxford University Press, 2010.

GENTÉ, Régis, Les ONG internationales et occidentales dans les « révolutions colorées » : des ambiguïtés de la modernisation, Revue du Tiers Monde, 2008/1 n°193, pp. 55-66, 2008.

GILLE-BELOVA, Olga, L’usage de la référence révolutionnaire : les interprétations de la « Révolution orange » en Ukraine, Siècles, 2008.

JONES, Stephen, Georgia : a Political History Since Independence, Tauris, New York, 2013.

KENNEDY, Ryan, Fading Colours? A Synthetic Comparative Case Study of the Impact of « Colour Revolutions », Comparative Politics, Vol. 46, No. 3 (April 2014), New York, pp. 273-292, 2014.

MAGEN, Amichai, The Rise and Stall of Democratic Enlargement, in The Frontiers of Europe: A Transatlantic Problem?, Federiga Bindi, Irina Angelescu (eds.), Brookings Institution Press, 2011.

MITCHELL, A. Lincoln, Uncertain Democracy: U.S. Foreign Policy and Georgia’s Rose Revolution, University of Pennsylvania Press., 2009.

MITCHELL, A. Lincoln, The Edinburgh Companion to the History of Democracy, in Benjamin Isakhan, Stephen Stockwell (eds), From Pre-history to Future Possibilities, Edinburgh University Press, 2015.

OTTAWAY, M., Democracy Challenged: The Rise of Semi-Authoritarianism, Washington, DC: Carnegie Endowment for International Peace., 2003.

RAZOUX, Pierre, Histoire de la Géorgie : la clé du Caucase, Perrin, 2009.

SERRANO, Sylvia, La Géorgie post-soviétique : Lost in Transition ?, Revue Tiers Monde, Vol. 49, No. 193 (JANVIER-MARS 2008), pp. 67-90, 2008.

ŽIELYS, Povilas, Guarding or Retarding? US Democracy-Assistance Programmes in Post-Rose Revolution Georgia (pp. 95-114), in NODIA, Ghia, STEFES, Christoph H. (Editors), Security, Democracy and Development: In the Southern Caucasus and the Black Sea Region, Interdisciplinary Studies on Central and Eastern Europe, Peter Lang, Bern, 2015.

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