Brève de Pologne

Par Yanis Hadrami

Pologne – Israël. Le 28 février 2018, une délégation officielle polonaise s’est rendue en Israël dans une optique d’apaisement afin d’échanger avec des responsables politiques et associatifs israéliens au sujet de la loi controversée sur la Shoah adoptée au début du mois de février par le Sénat polonais.

Pour rappel, cette loi pénalise tous propos mettant en cause la responsabilité ou la coresponsabilité de l’État polonais et de la nation polonaise dans le génocide des juifs lors de la Seconde guerre mondiale.

L’adoption de cette loi a provoqué un véritable tollé mondial dans les milieux politiques, associatifs et universitaires. Nombre d’historiens et d’associations ont exprimé leur crainte de voir un révisionnisme d’ordre institutionnel [1] se développer au nom de la protection de la dignité de la nation polonaise.

S’il paraît certes réducteur de faire de la nation polonaise une nation génocidaire, il paraît difficile de nier l’implication de certains éléments polonais dans les exactions commises à l’encontre des juifs. On peut à ce titre évoquer le massacre de Jedwabe en juillet 1941. On peut donc se poser la question de savoir si cette loi adoptée au nom « de la défense de la réputation de la République et de la nation polonaise [2]» ne cache pas en réalité une volonté de passer sous silence la participation de Polonais dans ces massacres. C’est ce que craignent les autorités israéliennes qui « ne tolèreront aucune tentative de réécrire l’Histoire [3]». Les officiels polonais quant à eux nient en bloc cette accusation.

Ce mouvement à caractère révisionniste se développe dans la région. En Ukraine par exemple, on assiste à l’émergence d’un discours glorifiant l’héroïsme des combattants dans la lutte contre les nazis et les soviétiques niant par là même l’implication d’Ukrainiens dans des actes génocidaires par voie de dénonciation ou de participation active.

Les premiers effets de cette loi entrée en vigueur le 1er mars 2018 se sont rapidement fait sentir. Le vendredi 2 mars 2018, la Ligue polonaise contre la diffamation créée en vertu de cette même loi a déposé plainte contre un site internet argentin pour avoir illustré un article relatif au massacre de Jedwabe avec une photo d’un groupe de résistants antisoviétiques polonais.

Outre sa dimension révisionniste, cette loi interpelle également par son caractère liberticide. En effet, nombre de chercheurs, d’historiens, d’enseignants et autres journalistes internationaux voient dans cette loi une entrave à leur liberté d’expression et à leur capacité de mener à bien et de manière objective leurs travaux.

[1] Le Monde du 19/02/2018 « On assiste à l’émergence d’un révisionnisme étatique »

[2] Le Monde du 01/02/2018 « Le Sénat polonais adopte une loi controversée sur la Shoah »

[3]  Discours de B. Netanyahou devant la Knesset.

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