Nationalisme et patriotisme en Russie. Quelques aspects du patriotisme au sein de la jeunesse russe

Par Kevin Bonvin

Dans cet article sont analysés les liens entre la jeunesse et les diverses formes de patriotisme dont les jeunes font majoritairement preuve aujourd’hui. La Russie est régulièrement visée par les organisations internationales et les Etats occidentaux pour ses liens avec l’extrême-droite. Pourtant, officiellement, l’Etat russe traque et condamne les mouvements nationalistes qui existent sur son territoire, et favorise à la place ses propres mouvements en faveur du régime. Cependant, de nombreux jeunes agissent autrement en faveur du patriotisme.

 

À la chute de l’Union soviétique, la Russie s’est retrouvée dans une situation extrêmement précaire : les citoyens soviétiques perdirent tous leurs repères, la stabilité du régime ne fut plus qu’un souvenir et l’État se démembra rapidement. Tout explosa et près de 150 millions de Russes se retrouvèrent dans une « crise identitaire[1] ».

Cette perte d’identité doublée d’une situation de tourmente hors norme fut un terreau favorable à l’émergence rapide de mouvances nationalistes radicales dans la Russie des années 1990, construites à partir de thèses racistes et xénophobes.

L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine au tournant du siècle relègue ces groupuscules dans la marginalité. En effet, le nouveau président russe bâtit sa présidence sur l’idée nationale et la loyauté patriotique, récupérant de ce fait les thèmes principaux de ces formations. Ces mouvements n’ont pour autant pas été phagocytés et ont encore moins disparu. Ils ont même élargi leurs rangs et leur nombre prospère malgré les dissolutions régulièrement prononcées par les instances judiciaires russes.

Dans son livre sur le Nouveau nationalisme russe, Marlène Laruelle fait le constat que la мигрантофобия, néologisme médiatisé par le Mouvement contre l’immigration illégale, s’avère « l’un des grands axes de la réconciliation en Russie puisqu’elle définit enfin l’altérité : loin de diviser les citoyens […], la xénophobie crée l’unité[2]. » Ainsi, s’estimant légitimées par la politique nationale de Vladimir Poutine, les mouvances nationalistes de droite et d’extrême-droite continuent à militer dans le pays et à répandre leurs idées somme toute très variées notamment parmi la jeunesse.

Toutefois, malgré cette présence bien réelle au sein de la société, la place réelle qu’occupent ces partis et mouvements nationalistes demeure marginale.

Mais jusqu’à quel point ? Quelle est la place réelle de l’extrême-droite et de ses divers courants dans la société civile russe, en particulier chez les jeunes ? Quel rôle joue l’Église orthodoxe, dont la doctrine côtoie souvent le discours idéologique de ce phénomène politique ? Que pensent enfin les jeunes Russes des thématiques habituelles des droites, telles l’immigration, la nation, les frontières ou l’islam ? Ces trois questions structureront notre travail.

Nous commencerons notre exposé par quelques remarques méthodologiques et sur le problème terminologique que posent les noms patriotisme et nationalisme. Puis nous analyserons deux représentations de courants pourtant fort différents, mais volontiers classés à l’extrême-droite : les skinheads et les orthodoxes pratiquants. Nous terminerons avec une vue plus globale de la conception nationaliste au sein de la jeunesse non engagée politiquement, avec une question : faut-il vraiment craindre les jeunes patriotes ?

Terminologie et Biais culturel

Ce travail sur le nationalisme en Russie ne prétend pas être exhaustif, le thème lui même étant le sujet d’un nombre incalculable d’ouvrages, académiques ou non. Chacun d’eux ne s’arrête que sur quelques-unes des multiples facettes de ce phénomène mondial qui inclut notamment la recherche identitaire, fer de lance de l’extrême-droite russe, mais également européenne depuis plusieurs années. Les livres et articles sur lesquels se base ce travail pointent eux-mêmes divers aspects précis de la question nationaliste. Comment en effet résumer efficacement et objectivement une situation contemporaine complexe en seulement  quelques pages ? C’est pourquoi nous nous sommes efforcés de limiter le sujet de ce travail et de nous focaliser sur la perception du nationalisme au sein de la jeunesse russe.

Les productions scientifiques russes, peu nombreuses, sont hélas le plus souvent indisponibles sous nos latitudes. Heureusement, de nombreux travaux occidentaux s’appuient sur ces publications russes pour offrir un autre point de vue. Toutefois, les publications russes restent limitées, car le sujet n’est pas encore perçu comme relevant d’un domaine d’études sociologiques ou anthropologiques en Russie, et le manque de connaissances des langues étrangères ne permet pas d’approche comparative avec les pays d’Europe de l’Ouest[3]. Les recherches françaises spécialisées sur le monde russe sont généralement prudentes et font preuve d’une objectivité scientifique qui tranche avec les productions anglo-saxonnes, peu connues pour leur russophilie. Ainsi, un collectif de femmes chercheurs a mis en garde contre le biais dont font preuve les productions scientifiques occidentales[4]. Elles dénoncent par exemple l’habitude de se concentrer sur les mouvements nationalistes marginaux les plus radicaux, alors qu’ils ne sont pas du tout représentatifs de ce qui se déroule au sein de l’essentiel de la population russe. Ces travaux aux intonations dramatiques sont le plus souvent l’œuvre de militants des droits de l’homme et de groupes « antifascistes » qui ont une haine viscérale du fait national et qui omettent de préciser la réalité sociale d’un « patriotisme d’État » extrêmement prégnant en Russie depuis toujours[5].

Qu’entendons-nous avec cette expression « patriotisme d’État » ?

Pour mieux la comprendre, il faut d’abord distinguer patriotisme et nationalisme. Les deux notions ont longtemps été considérées comme synonymes par les Occidentaux à la suite des guerres mondiales et des ravages provoqués par ces conflits.

Ainsi, le patriotisme reste négativement défini par le Centre National de recherches textuelles et lexicales, qui met l’accent sur le côté militaire qu’impliquerait ce mot[6]. Or, d’autres personnes le comprennent différemment : ainsi, Françoise Daucé cite S. Ivanova, pour qui le patriotisme est un sentiment censé « unifier les communautés ethniques autour de l’État[7] ». Il n’y a donc pas d’accord sur une seule définition du mot. Selon nous, ces divergences sont révélatrices d’un grave problème contemporain : le relativisme. Si la signification des mots eux-mêmes varie en fonction des individus, alors ils ne veulent plus rien dire. Et si les mots perdent leur sens, non seulement nous tombons dans l’absurde, mais c’est surtout toute l’assise judiciaire de nos sociétés modernes qui peut à terme être remise en question par l’interprétation variable des textes de loi. C’est l’État de droit lui-même qui est en danger, et pas seulement en Russie.

Pour revenir au sens des mots, nous estimons que le patriotisme exclut toute référence à l’État ;

la définition de S. Ivanova correspondrait ainsi mieux au nationalisme. En effet, ces deux noms n’ont fondamentalement pas le même sens ; leur coexistence même implique une différence sémantique évidente. Pour l’auteur de ces lignes, le nationalisme implique une loyauté politique à la nation établie sous forme étatique, alors que le patriotisme se rattache à la fois à la dimension matérielle et spirituelle de rattachement sentimental à sa terre natale, à son patrimoine et l’âme nationale, indépendamment du régime politique qui gouverne ce territoire. Il est nécessaire de bien comprendre cette différence pour pouvoir analyser dans toute sa diversité la conception patriotique et nationaliste en Russie. C’est d’ailleurs aussi le point de vue de Kathy Rousselet quand elle constate que de nombreux conservateurs patriotes rejettent toute forme de soumission à l’État, qu’ils jugent inefficaces et corrompus[8].

Cette distinction nécessaire entre patriotisme et nationalisme a été rendue possible en Russie grâce à la stratégie politique de Vladimir Poutine, qui a réussi à purifier le patriotisme de ses côtés négatifs, en le définissant comme le « sentiment de fierté de sa patrie, de son histoire et de ses succès. C’est l’aspiration à rendre son pays plus beau, plus riche, plus fort, plus heureux. […] Lorsque ces sentiments sont libres de vanité nationaliste et d’ambitions impériales, ils n’ont rien de répréhensible[9]. »

Mais attention à ne pas s’y laisser prendre. Bien qu’il fasse cette distinction entre le bon patriotisme et le mauvais nationalisme, ses objectifs politiques ne doivent pas être perdus de vue. En effet, il ne distingue pas les deux termes par seul intérêt lexical, mais pour justifier le bien-fondé de sa politique à caractère nationaliste, qu’il nomme pudiquement « patriotisme d’État ». Or, si nous nous référons à notre définition, un patriotisme soumis à l’État n’est rien d’autre que du nationalisme.

Les Acteurs mis en évidence : Les Groupuscules d’extrême droite

La majorité des recherches académiques s’intéressent aux mouvances sises à l’extrême-droite de l’échiquier politique, pourtant minoritaires au sein de la population. Par extension, tous les groupes politiques nationalistes, notamment ceux pro-présidentiels, sont passés au crible par les chercheurs[10]. Pourtant, comme le souligne Alexandre Verkhovski,

il est nécessaire de distinguer le nationalisme des années 1990 et celui des années poutiniennes[11].

Les mouvances radicales d’obédience ethno-communiste, ou celles qui se basent sur les Centuries noires en reconstruisant une idéologie politique orthodoxe sur fond d’autodétermination ethnique, ont fleuri durant la dernière décennie du siècle, mais n’ont pas connu le succès que leurs meneurs auraient souhaité. Bien souvent, ces groupuscules marginaux ont été caricaturés à l’extrême dans les médias. Les poncifs habituels sont repris par les milieux culturels, notamment dans certains films russes des années 1990, tel Luna-Park de Pavel Lunguine.

Le long-métrage s’ouvre précisément sur une scène de combat de rue où l’on voit des skinheads à torse nu lutter « contre le Coca-Cola® » et les représentants de la « contre-culture » globalisante[12]. Leur mission consiste à « nettoyer » les villes de toutes les populations considérées comme indésirables[13]. Sont ainsi visés les étrangers, notamment ceux originaires d’Afrique et d’Asie, mais aussi et surtout les ethnies caucasiennes et centre-asiatiques, qui pourtant sont, pour certaines, sujets de la Fédération de Russie. « Les punks, les rappeurs, les partisans du Parti national-bolchevik, les anarchistes, les altermondialistes, les homosexuels[14] », les Juifs, ou encore les rockeurs sont aussi victimes de ces groupes russes ultranationalistes, comme l’évoque Luna-Park dans sa scène d’introduction. Les protagonistes s’y présentent eux-mêmes comme des « чистильщики », le scandant à trois reprises avant l’affrontement initial. Il ne faut cependant pas céder à la généralisation hâtive.

Ces mouvements se basent certes sur des conceptions racistes de la nation russe, mais ne sont réellement nazis que les noyaux skinheads de ceux-ci.

Les soutiens à ces mouvements se composent de masses de jeunes gens qui n’appartiennent à aucun parti politique et dont l’adhésion se fait sur la base d’une lecture romantique du nazisme, vidé de tous ses aspects idéologiques[15]. Les premiers membres de ces groupes appartiennent à une génération désillusionnée qui voit son pays se disloquer. C’est cette conjoncture qui voit l’émergence brutale du nationalisme, seule idéologie capable de rassembler les gens d’un même milieu en période trouble. Toutefois, les mouvances d’extrême-droite existent encore et ont su recruter dans le large bassin de la « jeunesse de la périphérie », qui diverge économiquement, socialement et culturellement de la jeunesse du centre. Ces jeunes constituent logiquement la principale ressource des mouvements extrémistes contestataires, comme les ultranationalistes, les néofascistes ou les national-bolcheviks, mais aussi de manière plus surprenante, des organisations pro-Kremlin comme Наши, ou plus rarement Молодая Гвардия[16]. Cette dernière rassemble plutôt la progéniture de l’élite qui a bénéficié des années Poutine[17]. Ainsi, bien que les enquêtes du Levada Center confirment que la jeunesse est aussi apolitique que le reste de la population, la sociologue Elena Omeltchenko relève la formation d’un « patriotisme spontané » chez les jeunes au début des années 2000, alors même qu’il s’accompagne d’un manque total de confiance dans les institutions politiques (à l’exception du président Vladimir Poutine, seul référent politique de confiance)[18]. Selon la sociologue, il s’agirait d’un « patriotisme d’enfance », c’est-à-dire un sentiment d’amour, déjà couplé à une vague nostalgie, que l’on ressent envers son pays décadent, un peu comme ce que nous pourrions ressentir si, étant enfant, nous veillions notre gentille grand-mère mourante.

Les plus nombreux à soutenir le slogan ethno-nationaliste « la Russie aux Russes » et à désirer une limitation stricte de l’immigration qu’ils accusent de violence à l’égard de la population locale sont les jeunes générations. Les sondages menés auprès des Russes qui habitent Moscou sont éloquents. La majorité des étudiants de Moscou affirment que les non-Russes ne peuvent être considérés comme Moscovites même s’ils y sont nés, et près de 90% des interrogés considèrent qu’il y a trop d’étrangers à Moscou[19].

La xénophobie est ainsi largement plus répandue chez les jeunes que chez leurs parents, mais elle est aussi plus radicale, puisqu’ils se basent sur des critères raciaux.

Marlène Laruelle écrit même que « plus de 20% des élèves des petites classes se déclarent racistes […] et s’opposent aux mariages mixtes[20]. » Et une fois n’est pas coutume, l’origine sociale de ces jeunes se révèle fort intéressante. Certes, la base sociale de la jeunesse nationaliste radicale se compose principalement d’habitants de petites et moyennes villes de province, issus de milieux paupérisés, et titulaires du seul diplôme de fin d’éducation secondaire, ce qui ne leur permet que difficilement de trouver un travail. Mais les enquêtes menées par le Centre Levada dès la seconde moitié des années 1990 ont infirmé le cliché que répètent à l’envi les médias occidentaux, selon lequel seules les basses couches sociales seraient soumises aux préjugés xénophobes ; en effet, elles montrent que la xénophobie augmente au sein de toutes les couches sociales, et « particulièrement rapidement parmi […] les citoyens disposant d’une éducation supérieure, vivant dans les grandes villes et ayant des activités culturelles régulières[21]. »

Ainsi, le sentiment xénophobe est largement répandu au niveau national indépendamment du milieu social. Ce n’est donc pas un hasard si le pouvoir s’est appuyé sur ce sentiment général pour exploiter cette thématique et réaliser son désir d’union nationale.

A contrario, les nationalistes sont aujourd’hui chassés par le régime de Poutine depuis une loi passée en 2002 par la Douma. En effet, le Kremlin use du terme « nationalisme » comme quasi-synonyme de xénophobie, fascisme et extrémisme[22].

Pourtant, ceux-ci ne sont pas forcément totalement opposés à Poutine. Ainsi, l’auteur Maksim Kalashnikov, activiste politique et tenant d’un nationalisme de gauche, reconnaît que Vladimir Poutine « n’est pas sans espoir en dépit de son absence de qualités de dirigeant [23] ». Mais cela ne l’empêche pas de continuer à revendiquer une structure parallèle à l’État, qui serait la seule apte à réaliser des miracles, notamment en terme de protection des Russes ethniques[24]. Ce désir d’un contre-pouvoir entre parfaitement dans la ligne de la contre-culture qui joue un rôle symbolique central dans les mouvances extrémistes. Les nationalistes essaient ainsi de jouer sur deux tableaux en même temps : perdurer au sein de la contre-culture jeune, où ils trouvent de nombreux adhérents, et en même temps, entretenir des liens avec certaines personnalités publiques. C’est précisément ce que fait Alexandre Douguine, intellectuel nationaliste, vieux-croyant et théoricien politique, qui entretient son image de respectabilité en côtoyant l’élite moscovite, mais en gardant contact avec la jeunesse alternative[25]. Il fait ainsi le lien entre les différents milieux nationalistes, mais aussi entre les différents courants nationalistes, que nous détaillons un peu plus bas. La foi orthodoxe, qui occupe une grande place dans sa pensée politique, n’est en effet plus un prérequis nationaliste.

Pour en savoir plus sur Alexandre Douguine et son courant de pensée, allez lire le compte rendu de Carole Grimaud Potter pour notre partenaire Le grand continent : « Fondements de Géopolitique : Le Futur Géopolitique de la Russie » Alexandre Dougine, 1997. https://legrandcontinent.eu/2017/11/02/nous-avons-lu/

Les Acteurs mis en évidence :  L’Église Orthodoxe

L’Église orthodoxe est très présente sur la scène patriotique, car c’est grâce au patriotisme qu’elle a pu survivre face aux invasions étrangères, ainsi qu’à l’époque soviétique[26]. Le discours des Fondements de doctrine sociale de l’Église accorde une large place à cette thématique. Tout comme chez les catholiques[27], le caractère universel de l’Église ne signifie pas que les chrétiens n’ont pas le droit d’exprimer leur spécificité nationale. L’amour de la patrie terrestre et l’amour de la patrie céleste sont indissociablement liés, comme le suggère saint Jean de Cronstadt dans les Fondements de doctrine sociale[28]. Le patriotisme se nourrit de la tradition de l’amour du prochain ordonné selon une hiérarchie biologique et logique : prime l’amour de sa famille, puis celui envers ses compatriotes, enfin celui de ses frères dispersés dans le monde entier. La défense de ceux que l’on aime est ainsi parfaitement légitime en cas d’attaque étrangère. On retrouve ici l’idée du sacrifice de soi pour son pays, qui est centrale dans la rhétorique orthodoxe conservatrice[29].

L’Église orthodoxe russe défend aujourd’hui cette lecture, qui a toutefois varié selon les époques. Ainsi, alors que l’Église soutenait à la fin du XIXe et au début du XXe siècle les Centuries noires prérévolutionnaires en raison de leur lutte idéologique en faveur d’une Russie monarchique et orthodoxe, elle n’est plus unanime à légitimer la frange de fidèles qui ont ressuscité à la chute du régime soviétique ces mouvements ultra-orthodoxes, en raison des pogroms qu’ils provoquèrent envers les Juifs et les populations perçues comme étrangères. En effet, ces groupuscules ont récupéré une partie du discours du XIXe siècle militant alors pour une transformation de la Russie sur fond d’autodétermination ethnique, à l’image du Reich allemand des Hohenzollern[30]. La Russie était alors la seule puissance orthodoxe, et ethnie et confession allaient à cette époque encore de pair. Les membres des Centuries voulaient voir se réaliser leur propre Reich. Mais ressurgi dans les années 1990, ce discours ne fonctionne pas en raison de sa rhétorique archaïque et trop religieuse.

Le nationalisme orthodoxe reste toutefois populaire, même s’il demeure secondaire dans la nébuleuse nationaliste russe[31].

Anastasia Mitrofanova souligne, dans son dernier article paru, le rôle de l’Eglise dans la lutte contre le nationalisme ethnique au profit du patriotisme russe ; celui-ci est promu comme compatible avec la théorie du « monde russe », concept plus civilisationnel qu’ethnoculturel, permettant une extension culturelle et religieuse telle que défendue aujourd’hui par le pouvoir russe[32]. Il y a en Russie cette image toute particulière qui lie de manière presque organique le pouvoir et l’orthodoxie. En effet, la conception religieuse du pouvoir est profondément ancrée dans la conscience politique des Russes, « pour qui l’origine du pouvoir est transcendante[33]. » Cette vision se retrouve dans la façon dont de nombreux Russes des classes moyennes attribuent les échecs politiques à l’entourage de Poutine, mais jamais au président lui-même. Cela remonte à l’époque tsariste, mais Staline bénéficia lui aussi de ce crédit. La conception eurasiste de la nation russe, née au XIXe siècle et que défend aujourd’hui Douguine, emprunte beaucoup au domaine du religieux. Ce n’est pas un hasard : comme l’orthodoxie, les eurasistes revendiquent le caractère organique de la nation, avec laquelle le christianisme est intrinsèquement lié[34]. L’idée de l’unité est centrale. Cette vision romantique n’est pas nouvelle, puisque Piotr Savickij écrivait déjà dans les années 1920 que « la religion, c’est l’unité reliant les vivants et les morts, le passé, le présent et le futur. L’identité nationale se conçoit dans le monde du religieux[35]. » C’est une construction politique globale cohérente.

Toutefois, le discours orthodoxe perd du terrain sur la scène nationaliste. De par la grande sécularisation de la société premièrement, mais aussi en raison de désaccords apparents. Le patriarche Kirill s’est en effet publiquement exprimé le 6 janvier 2016 en faveur d’une « Église orthodoxe russe multinationale[36] », ce qui a fortement déplu aux tenants du « nationalisme classique[37] », pourtant fief orthodoxe. En revanche, ce discours fut une preuve de plus pour les mouvances néonazies et néo-païennes que l’Église orthodoxe n’a pas pour but de défendre la nation, mais ses propres intérêts qui sont en l’occurrence stratégiques : ne pas perdre les orthodoxes ukrainiens encore rattachés au patriarcat de Moscou. Ces tenants du « nouveau nationalisme » ont pourtant un point commun avec les orthodoxes ; ils se méfient de la laïcité, et pratiquent de ce fait diverses formes religieuses païennes[38].

Le concurrent de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, évincé des élections présidentielles de 2018, entretient des affinités avec ce courant de pensée, comme le suggère sa participation régulière aux premières éditions de la Marche russe. Ce défilé nationaliste qui a lieu chaque année a toutefois rapidement été récupéré par les groupes d’extrême-droite. Mais ce nouveau nationalisme, en rejetant les valeurs traditionnelles religieuses, se construit sur un mélange hybride « entre le libéralisme et le conservatisme traditionnel[39] ». Ce bricolage fonctionne pour le moment, mais peut-t-il tenir la distance, alors que son idéologie tire ses origines de deux sources contradictoires ? Comment justifier des valeurs libérales et démocrates, alors même que leur discours s’avère discriminant ? D’autres alliances peuvent toutefois encore naître. Il existe un courant qui appelle à la synthèse de l’orthodoxie et de l’idéologie panslave, qui pourrait être une alternative à l’eurasisme[40]. Tout est possible dans le creuset idéologique que constitue aujourd’hui la Russie.

Le Patriotisme au sein de la population

Les sondages sont clairs : plus de 80% des Russes condamnent la violence et les références au nazisme ou au fascisme, et ils sont très peu à accepter d’être considérés comme racistes ou xénophobes ; 81% estiment même que le nationalisme est une mauvaise chose[41].

Et pourtant, on l’a vu, la xénophobie et le sentiment d’attachement à son pays sont largement répandus. Comment expliquer cette apparente dichotomie ? C’est à Vladimir Poutine que l’on doit le retour de la question patriotique dans les affaires de l’État. Dans son Manifeste du millénaire, en plus de distinguer patriotisme et nationalisme, il convoque l’idée de valeurs, et en précise trois qu’il estime fondamentales : le patriotisme (Патриотизм), la puissance (Державность) et le sens de l’État (Государ-ственничество)[42]. Il lance en 2001 un programme gouvernemental qui sera renouvelé deux fois, jusqu’en 2015, pour promouvoir une « éducation patriote des citoyens de Fédération de Russie » dont le but est triple : « préparer les citoyens au service militaire, faire renaître les valeurs spirituelles du pays […], “affaiblir l’opposition idéologique à l’État”[43] ». Poutine relance ainsi une culture patriotique qui n’avait pourtant jamais cessé, mais qu’il souhaite placer sous la coupe de l’État. Il faut dire qu’il suit simplement l’esprit du temps. En effet, la fin des années 1990 voit l’émergence d’un phénomène de « nostalgie de l’Empire », comme l’appelle le sociologue russe Boris Doubine, parmi les citoyens russes, notamment les Russes ethniques[44]. Ces citoyens rendus amers par la chute de prestige liée à l’effondrement soviétique cherchent des symboles positifs de l’histoire russe, associés à la grandeur du pays, au pouvoir fort et à l’ordre ou à la justice.

Le vide idéologique soviétique est ainsi comblé par une recomposition positive de leur passé.

La Victoire de la Grande Guerre patriotique, mise en avant par la politique mémorielle du régime poutinien, devient de ce fait porteuse des valeurs nationales « éternelles », qui se manifestent par la réconciliation avec l’Église orthodoxe[45]. Il s’agit là du fameux « patriotisme d’État » qui existe en Russie, mais qui en réalité n’est rien d’autre qu’une politique nationaliste menée par le haut de la société. Elle s’oppose aux mouvements populaires, bien plus nombreux mais moins puissants, à la connotation plus ethnique, et plus proches du vrai patriotisme que l’idéologie propagée par l’État.

Ainsi, le « patriotisme » russe d’aujourd’hui est plutôt orienté vers l’État, la conception de grandeur de son pays, et non pas de la seule ethnie[46]. Mais le désir de reconnaissance ethnique existe. Les ethnies minoritaires de Russie, comme les Tatars et les Bachkirs, ont ainsi mis en place des associations à la chute de l’Union soviétique pour préserver leur nation au nom du droit à l’autodétermination nationale en raison du caractère historique de leur peuple[47]. Ils demandent ainsi à préserver leurs langue, culture, traditions, et parfois même leur souveraineté. Les déclarations du président Eltsine dans les années 1990 ont en effet mené certains peuples à déclarer l’autonomie de leurs républiques ethniques. Ces associations sont toutefois chapeautées par l’État depuis 1997[48].

En réalité, les associations ne sont pas le seul fait des minorités. Une majorité de Russes appartiennent à des clubs labellisés « patriotiques », mais qui se veulent apolitiques. Ils sont orientés vers des activités basées sur les intérêts communs des membres. Pour distinguer ces différents clubs patriotiques, un second adjectif qualificatif est accolé à celui de « patriotique », tels culturel, civique, militaire, historique ou encore orthodoxe[49]. Comme à l’époque soviétique, ces lieux proposent des activités gratuites ou bon marché qui rassemblent des jeunes gens dont l’âge oscille entre 15 et 25 ans[50]. Les clubs les plus populaires sont rattachés à l’école et sont souvent tenus par des enseignants d’histoire. On y honore le souvenir familial et patriotique en analysant des objets soviétiques qui appartiennent aux élèves qui les amènent à l’occasion du cours. Ces clubs, bien que non obligatoires, encouragent toutefois les jeunes à participer à des camps d’été patriotiques organisés par la municipalité, ou par d’autres mouvements liés à une seconde catégorie de clubs[51].

Cette deuxième catégorie de clubs patriotiques existe à l’échelle municipale ou régionale, connus sous le nom de Palais de la Créativité. Se définissant comme civiques, ils ont pris la relève des rassemblements de pionniers soviétiques et proposent trois types d’activités aux jeunes. Ils organisent ainsi des actes de charité publique envers les personnes âgées ou dans le besoin pour apprendre aux jeunes les bienfaits de l’entraide nationale. Ils proposent aussi des excursions culturelles à but touristique, et s’engagent même parfois dans la reconstruction du patrimoine local. Enfin, ils promeuvent le leadership en invitant les jeunes à prendre des initiatives civiques dans le but d’inspirer leurs camarades[52]. Les vainqueurs de ce genre de programme sont ensuite sollicités par les comités politiques des mouvements patriotes, tel Наши. Mais ces situations restent rares et propres à une minorité. Le quotidien de ces clubs patriotiques a surtout pour but d’encadrer les jeunes pour leur éviter de tomber dans l’oisiveté ou la délinquance[53].

Наши est un mouvement de jeunesse qui, bien qu’officiellement rattaché à aucun parti politique, soutient la politique du président Poutine et reçoit en retour une aide gouvernementale sous différentes formes. Le but de ce mouvement est de jouer le rôle de soutien du pouvoir dans les rues et contrebalancer les manifestations de l’opposition[54]. Officiellement, Наши se définit comme un « mouvement de jeunesse démocratique et antifasciste » : c’est d’ailleurs pour défier l’extrême-droite nationaliste que le groupe a réussi à rassembler en 2009 jusqu’à 30’000 jeunes Russes pour défiler à la Marche russe, mais dans un autre défilé que celui mis en place par les organisateurs de l’événement initial[55].

« Jour de la Russie » qui a lieu tous les 12 juin

On constate ainsi que les membres de Наши sont très doués pour mobiliser les foules. Ils savent séduire les jeunes à l’aide d’une propagande très bien menée. Ainsi, Наши organise des camps d’été sur la rive de la rivière Seliger où les jeunes participent à des activités qui renforcent leur sentiment patriotique et leur permet de se créer un réseau. Durant ces camps sont prodigués des ateliers d’histoire et d’activités, durant lesquels se créent de nouvelles accointances entre les participants. Déjà réunis sur la base d’un amour de la nation et d’idées politiques communes, ces jeunes voient leurs liens se renforcer grâce aux activités proposées.

Le champ culturel joue aussi un grand rôle : l’histoire y a naturellement une place majeure, mais la culture populaire est également mise à profit, notamment par l’invitation d’intervenants populaires issus du monde médiatique.

L’année 2009 a encore été marquée par la création d’un hymne à la jeunesse patriote, Кто если не мы, dont les paroles sont sans équivoque : on y célèbre le rôle actif et essentiel des jeunes au sein de tous les domaines de la société russe (Завтра России зависит от нас […] И эту историю делаем мы), et la thématique de grandeur patriotique y est évidente (Сильной, свободной, богатой России)[56]. Cet hymne connut un large succès, aidé par les manifestations officielles durant lesquelles il fut repris par plusieurs célébrités de la pop culture russe, notamment le 12 juin 2011 sur la place Rouge à l’occasion du concert de gala du Jour de la Russie (День России) intitulé cette année-là Россия молодая.

Le pouvoir n’hésite pas à user du soft power pour mettre en avant ses idées et s’attacher les foules par le divertissement.

Dans la même veine, le groupe Любэ, qui compte le président Poutine parmi ses fans, a sorti en 2004 un album intitulé Рассея aux tons patriotiques ; une des pistes contient même l’hymne national russe remixé en une version rock[57]. D’autres artistes suivent le même exemple en composant des chansons à fortes connotations patriotiques. Par exemple Oleg Gazmanov a sorti en 2015 une chanson au titre éminemment nationaliste (Вперёд Россия) qui commence par une reprise de l’air patriotique Славься composé au XIXe siècle par Mikhaïl Glinka et très populaire dans les milieux monarchistes[58]. Toute la culture pop est largement utilisée par les tenants du patriotisme. Ainsi, les créateurs de mode se sont également engagés dans le créneau, comme le démontre Ekaterina Kalinina[59]. La mode sert de vitrine à l’idéologie conservatrice patriotique en s’inspirant des uniformes de l’Armée rouge pour constituer une garde-robe masculine, et du glamour des années 1950 et 1960 pour vêtir les femmes. Ces tenues stéréotypées non seulement renouent avec le passé, mais consacrent les rôles biologiques fondamentaux de l’homme et de la femme dans la société, en opposition nette avec le modèle occidental.

Mais malgré tous ses efforts, il semble toutefois que la propagande étatique reste sans effet notable.

Il est intéressant de constater que les jeunes Russes n’associent pas du tout la Russie actuelle au patriotisme. Seuls 4,8% des jeunes le font, alors qu’ils sont près de 83% à reconnaître le patriotisme comme caractéristique de l’époque soviétique[60].

De même, l’URSS correspond mieux à l’idée de grandeur nationale que la Russie, selon cette même enquête. Il se pourrait bien que les jeunes voient en réalité clair dans le jeu du pouvoir. En effet, il leur paraît évident qu’un jeune qui s’engage dans les rangs de Наши ne sera qu’un pion bureaucratique au service de la nomenklatura[61]. Le patriotisme d’État ne semble séduire que par son discours consensuel, mais aucunement en réalité. Ce n’est peut-être pas pour rien que les jeunes rejettent aussi massivement les partis politiques, sans pour autant se désintéresser de la question politique, mais sous d’autres formes. C’est ainsi qu’on arrive à obtenir des résultats d’enquête très surprenants, tels ces 20% des jeunes Moscovites qui se déclarent favorables au retour de la monarchie[62]. Ces jeunes peuvent tout à fait être un public cible pour le nationalisme orthodoxe, qui pourrait ainsi croitre dans les prochaines années.

Selon les chiffres de l’enquête de terrain menée par Elena Morenkova, la génération poutinienne dans sa majorité estime que la Russie doit suivre sa propre voie en ne suivant ni la voie occidentale, ni le retour au système soviétique. Ils considèrent négativement et la Révolution de 1917 et la perestroïka, malgré leur signification historique opposée[63].

Ce paradoxe pourrait être révélateur d’un rejet unanime de tout changement brusque et d’un désir profond de stabilité, voire de conservatisme chez les jeunes. Il est poignant de lire leurs avis sur la gestion qu’ils auraient mené s’ils avaient été au pouvoir au début du XXe siècle[64]. Beaucoup mettent l’accent sur la démocratie et le désir de ressembler à l’Europe, mais seulement en terme économique et social. Le modèle politique européen ne les intéresse pas. Presque tous tiennent à l’existence d’un État fort et puissant. Les mesures radicales cohabitent avec les attitudes libérales de l’Occident : ils sont ainsi en faveur d’une liberté de parole ou d’un État démocratique, mais aussi pour l’exécution des terroristes ou des coupables de corruption, et le désir de discipline et d’ordre sociétaux. On ressent la frustration de nombreux jeunes par rapport à la rétrogradation de la Russie sur la scène internationale. La seule différence notable réside entre les sexes : les garçons insistent plus sur l’idée de puissance militaire et technologique que les filles, plus pacifistes.

En Russie, il n’existe pas de règles précises quant à l’interprétation du passé, comme cela existe en Allemagne, ainsi aucune grille de lecture « légitime » ne permet aux élèves de connaître ce qui est approuvé ou réprouvé dans l’histoire soviétique[65]. C’est pourquoi

il existe encore un fort attachement émotionnel et identitaire irrationnel envers le passé soviétique chez les jeunes qui ne l’ont jamais connu.

Ils tentent de s’approprier une identité qu’ils n’ont pas. Ils font en cela écho à la société russe qui exprime son désir de mettre fin à l’espèce de repentance nationale afin de construire une nouvelle identité sinon positive, au moins acceptable[66]. Tous en ont assez d’entendre parler d’une Russie réduite au seul goulag. D’ailleurs, ce n’est plus la période la plus haïe de l’histoire russe par les jeunes générations. Celles-ci abhorrent à présent la perestroïka et la chute de l’URSS[67]. Mais ce n’est pas tant par conviction communiste profonde que par regret et nostalgie d’un régime qui suscitait le respect et assurait à la population une certaine stabilité qui n’existe plus. En effet, presque personne ne souhaite revenir en arrière[68].

Comment faire face à ce lourd passé qui ne fait pas consensus ? Beaucoup aspirent une stabilité étatique, qu’une majorité trouve en Poutine, mais pas tous. Ce désir de climat politique tempéré se remarque même au sein des protestataires, qui usent davantage du slogan « évolution » que de « révolution »[69].

De ce fait, c’est par la mobilisation civique que les jeunes Russes tendent à agir pour leur pays : on constate ainsi une hausse sensible du nombre de bénévoles dans diverses œuvres de charité ou écologiques[70].

La jeunesse russe est donc loin de rester passive, mais elle agit différemment en fonction de ses intérêts. Toute société est plurielle et la Russie n’y fait pas exception. Le patriotisme russe s’exprime le plus souvent d’une manière bien moins militariste que ne le présentent les médias occidentaux[71]. Au contraire, c’est par ce biais que la Russie se constitue une société civile jeune et active, mais loin des réseaux politiques officiels.

Conclusion

La question du patriotisme russe est une question vaste et complexe.

Différents partis et mouvements tentent de se l’approprier et d’instrumentaliser l’amour des citoyens envers leur terre natale pour satisfaire leurs désirs politiques et idéologiques.

Divers courants coexistent, s’allient ou se déchirent. Les dynamiques elles-mêmes peuvent être totalement opposées. Ainsi, les mouvements ethnonationalistes auxquels se rattachent les groupuscules d’extrême-droite et les skinheads se constituent majoritairement à partir de la base, tandis que le nationalisme civilisationnel est octroyé par le haut, que ce soit par le pouvoir temporel (gouvernement de Poutine) ou le pouvoir spirituel (Église orthodoxe)[72].

Malgré ces différences de définitions, une grande partie de Russes se revendiquent patriotes à tous les niveaux de la société. C’est sur ce point que la Russie diverge des pays occidentaux, où les mouvements nationalistes trouvent plutôt leur base dans les milieux populaires, périurbains et abandonnés du système[73].

Cependant, Marlène Laruelle constate empiriquement, mais sans avoir approfondi la question, une corrélation entre la manière de vivre son patriotisme et la classe sociale[74]. Le patriotisme ne s’exprime pas de la même manière chez le jeune Moscovite des beaux quartiers ou le garagiste de Krasnodar. Plus une personne est pauvre, plus ses activités de loisirs dépendront de l’offre du service public ; son patriotisme s’exprimera en outre sous une forme plus militarisée que celui d’une personne plus aisée, qui elle l’exprimera via son capital culturel ou son engagement politique. Contrairement à ce qui se dit souvent, il existe ainsi une société civile en Russie, mais elle exprime son patriotisme autrement que par les canaux politiques habituels. Les clubs patriotiques, même s’ils sont subventionnés par l’État, entretiennent les liens sociaux entre les gens et ont ainsi perduré sans aucune aide étatique pendant les années 1990. La constitution de groupes bénévoles apolitiques actifs dans l’environnement ou la charité montre clairement le dynamisme de la jeunesse russe, active pour son pays.

Les mouvements marginaux classés aux extrêmes de l’échiquier politique ne sont pas voués à disparaître.

Il y aura toujours une partie de la population qui ne sera pas satisfaite par l’action étatique. Le cas de la Russie est particulièrement complexe. Le pays tel que nous le connaissons aujourd’hui est encore jeune. Sa population active a connu une crise sans précédent qui l’a profondément marquée et l’a laissée sans repères. La quête d’identité dans ce genre de situation extrême devient ainsi une priorité pour ces individus perdus, qui se cherchent dans le même temps une nouvelle « famille ». L’URSS ayant détruit ou dénaturé la diversité culturelle de ses peuples constitutifs dans le but d’uniformiser et d’unir sa population autour de la seule idéologie communiste, que reste-t-il à ses habitants lorsque l’État et tout son modèle de vie disparaissent ? C’est ce vide que remplissent les idéologies identitaires.

Aujourd’hui, la question patriotique est au cœur de la politique russe. Les jeunes Russes sont fiers de leur identité, mais le sont également les jeunes des peuples de Russie, tels les Bachkirs ou les Tatars.

Les institutions mises en place par l’État ont permis de canaliser les potentielles revendications séparatistes à critères nationaux et ont favorisé l’union de tous autour de l’État fédéral. Toutefois, Gorenburg clôt son ouvrage sur le constat que les institutions pour promouvoir l’identité nationale d’un groupe ethnique ne calment que temporairement le jeu, mais qu’à l’avenir les tensions sont vouées à ressurgir[75]. Il ne faut toutefois jamais considérer les analyses politiques comme acquises. Georgi Mirsky avait bien su repérer et expliquer les caractéristiques de la société russe de 1999, mais il assurait alors que « l’idée russe » était « loin de constituer un atout » et que la grande majorité de « la population russe est peu enthousiasmée par les idées de grandeur impériale[76] ». Les années 2010, l’annexion de la Crimée et la ferveur populaire qui s’ensuivit démontrent que la dimension impériale est bel et bien toujours présente en Russie.

Bibliographie

Sources

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Ouvrages de littérature secondaire

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Annexes

Paroles de Кто если не мы (Гимн года молодежи) du groupe Челси

Время влияет на дни и события,
Давит, диктует форматы и стили,
Мы на пороге большого открытия
Сильной, свободной, богатой России.
Время менять обещанья строптивые,
Но это сделано здесь и сейчас.
Люди свободные, честолюбивые,
Завтра России зависит от нас.

[Припев]
Кто, если не мы, сила поколения.

Кто, если не мы, научное мышление,
Кто, если не мы, прорыв десятилетия,
Кто, если не мы, на годы, на столетия.
Кто, если не мы, единая команда,
Кто, если не мы, науки пропаганда,
Кто, если не мы, заставит биться сильных,
Кто, если не мы, свободная Россия!

Мы штиля не ждем в эпицентре стихии,
Мы строим проекты великой страны,
Мы помним историю нашей России,
И эту историю делаем мы.
Дерзко, уверенно, смело, логично,
Общие идеи и цели верны,
Легко нам не будет, и это логично,
Успех наш зовется успехом страны.

[Припев]

Пришло другое время, другое поколенье,
С новыми идеями вперед и без сомненья.
Время быть лидерами, а не ведомыми,
Время создавать свою новую историю.
Вместе мы едины, сжатая в кулак сила,
Дерзкая Россия, сильная Россия.
Сильные умами, духом не сломленные,
Идущие вперед, целеустремленные.
КМС, нам не нужен повод,
Мы не обойдем стороною ни один город.
КМС, сторона прогресса,
Россию сильную откроют люди КМС.
Мы можем мечтать, управлять экономикой
Водить корабли, и нас много таких,
Холодный рассудок и четкая логика,
Мы этим горды и научим других.

[Припев]
Огромная Россия!
Великая Россия!
Любимая Россия!

Paroles de Вперёд Россия! du chanteur Oleg Gazmanov

Так было в России с далеких времен
Чем выше давление, тем крепче бетон
И если опасность державе грозит
Становится Родина, как монолит
В горниле победы сегодня как встарь
Опять закаляется Родины сталь

[Припев] x2
Россия, Россия — в этом слове огонь и сила
В этом слове победы пламя
Поднимаем России знамя

Пусть время нас бурным потоком несет
За нами Россия, за нами народ
Традиции святы и тысячи лет
Продолжится летопись наших побед
А если врагов налетит воронье
Их снова Отечество встретит мое

[Припев] x2

В этом слове источник силы
Повторяем -Вперед Россия

[Припев] x2

[1] Pain, Emil, « Nationalisme et représentation impériale dans le cas russe », Outre-terre, vol. 19, n°2, 2007, p. 175.

[2] Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, Paris, Éditions de l’Œuvre, 2010, p. 22.

[3] Laruelle, Marlène (dir.), Le rouge et le noir : Extrême-droite et nationalisme en Russie, Paris, CNRS Éditions, 2007, p. 12.

[4] Daucé, Françoise, Désert, Myriam, Laruelle, Marlène, Le Huérou, Anne and Kathy Rousselet, Les usages pratiques du patriotisme en Russie. Questions de recherche, n°32, 2010, 31 p.

[5] Ibid., p. 8.

[6] « Patriotisme » : attachement profond et dévouement à la patrie, souvent avec la volonté de la défendre militairement en cas d’attaque extérieure, http://www.cnrtl.fr/definition/Patriotisme (consulté le 13.12.17).

[7] Daucé, Françoise, « Patriotic Unity and Ethnic Diverstiy at Odds : The Example of Tatar Organisations in Moscow », Europe-Asia Studies, vol. 67, n°1, 2015, p. 74.

[8] Rousselet, Kathy, “The Church in the Service of the Fatherland”, Europe-Asia Studies, 67, n°1, 2015, p. 61.

[9] Путин, Владимир, « Россия на рубеже тысячелетий », Независимая газета, 30.12.1999, http://www.ng.ru/politics/1999-12-30/4_millenium.html (consulté le 13 décembre 2017).

[10] Laruelle, Marlène, “Patriotic Youth Clubs in Russia. Professional Niches, Cultural Capital and Narratives of Social Engagement”, Europe-Asia Studies, vol. 67, n°1, 2015, p. 9.

[11] Verkhovski, Alexandre, « Russie contemporaine : des nationalismes en évolution », Outre-terre, vol. 19, n°2, 2007, p. 165.

[12] Лунгин, Павел, Луна-Парк, 1992. DVD.

[13] Mitroxin, N., « Ot Pamiati k skinxedam Luzhkova. Ideologija russkogo nacionalizma v 1987-2003 gg. » Neprikosnovennyj zapas, n°31, 2003, pp. 37-43, in Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, Paris, Éditions de l’Œuvre, 2010, p. 113.

[14] Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, p. 108.

[15] Verkhovski, Alexandre, « Russie contemporaine : des nationalismes en évolution », p. 167.

[16] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, Paris, Éditions Panthéon-Arras, 2017, p. 534.

[17] Laruelle, Marlène, “Patriotic Youth Clubs in Russia”, p. 17.

[18] Омельченко, Елена, «Молодежный вызов. Часть 1», Polit.ru, 07.04.2011, http://www.polit.ru/article/2011/04/07/lessons/ (consulté le 27.12.2017).

[19] Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, p. 79.

[20] Šnirel’man, V., « Čistil’ščiki moskovskix ulic », Skinxedy, SMI i obščestvennoe mnenie [Labyrinthes intellectuels : essais sur l’idéologie dans la Russie contemporaine], Moscou, Academia, 2004, p. 62, in Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, p. 331.

[21] Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe. Des repères pour comprendre, p. 77.

[22] Daucé, Françoise, Désert, Myriam, Laruelle, Marlène, Le Huérou, Anne and Kathy Rousselet, Les usages pratiques du patriotisme en Russie. Questions de recherche, n°32, 2010, p. 18.

[23] Калашников, Максим, Геноцид русского народа. Что может нас спасти ? Москва, ЯУЗА, 2005, p. 62

[24] Ibid., p. 75.

[25] Laruelle, Marlène (dir.), Le rouge et le noir : Extrême-droite et nationalisme en Russie, p. 137.

[26] Rousselet, Kathy, “The Church in the Service of the Fatherland”, p. 50.

[27] « Si le catholicisme était ennemi de la patrie il ne serait pas une religion divine », Saint Pie X, Allocution Nous vous remercions, 19 avril 1909.

[28] « Aime ta patrie terrestre, c’est elle qui t’a élevé, soigné, honoré, nourri ; mais aime plus encore la patrie céleste… elle est incomparablement plus chère que l’autre, parce qu’elle est sainte et juste, incorruptible. C’est par le sang inestimable du Fils de Dieu que tu as mérité cette patrie. Mais pour en être membre, respecte et aime [ses] lois, de même que tu es tenu de respecter les lois de ta patrie terrestre », cité in Daucé, Françoise, Désert, Myriam, Laruelle, Marlène, Le Huérou, Anne and Kathy Rousselet, Les usages pratiques du patriotisme en Russie. Questions de recherche, n°32, 2010, p. 18.

[29] Rousselet, Kathy, “The Church in the Service of the Fatherland”, pp. 52-53.

[30] Verkhovski, Alexandre, « Russie contemporaine : des nationalismes en évolution », p. 166.

[31] Ibid., p. 167.

[32] Mitrofanova, Anastasia, « L’Eglise orthodoxe russe : nationalisme ou universalité ? », Hérodote, n°166-67, 2017, pp.97-112.

[33] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, p. 505.

[34] Laruelle, Marlène, L’idéologie eurasiste russe ou comment penser l’empire. Préface de Patrick Sériot, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 123.

[35] Савицкий, Пётр Н., «Два мира», Россия между Европой и Азией : евразийский соблазн, Москва, Наука, 1993, in Laruelle, Marlène, L’idéologie eurasiste russe ou comment penser l’empire, p. 123.

[36] Allocution du patriarche Kirill aux paroissiens ukrainiens, le 6 janvier 2016, site officiel du patriarcat de Moscou, in Mitrofanova, Anastasia, « L’Eglise orthodoxe russe : nationalisme ou universalité ? », p. 110.

[37] Terminologie consacrée dans l’article de Mitrofanova, Anastasia, « Le nouveau nationalisme en Russie », Hérodote, vol. 144, n°1, 2012, pp. 141-53.

[38] Mitrofanova, Anastasia, « Le nouveau nationalisme en Russie », Hérodote, vol. 144, n°1, 2012, p. 145.

[39] Propos d’Alexeï Navalny, in Mitrofanova, Anastasia, « Le nouveau nationalisme en Russie », p. 149.

[40] Prizel, Ilya, “Nationalism in Postcommunist Russia: From Resignation to Anger”, in Antohi, Sorin, Between Past and Future: The Revolutions of 1989 and their Aftermath, Budapest, Central European University Press, 2000, p. 277.

[41] Laruelle, Marlène, Le Nouveau nationalisme russe, p. 66.

[42] Путин, Владимир, « Россия на рубеже тысячелетий », Независимая газета, 30.12.1999, http://www.ng.ru/politics/1999-12-30/4_millenium.html (consulté le 13.12.17).

[43] Daucé, Françoise, Désert, Myriam, Laruelle, Marlène, Le Huérou, Anne and Kathy Rousselet, Les usages pratiques du patriotisme en Russie. Questions de recherche, n°32, 2010, p. 11.

[44] Doubine, Boris, « Les vecteurs et les niveaux de l’identification collective dans la Russie actuelle », Le Courrier de l’opinion publique, n°2, 2009, pp. 55-65.

[45] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, pp. 325-26.

[46] Kolstø, Pål and Helge Blakkisrud (ed.), The New Russian Nationalism. Imperialism, Ethnicity and Authoritarianism, 2000-15, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2016, p. 40.

[47] Gorenburg, Dmitry P., Minority Ethnic Mobilization in the Russian Federation, New York, Cambridge University Press, 2003, p. 96.

[48] Daucé, Françoise, « Patriotic Unity and Ethnic Diversity at Odds : The Example of Tatar Organisations in Moscow », Europe-Asia Studies, vol. 67, n°1, 2015, p. 72.

[49] Laruelle, Marlène, “Patriotic Youth Clubs in Russia”, p. 10.

[50] Ibid., p. 10.

[51] Ibid., p. 11.

[52] Ibid., p. 12.

[53] Laruelle, Marlène, “Patriotic Youth Clubs in Russia”, p. 17.

[54] Atwal, Maya and Bacon, Edwin, “The youth movement Nashi : contentious politics, civil society, and party politics”, East European Politics, vol. 28, n°3, 2012, p. 257.

[55] Ibid., p. 261.

[56] Челси, Кто если не мы (Гимн года молодежи), (4:08), Селигер, 2009. Cf. paroles en annexe.

[57] Любэ, Гимн России (3:20), Рассея, 2004.

[58] Газманов, Олег, Вперёд Россия! (3:22), Вперёд Россия!, 2015. Cf. paroles en annexe.

[59] Kalinina, Ekaterina, “Becoming patriots in Russia: biopolitics, fashion, and nostalgia”, Nationalities Papers, vol. 45, n°1, 2017, pp. 8-24.

[60] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, pp. 564-65.

[61] Schwirtz, Michael, “Russia’s Political Youths”, Demokratizatsiya, vol. 15, n°1, 2007, pp. 73-84.

[62] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, p. 578.

[63] Morenkova Perrier, Elena, Mémoire et politique. Les représentations du passé soviétique en Russie, p. 558.

[64] Ibid., pp. 585-93.

[65] Ibid., pp. 542-43.

[66] Ibid., p. 113.

[67] Ibid., p. 552.

[68] Ibid., p. 595.

[69] Désert, Myriam, « La société civile en Russie », Études, n°5, 2014, p. 12.

[70] Ibid., p. 14.

[71] Ibid., pp. 15-16.

[72] Verkhovski, Alexandre, « Russie contemporaine : des nationalismes en évolution », p. 174.

[73] Cf. entre autres Goodwin, Matthew J. and Heath, Oliver (2016) Brexit Vote Explained: Poverty, Low Skills and Lack of Opportunities. Joseph Rowntree Foundation, https://www.jrf.org.uk/report/brexit-vote-explained-poverty-low-skills-and-lack-opportunities (consulté le 3 janvier 18).

[74] Laruelle, Marlène, “Patriotic Youth Clubs in Russia”, p. 18.

[75] Gorenburg, Dmitry P., Minority Ethnic Mobilization in the Russian Federation, p. 271.

[76] Mirsky, Georgi, « Le nationalisme et la politique de la Russie dans sa proche périphérie », NAQD, vol. 12, n°1, 1999, p. 30 (traduit de l’anglais par Omar Hamani).

 

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