Par Marton B. Krasznai
Hongrie. Les élections du 8 avril 2018 ont vu, sans grande surprise, le parti FIDESZ du premier-ministre Victor Orban remporter à nouveau trois-quarts des sièges du parlement (avec 48% des voix, et des soupçons d’irrégularités. La campagne électorale du parti avait, cette fois-ci, consisté en un seul mot d’ordre : la défense du pays contre les « migrants » et contre les partisans de George Soros, un financier hungaro-américain qui souhaite soi-disant faire disparaître le peuple hongrois en installant des réfugiés dans le pays. Petit problème, ceux que le FIDESZ décrit comme des « partisans de Soros » correspondent à l’opposition politique dans son ensemble. Ou du moins, ils correspondaient, car mercredi 11 avril 2018, le magazine Figyelö a publié une liste de plusieurs centaines de personnes qu’elle décrit comme « travaillant pour Soros ou ses organisations ».
Cette liste cite en réalité les noms des principaux critiques du gouvernement, des journalistes, des militants des droits civils, des professeurs d’université et des chercheurs. Preuve de l’absurdité des accusations portées, le célèbre économiste János Koronai se trouve par exemple parmi les coupables désignés. Agé de 90 ans, il est évident qu’il n’est plus le salarié de personne. D’autres personnes figurant sur la liste sont tout simplement décédées.
Bien plus qu’une liste inquiétante quoique inoffensive, la publication du Figyelö pourrait en fait être l’un des premiers symptômes d’un mouvement vers une répression de l’opposition, physique ou théorique, en Hongrie. Ainsi, c’est au bord des larmes qu’Atilla Chikán, un ancien ministre du FIDESZ tombé de grâce, et qui figure sur la liste, a témoigné sur une chaîne privée d’opposition du fait qu’on le traite désormais comme un ennemi public.
La presse d’opposition, dont des journalistes figurent bien sûr sur la liste, n’a pas manqué de rappeler que la rédaction et la publication de pareilles listes de soi-disant ennemis de la nation hongroise est inouïe depuis l’une des époques les plus sombres de l’Histoire hongroise : la dictature fasciste et les épurations de la fin des années 1940 et du début des années 1950.
Plusieurs pays, dont les États-Unis, ont d’ores et déjà exprimé leur préoccupation au sujet de ces listes.