Par Nikita Taranko Acosta
Minsk-Erevan. Depuis quelques mois, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, n’a cessé de parler de la célébration du prochain référendum pour amender la Constitution de la république. La possibilité d’un nouveau référendum a enragé une grande partie des Biélorusses qui n’ont pas tardé à lancer des critiques en se servant des médias alternatifs pour le faire boycotter. Rappelons que Loukachenko avait déjà modifié la loi fondamentale plusieurs fois en 1995, 1996 et 2004 grâce à un « référendum populaire », ce qui lui a doté de nouveaux pouvoirs en plus de réduire considérablement le rôle de l’Assemblée nationale en lui permettant enfin de rester au pouvoir sans restriction de temps. L’idée d’un nouveau référendum s’inscrit évidemment dans la même logique : accroître le pouvoir du président, réduire la fréquence des élections présidentielles (de 5 à 7 ans), réduire l’âge minimum pour devenir président (de 35 à 30 ans), ce qui augmenterait les possibilités de succession pour son fils âgé de 13 ans actuellement.
« Les circonstances changent, le pays et la société se transforment et la loi fondamentale doit, elle aussi, évoluer », a-t-il déclaré aux médias en mars 2018. Pourtant, les événements au cours du dernier mois en Arménie l’ont poussé à redéfinir sa stratégie. Le référendum n’a pas pris effet après son discours annuel prononcé le 24 avril 2018 devant le parlement biélorusse. Il s’agît d’un de ces discours le plus laconiques de ces dernières décennies qui a duré plus d’une heure et dont le point central fut la rétractation, voire la négation de son propos concernant l’amendement de la Constitution par un référendum. En fait, la rhétorique du président a radicalement changé depuis la destitution de Serge Sarkissian en Arménie. Il a répété à plusieurs reprises, depuis la semaine passée, qu’il n’a jamais eu l’intention de changer quoi que ce soit sur le plan constitutionnel et encore moins de faire passer un référendum sans le soutien du peuple. Il affirme désormais qu’il s’agît plutôt des rumeurs mal-fondées. « Si quelqu’un ici pense que l’on va adopter une nouvelle Constitution et créer ainsi un prétexte pour le Maïdan [son exemple préféré], je dois vous décevoir car cela n’arrivera jamais tant que je suis président. Vous devez me faire confiance », a-t-il répondu à la question posée par une journaliste dans la salle ovale le 24 avril 2018.
En effet, la préoccupation de Loukachenko s’est accentuée le jour suivant lors d’une conversation téléphonique avec son homologue arménien, Armen Sarkissian. Ce dernier l’a prévenu des dangers auxquels est exposé l’Arménie et a sollicité son aide. Les deux chefs d’État sont arrivé à la conclusion qu’il fallait résoudre la crise arménienne d’une manière pacifique sans attirer le regard des acteurs externes – notamment ceux de Bruxelles, Moscou et Washington – pour que le conflit reste local et n’arrive pas à se propager à l’instar du Maïdan ukrainien. Le Bélarus s’est engagé ainsi à envoyer des conseillers et journalistes spéciaux à Erevan afin de contribuer à la résolution du conflit tout en rappelant que la Constitution d’Arménie doit être respectée à tout moment pour que le nouveau gouvernement soit démocratiquement formé le plus vite possible.
Il faut constater que ce changement d’attitude est surtout dû à la peur de perdre le contrôle à l’intérieur du pays et d’avoir une révolution semblable au Bélarus. Or, ni le mouvement d’opposition ni la société civile n’ont le poids ni la présence ni la détermination de leurs homologues arméniens. Il suffit d’évaluer les derniers mouvements et protestations au cours de ces mois au Bélarus pour confirmer le degré de tolérance disproportionné entre les deux peuples envers le régime dictatorial, étant toujours plus ou moins toléré et, de ce fait, beaucoup moins contesté au Bélarus qu’en Arménie. Ainsi, ni les opposants politiques lors de la Journée de liberté le 25 mars 2018, ni les activistes de la « Marche de Tchernobyl » le 26 avril 2018, ni les protestations populaires contre le décret numéro 1 (qui vient de remplacer le décret numéro 3) sur la « taxe de parasitisme » (taxe à payer pour les citoyens qui n’ont pas de travail) cette année ne peuvent être considérés comme des véritables mouvements de masse car l’on parle des milliers des protestataires au plus par rapport aux dizaines de milliers en Arménie (pays qui compte plus que 3 fois moins d’habitants que le Bélarus).
En fin de compte, et pour rassurer le peuple biélorusse, Lidia Iermoshina, présidente de la Commission électorale centrale et le bras droit de Loukachenko, a déclaré le 29 avril 2018 que « la stabilité dans le pays est beaucoup plus importante que la réforme constitutionnelle ».