Après les « migrants », la « menace » homosexuelle en Hongrie

Après les « migrants », la « menace » de l’homosexuelle en Hongrie / A „migránsveszély” után, most itt a „homoszexuálisveszély” Magyarországon / After the “migrants”, Hungary now fears homosexuals

Par Marton B. Krasznai

Hongrie. Les 15 dernières représentations (sur un total de 40) de la comédie musicale Billy Elliot ne pourront pas avoir lieu à l’Opéra National de Hongrie, à Budapest. En cause, le nombre insuffisant de billets vendus, à la suite d’accusations portées par plusieurs médias pro-gouvernementaux contre l’Opéra.

En effet, Billy Elliot, film de Stephen Daldry adapté en comédie musicale par Elton John, raconte l’histoire d’un adolescent de milieu modeste qui choisit de faire du ballet et non de la boxe.

C’en était trop pour certains médias pro-gouvernementaux, Magyar Idök en tête, qui n’ont pas tardé à crier à la perversion des jeunes cerveaux par de la propagande LGBTQ. Ceci leur donnait l’occasion également d’affirmer que le réel changement de régime n’avait pas encore eu lieu dans le milieu artistique, en affirmant que le fait que de tels spectacles soient produits à l’Opéra national prouverait que « même si la culture est dirigée par des personnes que les libéraux n’aiment pas, ces mêmes personnes n’ont toujours pas adopté les valeurs civiles ».

Pourtant, le gouvernement Orban a pris en effet soin de placer ses hommes de confiance à la direction des institutions culturelles hongroises, l’Opéra en tête.

Certes, les médias pro-gouvernementaux ont essayé de se donner une apparence raisonnable. Ils ont expliqué que le problème était celui de la promotion de l’homosexualité, et non de la légalité de l’homosexualité. Mais comme si cette affirmation n’était pas en elle-même suffisante pour faire échouer cette tentative de se donner une image raisonnable, ils ont poursuivi en évoquant le danger que représenterait l’homosexualité dans un contexte de vieillissement de la population, et alors que les réfugiés prépareraient une invasion de la Hongrie.

Pourtant, le vieillissement de la population, un problème répandu dans la région, résulte de la fin du socialisme (pour des raisons économiques et de diminution des prestations sociales) et non d’une hypothétique augmentation du nombre d’homosexuels.[3]

Cette attaque contre l’homosexualité, dont on refuse apparemment jusqu’à voir l’existence en Hongrie, s’inscrit dans la lignée de la politique poursuivie par le gouvernement Orban depuis 2010. En effet, sans faire figure de modèle en la matière, la Hongrie, historiquement, a globalement suivi les tendances européennes en matière de droit des LGBTQ[4]. La dépénalisation de l’homosexualité intervient en 1962, en avance sur, par exemple, la Grande-Bretagne ou les deux Allemagnes. Depuis 2008, des Gays Prides ont lieu chaque année, sous importante protection policière cependant face aux contre-manifestations d’extrême droite.

Mais, en 2013, le gouvernement actuel modifie la Constitution pour y affirmer clairement qu’un mariage ne peut avoir lieu qu’entre une femme et un homme, s’attirant les critiques de nombreuses ONG. Il convient ici de préciser que la Constitution est extrêmement difficile à modifier en Hongrie, et que la légalisation du mariage entre personnes du même sexe, si elle devait intervenir, nécessitera donc un vote des deux-tiers du Parlement.

Après les critiques du magazine Magyar Idök, c’était au journal Figyelö, de publier une liste d’universitaires, avec photo des personnes, travaillant sur des thématiques de genre et de l’homosexualité[5]. (Figyelö, on pourrait le dire, est un journal amateur de publication de « listes d’ennemis » – à ce sujet je vous invite à lire mon précédent article « Spectres d’un passé sinistre ».)

Et pourtant, comme le souligne très justement Mathilde Serrell sur France Culture, Billy Elliot n’est pas une histoire sur l’homosexualité, mais sur l’émancipation sociale.

Après le complot « Soros, Union Européennes, Migrants », voilà donc que le « complot gay » devient également un sujet de discussion répandu en Hongrie.

A l’international, cela risque bien de donner une raison supplémentaire aux Eurodéputés pour demander le retrait du droit de vote de la Hongrie dans le Conseil Européen pour, notamment, le non-respect de l’égalité entre personnes. Et pareils évènements ne contribueront certainement pas non plus à améliorer l’image, ternie, du pays.

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