Par Yanis Hadrami
Varsovie. En visite officielle à Washington mardi 18 septembre 2018, le président polonais A. Duda a fait part au président D. Trump de son souhait de voir l’ouverture prochaine d’une base militaire permanente américaine en Pologne. Pour cela, la Pologne se dit prête à assumer en partie les divers frais inhérents à une présence sur le long terme de soldats américains et de leurs familles sur son sol.
Il ne s’agit pas là d’une idée nouvelle, déjà dès le mois de mai dernier le Président Duda évoquait l’éventualité de faire appel à son allié militaire historique américain afin de renforcer le statut militaire et géostratégique de son pays[1].
Ce souhait s’inscrit dans une volonté politique affirmée et assumée de faire de la Pologne un des pivots stratégiques de la défense atlantiste et par voie d’extension de celle de l’Union Européenne face au comportement jugé toujours plus agressif du Kremlin.[2] Rappelons que la Pologne, selon les dires de son ministre de la Défense, considère la Fédération de Russie comme sa menace première devant le terrorisme islamiste.
Par ailleurs, marquée par ce qu’elle considère être l’expression d’un expansionnisme russe, la Pologne s’est lancée, depuis 2013, dans un processus de modernisation de son appareil militaire datant principalement de la Guerre Froide. Cette modernisation dans laquelle le complexe militaro-industriel américain joue un rôle crucial est perceptible à travers plusieurs évolutions tant quantitatives que qualitatives (achat de matériel moderne, hausse significative des effectifs).
Pour bon nombre d’observateurs de la Pologne, cette volonté de compter davantage sur le soutien militaire américain n’est pas surprenante. Ce souhait traduisant une « méfiance à l’égard de l’Europe de la Défense [3]» est en pleine adéquation avec la doctrine militaire polonaise qui prévoit dans son Polish Policy Foreign un renforcement accru des liens militaires avec les Etats-Unis d’ici à 2020.
A ce jour, l’exécutif américain par la voie de son secrétaire à la Défense se contente d’envisager cette option. Il paraît cependant fort probable que les Américains répondent favorablement à cette demande d’autant que les Polonais semblent désireux de remplir la condition « trumpienne » d’une meilleure participation financière des pays européens à l’Otan comme évoqué plus haut
On peut désormais s’interroger sur la réception de cette annonce par le gouvernement russe.
Renforcer le statut polonais de « poste avancé » de l’OTAN en Europe médiane risque à n’en pas douter de donner encore plus de grain à moudre à la rhétorique d’encerclement du pouvoir russe. Selon le Kremlin, l’OTAN ne cesserait de se rapprocher dangereusement des frontières russes en dépit des promesses orales faites par l’ancien secrétaire d’état US J.Baker à son homologue de l’époque E.Chevardnaze de cesser toute avancée atlantiste vers l’est.[4]
Bibliographie
Rapport Institut Thomas More « La Pologne, acteur géostratégique émergent et puissance européenne », Jean-Sylvestre Mongrenier et Jeanne Dubois- Grasset.
« L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est » Le Monde Diplomatique, Philipe Descamps
« À quand une base US baptisée Fort Trump ? » Phillipe Chapleau, Ligne de défense, Ouest France.
Notes
[1] « À quand une base US baptisée Fort Trump ? » Phillipe Chapleau, Ligne de défense, Ouest France
[2] Ibid.
[3] Rapport institut Thomas More « La Pologne, acteur géostratégique émergent et puissance européenne » Jean-Sylvestre Mongrenier et Jeanne Dubois- Grasset.
[4] « L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est » Le Monde Diplomatique, Philipe Descamps