The eurasianist Russian card at work in Iran

By Carole Grimaud Potter – Geneva

The Russian eurasianist theories soft power in Iran

Abstract

Eurasianism reappeared within a part of Russian intellectuals and in the political opposition to Boris Eltsin and its liberal, pro-western policy during the 1990’s. Eurasianism is a stream of Russian thought whose roots come from the Russian immigration during the 1920s and the Slavophilic thought current of the 19th. This ideology is characterized by the idea of ​​a return of Russian power as it was lived under Tsarism and Sovietism (though not in its old imperial form), the return of nationalism and the messianic mission of Russia. The proteiform characteristics of eurasianism can give it, in turn, a philosophical dimension, a conception of the world, a policy or a doctrine, which makes it difficult for the few Western analysts who work on the subject, to grasp the whole of it, its essence and its range.

This analysis first examines the pragmatic dimension of eurasianism and neo eurasianism (its extremist form), in the Russian political thought of the 1990s, which allowed the first reconciliation between the Russian Federation and Iran, illustrated in the economic, political or military spheres, which led to the alliance of the two forces in Syria today, representing a test for a future military collaboration desired by Russia (and China).

The ideological dimension of eurasianism is based on a « multi-vectorial » and « multi-temporal » geopolitics, taking into account Russian and Western geopolitical theories of the 19th and 20th centuries, putting a less Western than Asian Russia at the center of Eurasia, while drawing vectors of influences and alliances with the rest of the world. Islam’s role in Eurasianism and Moscow’s relations with the Muslim world, and with Iran in particular, are essential. In order to work towards a redrawing of a multi-polar world, a new international order freed from Atlantist influence, globalism and American hegemony, Islam, by its inherently political nature, constitutes an internal and external ally to Russia. The return to religion, to the traditional values ​​of Muslim and Orthodox societies, and to nationalism (not in its Western definition of nation-state but in the uniqueness of the people that compose them) supposed to counter the Western influence, are the foundation of a Russo-eurasianist and neo eurasianist soft power present in Iran since a few decades. The influence that this soft power can play through numerous networks (economy, universities and intellectual sphere, political and religious fields) will be addressed in this analysis in addition with the division it had provoked in the political factions in Iran and the media coverage of those eurasianist theories in the conservative iranian media. Indeed, the axis Moscow-Tehran, as described in the geopolitical theories of Alexander Dugin since 1997 and the place of Iran in the eurasianist project passes by a soft-power and a diffusion of the theories in the academic, intellectual, religious circles, political and economic in Iran. The resurgent geopolitical idea of ​​an « Iranian world » and Iran’s growing influence with neighboring countries only came to light and was only possible after the fall of the USSR when the Islamic Republic had no more borders shared with Russia. Despite the chaotic and unpredictable relations between the two countries, the bilateral disputes and Iran’s mistrust of its northern neighbor, the points of convergence between the two powers never seem to have been so numerous as they are today. In Iran, the divided internal political debate, sparked by Russia’s growing presence in the Iranian economic, intellectual and political landscape since 1989, will also be addressed in order to highlight the ambivalence of the relations between the two countries, between attraction and resistance, inherited from the history and political trajectories taken by both countries during the 20th century.

Il existe une tendance parmi les chercheurs occidentaux spécialistes de la Russie aujourd’hui de trouver des théories élaborées par les penseurs et politiques russes du passé qui expliqueraient la politique extérieure russe actuelle. Ce procédé fort commode permettrait en effet d’établir un cadre officiel et prévisible des futures décisions du Kremlin. Ainsi, le courant de pensée eurasiste des immigrés russes en Occident après la Révolution, né dans les années 1920, ainsi que son évolution moderne dans les cercles du pouvoir russe, a été appliqué aux événements extérieurs russes contemporains pour en expliquer les causes. Si la démarche intellectuelle offre un éclairage certain, elle n’en est pas moins toute relative et l’on ne saurait expliquer strictement les faits en s’appuyant sur des théories construites dans un contexte particulier et étranger au monde contemporain. Cette analyse se gardera donc d’établir une application des théories eurasistes dans les relations russoiraniennes mais tentera d’y voir certains signes dans leur évolution depuis 1989.

Quelques années avant la fin du régime soviétique et durant les années suivantes, marquées par la politique libérale pro-occidentale menée par Boris Eltsine, est réapparu un courant de pensée russe dans l’opposition, dont les racines proviennent de l’immigration russe des années 1920 et du courant slavophile du 19ème siècle : l’eurasisme. Cette idéologie est caractérisée par l’idée d’un retour de la puissance russe à l’international telle qu’elle fut vécue sous le tsarisme et le soviétisme, du retour de la renaissance nationaliste et de l’idée messianique de la Russie. Le caractère protéiforme de l’Eurasisme en raison de ses racines philosophiques, historiques, sociologiques et géopolitiques, lui donne tour à tour une dimension philosophique, une conception du monde, une politique ou une doctrine, d’où la difficulté pour les rares analystes occidentaux à avoir travailler sur le sujet, d’en saisir toute l’essence et la portée. La montée de l’eurasisme et du néo eurasisme (sa version extrémiste) dans les années 1990 ont permis un rapprochement entre la Fédération de Russie et l’Iran, illustré par un eurasisme pragmatique dans les domaines économiques, politiques et militaires.

L’idéologie eurasiste et néo-eurasiste, quant à elle, s’appuie sur une géopolitique « multi-vectorielle » et « multi-temporelle » reprenant les théories russes et occidentales des 19ème et 20ème siècle, replaçant une Russie moins occidentale qu’asiatique, au centre de l’Eurasie, tout en traçant des vecteurs d’influence et d’alliances avec le reste du monde. La place qu’occupe l’Islam dans l’eurasisme et les relations de Moscou avec le monde musulman, et avec l’Iran en particulier, y sont essentiels. Afin d’oeuvrer à un redécoupage du monde multi-polaire, débarrassé des influences atlantistes, du globalisme et de l’hégémonie américaine, l’Islam, par sa nature intrinsèquement politique, constitue un allié interne et externe à la Russie.

Le retour à la religion, aux valeurs traditionnelles des sociétés musulmanes et orthodoxes, et aux nationalismes (non pas dans sa définition occidentale d’État-nation mais dans le caractère unique des peuples qui le compose) constituent les fondements d’un soft power eurasiste et néo eurasiste présent en Iran depuis quelques décennies.

L’idée géopolitique renaissante d’un « monde iranien »1 et la coopération croissante de l’Iran avec les pays voisins2 n’a pu voir le jour qu’après la chute de l’URSS lorsque la République Islamique n’eut plus de frontières partagées avec la Russie. Malgré les relations chaotiques et imprévisibles entre les deux pays, les différends bilatéraux et la méfiance de l’Iran pour son grand voisin du Nord, les points de convergence entre les deux puissances ne semblent jamais avoir été si nombreux qu’aujourd’hui. L’alliance des deux forces en Syrie représentant un test pour une collaboration militaire future souhaitée par la Russie qui pourrait voir le jour lors de la prochaine adhésion de Téhéran à la Coopération Economique de Shangaï, annoncée récemment. L’axe Moscou-Téhéran, tel que décrit dans les théories géopolitiques3 d’Alexandre Dugin dès 1997 et la place de l’Iran dans le projet eurasiste passe par un soft-power et une diffusion des théories dans les milieux universitaires, intellectuels, religieux, politiques et économiques en Iran, qui sera analysée dans la deuxième partie de ce travail. En Iran, le débat politique interne divisé, suscité par la présence grandissante de la Russie dans le paysage politique iranien depuis 1989, sera également abordé afin de mettre en lumière l’ambivalence des relations entre les deux pays, entre attraction et résistance, les points de convergence et les nombreuses divergences, héritées de l’histoire et des trajectoires politiques prises par les deux pays au cours du 20ème siècle.

 La montée de l’eurasisme / néo eurasisme en Russie post-soviétique

La fin de l’Union Soviétique et la période de libéralisme économique et politique qui suivit ainsi que l’éclatement politique et territorial de l’Union Soviétique poussa une partie de la population, notamment ses franges les plus paupérisées et radicalisées, à penser la Russie comme « démembrée » de son espace et de son peuple, telle que l’Allemagne ou la Hongrie de l’entre-deux guerre ont pu le faire. Ce profond mécontentement sera partagé par une partie des intellectuels et politiciens russes, formant la principale opposition politique de Boris Eltsine, alors au pouvoir. Parmi eux, le Parti Communiste de Genadi Zyuganov et le groupe ultra nationaliste, le Parti Démocratique Libéral mené par Zhirinovsky furent le terreau de la montée des idées eurasistes et néo eurasistes durant les années 1990, mettant en exergue le renouveau nationaliste russe et la restauration de la puissance de l’Empire russe et soviétique, le retour du messianisme russe et le rejet de l’Occident. L’Eurasisme, idéologie présente depuis le XIXème siècle dans le paysage intellectuel russe, favorise une Russie asiatique au détriment de sa partie occidentale. Cette « spécificité russe » a été pensée dès le début du XIXème siècle par ceux qui, à l’époque de la Russie tsariste, se qualifiaient de « slavophiles ». Opposés à l’idée, défendue par les intellectuels « occidentalistes », selon laquelle l’imitation de l’Occident serait un facteur de progrès, les slavophiles, issus de différentes disciplines, ont cherché à démontrer que la Russie a une trajectoire historico-politique propre, qu’en raison de sa dimension eurasiatique et de sa proximité avec l’univers de la steppe l’on ne pourrait comprendre à l’aide des grilles d’analyse purement occidentales4. Dans ce cadre idéologique, les relations russoiraniennes seraient à renforcer, pour des raisons géopolitiques, économiques et religieuses, mais également pour des raisons internes à la Russie. Les partis d’opposition cités précédemment seront, durant les années 1990, les principales tendances politiques favorables à une alliance avec l’Iran. La fin de l’Union Soviétique vue par les dirigeants de la République Islamique d’Iran sera la confirmation des prédictions de l’ayatollah Khomeyni, le guide suprême de la révolution islamique dans sa lettre adressée à Mikhaël Gorbatchev, le dirigeant des Républiques Soviétiques en 19895, dans laquelle l’Imam annonce que le marxisme est sur le point de rejoindre « les musées de l’Histoire ». Au delà de cette pensée visionnaire, la fin du régime soviétique signifie également pour les islamistes iraniens (et les jihadistes) que l’islam, comme idéologie politique révolutionnaire, est désormais la seule alternative à l’Occident6. Ainsi, alors que dans les années 1980, l’Occident s’inquiétait d’un rapprochement idéologique entre islamistes et marxistes-leninistes, c’est la fin du régime soviétique, la montée des idées eurasistes et néo-eurasistes en Russie et la constitution d’un régime post-soviétique de type oligarchique, qui permettra un rapprochement entre les deux pays se découvrant des intérêts communs.

L’axe Moscou-Téhéran et le projet pan-arabe

Les relations russo-iraniennes ont, tout au long de l’histoire, été marquées par des conflits et des tensions qui ont inéluctablement provoqué méfiance et ambivalence, encore présentes, entre les deux puissances. La République Islamique reste très hostile à l’URSS et fait le choix d’un non alignement « ni sur l’est, ni l’ouest » selon l’ayatollah Khomeyni7 Le rapprochement Moscou-Téhéran débute avant même la fin de l’Union Soviétique, en 1989, avec la rencontre entre le Guide suprême Khomeyni et le ministre soviétique des Affaires étrangères, Edouard Chevardnadze, une « victoire diplomatique »8 pour Moscou, ouvrant une ère nouvelle de relations entre l’Iran et la Russie9. La condamnation de la rencontre par Washington confirmera, pour Moscou, les velléités hémoniques des EtatsUnis et pour Téhéran, la volonté américaine de contrer la présence de l’Iran sur la scène internationale. Pour l’Iran, Moscou est désormais un contrepoids face à Washington10. La reconstruction de la République Islamique à la fin de la guerre Iran-Irak, les sanctions américaines et la fin de la guerre froide seront des facteurs qui pousseront l’Iran à cultiver des liens avec la Fédération de Russie, favorisant une politique étrangère plus pragmatique, sous la présidence Rafsandjani11, comme nous le verrons plus loin dans cette analyse. L’expansion de l’OTAN, la pénétration occidentale dans les régions du Caucase et de l’Asie centrale étant des inquiétudes que la République Islamique partage avec la Russie post-soviétique. Pour les eurasistes russes des années 1990, l’Iran occupe une place entière dans l’échiquier géopolitique post-guerre froide. Selon eux, l’absence de vision géopolitique de la part des dirigeants soviétiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et particulièrement en 1989, serait une des causes de la chute de l’URSS : « le fait que personne parmi les dirigeants soviétiques n’était capable d’expliquer avec cohérence la logique de la politique étrangère traditionnelle eut pour résultat la destruction de l’organisme géant qu’est l’Eurasie ». 12 Evgueni Primakov, ministre des Affaires étrangères en 1996 et auteur de la “doctrine Primakov”13, renforcera les partisans d’une alliance avec l’Iran au sein des élites politiques, dans la deuxième moitié des années 1990.14. Eurasiste “modéré”, il déclare “Notre pays ne doit pas oublier ses propres intérêts et suivre le changement historique vers un monde multipolaire. Il faut conserver nos valeurs et nos traditions acquises tout au long de l’histoire russe, y compris dans les périodes impériales et soviétiques […] Il existe une règle très ancienne : les ennemis ne sont pas permanents tandis que les intérêts nationaux le sont. Cette idée guidait et guide encore aujourd’hui la politique étrangère de la plupart des pays du monde. En revanche, à l’époque soviétique, nous avons oublié cette maxime et les intérêts nationaux ont parfois été sacrifiés au soutien des “amis permanents et à la lutte contre les “ennemis permanents”. Son discours d’investiture à la tête du gouvernement russe en 1998, reprend le thème de la hantise du déclin et de l’ingérence extérieure sur lequel se fonde le nationalisme hégémonique propre à l’idéologie néo-eurasiste : « aujourd’hui nous sommes sérieusement menacés par le danger que notre pays tombe en pièces ».15 Dans les années post-soviétiques, aux côtés des partisans d’un eurasisme pragmatique, qui ont fait partie des groupes d’influence présents autour de Vladimir Poutine au début de son premier mandat16 et qui ont permis, en accord avec les théories eurasistes, l’adoption d’une loi à la Douma en 1999, dénonçant les interférences visant à empêcher les coopérations russo-iraniennes, s’est développée une version plus radicale de l’idéologie : le néo-eurasisme.  Ce néo-eurasisme consiste “à s’appuyer sur une commune conception de l’identité russe et de son destin impérial : les peuples vivant sur le territoire de l’entité eurasienne appartiennent à une seule et même communauté de destin, leur unité est fondée sur l’alliance turko-slave ainsi que sur le rejet de l’Occident » selon la définition proposée par Marlène Laruelle.17 Alexandre Dugin, décrit dans les médias russes comme « l’idéologue du néo-eurasisme »18 et dans les médias conservateurs iraniens comme  « une puissante force intellectuelle ». « le cerveau de Poutine », un « grand philosophe russe » et « «un grand théoricien »19 se rend en Iran régulièrement depuis une vingtaine d’années et entretient d’étroites relations avec les milieux politiques, intellectuels et religieux des factions conservatrices et ultra-conservatrices du pays. Dans ses « Fondements de géopolitique », somme de 600 pages paru en 1997, il revient sur un siècle de théorie géopolitique et propose une analyse programmatique de ce que devrait être l’orientation stratégique russe dans une perspective résolument « néo-eurasiste ». Il concerne ainsi plus de 13 chapitres non seulement à la Russie, mais aux pays constituant sa périphérie immédiate, destinés dans l’optique de Dugin à faire partie d’un bloc eurasiatique sous influence russe . La « redistribution du monde » pour un « nouvel empire » comprendrait ainsi l’axe Moscou-Berlin pour l’ouest, Moscou-Tokyo pour l’est et l’axe Moscou-Téhéran, le pôle sud de l’Eurasie, avec qui il s’agirait d’établir une solide alliance continentale fondée sur un anti-américanisme stratégique, idéologique et culturel.20Le monde islamique, s’étendant des Philippines et du Pakistan jusqu’au Maghreb constituerait une réalité géopolitique eurasienne que l’islam rendrait plus perméable aux théories anti-atlantistes, des « alliés potentiels » pour le projet néo-eurasiste. Mais seul l’Iran, dont la survie du régime tient au fondamentalisme religieux et à l’anti-américanisme peut constituer le pôle sud de l’Eurasie et ainsi permettre à la Russie l’accès aux mers chaudes, après plusieurs siècles de tentatives infructueuses. L’ Iran serait ainsi le centre de l’Asie tout comme l’Allemagne serait le centre de l’Europe et Moscou le centre de l’Eurasie. Dugin attribue à Téhéran le rôle de guide du monde iranien21, une « Pax Persica », constitué d’un bloc solide capable de contrer l’influence atlantiste dans la région et d’assurer les intérêts géopolitiques de la Russie, non sous la forme d’un « empire iranien » ou d’une « iranisation » de la région, mais un ensemble établi selon des bases fédérales pour intégrer les peuples, les cultures et les ethnies, ainsi débarrassés des structures politiques artificielles héritées des post-empires. Dans la perspective duginienne, l’alliance de la Russie et de l’Iran, en supprimant les intérêts géopolitiques atlantistes de la Turquie, permettrait également une pacification et une stabilité de la région du Caucase. En effet, en terme géopolitique, l’Iran est davantage qu’un pays. Il se trouve au centre d’un espace culturel qui constitue un véritable « monde iranien ». Selon le professeur Mohammad Reza Djalili22, l’Iran se situe au centre d’une aire culturelle qui constitue un véritable monde iranien dont les limites dépassent largement les frontières actuelles du pays. Malgré les découpages territoriaux et la formation de nouvelles entités étatiques issus des rivalités impériales en Asie durant les derniers siècles, il demeure des traits communs dans cet espace. La réalité du monde iranien aujourd’hui concerne une immense zone qui s’étend de l’Anatolie et de chaîne du Zagros à l’Ouest, aux frontières occidentales de la Chine, à l’est. Cet ensemble comprend l’Iran, l’Afghanistan, le Tadjikistan ainsi qu’une partie de l’Ouzbekistan. Il s’agit d’un espace qui regroupe une population de plus de 100 millions de personnes. Selon le professeur Djalili, on peut prolonger cet espace vers le Nord en direction du Caucase et vers l’est en direction du sous-continent indien et du Turkestan chinois. Le monde iranien est mois homogène que ne l’est le monde arabe, du point de vue ethnique, mais trouve ses éléments d’unité dans des valeurs sociales communes, des références culturelles, artistiques et historiques partagées. Comme le souligne le professeur Djalili, la réalité d’un monde iranien présente un intérêt non seulement culturel mais ouvre des possibilités de coopération dans tous les domaines entre les pays qui ont des affinités avec cet espace. Téhéran a redoublé d’intérêt pour cet espace après l’effondrement de l’URSS qui, selon Mohammad Djalili , a involontairement contribué à une réémergence de ce concept.

Le projet pan-arabe dans les théories néo eurasistes, quant à lui, concernerait une partie de l’Asie mineure et de l’Afrique du Nord, jusqu’à présent sous influence de l’Europe continentale selon Dugin. L’Islam sunnite qui y prévaut ne pouvant envisager une intégration de cet espace au « monde iranien », il s’agirait de créer un bloc anti-atlantiste dont les pôles seraient l’Irak, la Libye, la Palestine libérée ainsi que la Syrie, des pays refusant le modèle économique imposé par l’Occident et souhaitant affirmer leur indépendance. Quant à l’Algérie, au Maroc et à l’Egypte, ces pays, selon Dugin, ne serait pro-atlantistes que selon l’orientation de leurs élites et non de leurs peuples, et les régimes tomberaient « en quelques heures » face aux premières poussées de la « guerre de libération pan-arabe ». Ainsi, le projet d’Eurasie, dont le centre serait Moscou, serait la constitution de quatre grands espaces, eux-mêmes divisés en plusieurs groupes. Téhéran étant le centre de l’espace « continental islamique », dont les « frontières » reprennent peu ou prou, celles du « monde iranien ». Bien qu’Alexandre Dugin ait entretenu des liens avec le pouvoir dans les années 2000, il en a rapidement été écarté par la suite. Il n’en demeure pas moins que ses théories agissent, en interne, comme élément rassembleur dans la ligne du conservatisme du pouvoir et peut être rassembleur d’éléments minoritaires potentiellement «déstabilisants » pour la cohésion nationale  : les régions sensibles, les musulmans, les extrémistes et les nostalgiques de l’URSS, notamment parmi les militaires appartenant à la génération soviétique23A l’extérieur de la Russie, l’homme tiendrait un rôle de « soft power » russe parmi les franges les plus radicalisées. En Iran, ce sont essentiellement les membres de la faction ultra-conservatrice et les Gardiens de la Révolution qui se laisseraient séduire par ses idées, comme cela sera approfondi dans la deuxième partie de ce travail.

 Les années poutiniennes et le rapprochement économique, militaire et diplomatique avec Téhéran

l’eurasisme pragmatique

L’alternative des eurasistes la plus cohérente face aux Euro-Atlantistes de la période post-soviétique, fut de valoriser le lien entre la politique étrangère russe et les intérêts de la nation. La primauté des intérêts du pays sur les idéaux devait être la première condition pour le succès des réformes internes.24 L’importance des relations avec l’Asie, les anciennes républiques soviétiques et les pays musulmans du Moyen Orient et du sud de l’Asie ne devaient pas être négligées, particulièrement en raison de la menace d’un front turco-musulman contre la Russie et d’un extrémisme islamique pouvant gagner les républiques musulmanes de l’espace soviétique. Les relations avec l’Iran, de ce fait, devaient être sauvegardées afin de ne pas compromettre les siècles d’influence russe dans le monde islamique.25

La Fédération de Russie et l’Iran partagent en effet des intérêts communs, que la fin de l’Union Soviétique ont fait émerger.

Les plus significatifs concernent les régions proches des frontières sud de l’espace post-soviétique dans lesquelles l’Iran et la Russie possèdent des minorités ethniques, dont certaines avec des tendances séparatistes. Les deux pays partagent également des inquiétudes face à la potentielle domination occidentale dans la région, la présence militaire américaine en Asie centrale, les relations militaires entre la Géorgie et l’Azerbaïdjan, les discussions de la Géorgie pour l’adhésion à l’OTAN, ainsi que l’ambition turque dans la région.26Ces points de convergence des ambitions et des intérêts de la Russie et de l’Iran étaient toutefois modérés par les facteurs qui séparaient et séparent encore, dans une moindre mesure, les deux pays, dont la compétition dans le domaine énergétique qui semble être toujours un facteur de rivalité même si des accords commerciaux se sont récemment conclus.27 Les relations bilatérales économiques et les coopérations entre les deux pays n’ont cessé de se développer depuis la fin de la guerre froide, à un rythme plus ou moins soutenu, en fonction des changement de présidence iranienne et malgré les volte-face de la diplomatie russe28, tentant à l’époque, un jeu d’équilibre avec Washington et l’Union Européenne. Dans les années 1990, la Russie est devenue le premier fournisseur en armement de l’Iran. La coopération dans le domaine spatial, militaire et en matière de nucléaire civil29, ainsi que le rôle de médiateur de la Russie entre l’Iran et l’ONU dans le cas des sanctions ont été très utiles à l’Iran. Sous la présidence Khatami en Iran et l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en Russie, de nouveaux accords militaires se mettent en place après la visite de Kathami à Moscou en 2001. Vladimir Poutine déclare que « les relations russo-iraniennes prennent un nouvel élan »30, saluées dans la presse iranienne à l’unanimité des factions conservatrices et réformistes. Une politique d’alliance russo-iranienne prendra une nouvelle vitesse sous la présidence d’Ahmadinejad, mise à mal par de nombreux contentieux bilatéraux utilisés dans les critiques des réformistes à l’encontre du président iranien et de ses positions avec la Fédération de Russie, « perçue comme un allié politique »31 par le camp Ahmadinedjad. Le dossier nucléaire iranien et les positions contradictoires de la Russie prises successivement, dans la moitié des années 2000, reflète un pragmatisme orienté vers les intérêts nationaux russes tout en conservant l’équilibre des relations russo-américaines. Il y a tout lieu de penser que l’équilibre russo-américain étant aujourd’hui rompu, la Russie aurait ainsi « les mains libres », affranchies de l’influence occidentale, pour mener une politique de rapprochement et de soutien renforcé avec l’Iran, dans la mesure où ce dernier saurait se plier à l’exigence des intérêts de la Fédération de Russie. C’est ainsi que l’Iran devrait signer l’accord d’adhésion à la zone de libre-échange de l’Union économique eurasiatique32 dans les prochains mois (après trois années de négociations). Depuis 2005, l’Iran est membre observateur dans le cadre de l’Organisation de Coopération de Shanghaï33 sans toutefois avoir signer l’accord d’adhésion, malgré le soutien de la Russie et de la Chine. Mais, en 2017, en marge du Forum économique de St Petersbourg, le ministre iranien des Communications et des Technologies de l’information, Mahmoud Vaezi a déclaré : « Dans l’avenir le plus proche, l’Iran prendra des mesures actives afin de devenir membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shangaï »34

L’Organisation de coopération de Shangaï qui prévoit la coopération en matière économique, sécuritaire et militaire d’un espace représentant les 3/5éme de l’Eurasie, compte de nombreux atouts dans le domaine du gaz, du pétrole et des ressources naturelles constitués par les pays membres. L’adhésion de l’Iran à la structure porterait à 50 % les réserves mondiales de gaz et 18 % de pétrole détenus par les pays membres. Selon le professeur David Wall, « It would essentially be an OPEC with [nuclear] bombs »35.

Ainsi, l’adhésion de l’Iran à l’Organisation de Coopération de Shangaï permettrait au pays une alliance militaire, l’assurance du support technologique et économique et les investissements nécessaires au développement du pays, qui devrait faire de nouveau défaut, avec le rétablissement des sanctions américaines suite au retrait américain du traité sur le nucléaire iranien.

l’eurasisme idéologique et la place de l’Islam

Les eurasistes, dans la période post-soviétique eurent des inquiétudes liées à la possibilité d’une émergence d’un front turco-musulman contre la Russie et d’une menace de l’extrémisme islamique . Malgré cela, ils étaient convaincus que la continuité des liens que la Russie avait toujours entretenus avec le monde islamique ne devait pas se dissoudre mais au contraire, être dirigés vers une voie constructive.36Contrairement aux nationalistes, les néo-eurasistes considèrent qu’ils partagent une histoire et un attachement à la tradition avec les peuples musulmans, ce qui en ferait des alliés naturels37. Il s’agirait d’une alliance fondée sur une conception commune de la société, dont les valeurs traditionnelles seraient plus proches de l’orthodoxie que ne pourraient l’être la religion catholique. Ainsi, l’eurasisme pourrait réconcilier la Russie et les musulmans en accordant à cette dernière la place géopolitique qu’elle vise et l’Islam un élément identitaire. Gueïdar Djemal38, de la ligne dure des eurasistes musulmans affirme « que le seul moyen pour la Russie d’échapper à la disparition géopolitique est de devenir un Etat musulman »39

L’importance de l’Islam pour l’eurasisme et le néo-eurasisme russe s’explique d’une part dans la construction d’un discours nationaliste hégémonique russe à l’égard des musulmans de la Fédération de Russie et d’autre part, en politique étrangère, avec les pays de confession musulmane que la Russie pourrait guider.40Pour certains eurasistes, comme Alexandre Dugin, le chiisme et particulièrement « l’Eurasit Iran » incarne un fondamentalisme islamique, différent de l’extrémisme islamiste, qui renvoie à une dimension traditionaliste et culturelle. Selon Dugin, l’islam serait « supérieur à la Russie » en raison de la conscience d’être une civilisation et aurait donc la capacité d’unifier tout un espace autour de lui.

Pour les eurasistes, l’orthodoxie est proche de l’islam et partagerait la même « culture de l’attente ». Les deux religions seraient les seules de taille mondiale, portant en elles deux universalismes capables d’unifier et de donner des fondements idéologiques à l’Eurasie. l’Ouest n’étant qu’une terre d’exil, ou tradition et spiritualité décroissent et qu’il s’agirait de contrer. Les républiques d’Asie centrale faisant partie du « monde de la steppe » viennent donc en priorité dans la vision géostratégique que le néo eurasisme donne aux dirigeants en se rapprochant des pays musulmans, à savoir la libération des civilisations non-occidentales du globalisme.

Le fossé élargi entre le monde musulman et les Etats-Unis est mis à profit et dans ce cadre, « l’Iran apparaît comme l’une des pièces maîtresses de la diplomatie russe ».41Sur le plan institutionnel, la présence de Vladimir Poutine au Xème sommet islamique de l’Organisation de la Conférence Islamique en août 2003 et la réaffirmation que « depuis plusieurs siècles, la Russie, en tant que pays eurasiatique, possède des liens traditionnels, naturels, avec le monde islamique »42 est significative de la volonté de dialogue du pouvoir russe avec les pays musulmans, portée par les néo eurasistes.

 L’Iran dans le projet russe: une carte à jouer ou un cadeau empoisonné ?

Le récent retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, le retour des sanctions américaines « les plus fortes de l’histoire » qui pèseraient sur l’économie du pays déjà exsangue tout en mettant à mal les accords commerciaux occidentaux déjà établis, déclencheront vraisemblablement une série de conséquences en Iran et dans la région, que personne ne peut encore prévoir. Toutefois, la consolidation des liens diplomatiques, économiques et militaires entre la Russie et l’Iran semble être une direction qu’il ne serait pas trop imprudent d’évoquer. L’alliance des deux pays sur le front syrien représente un test pour les deux diplomaties, tant dans le domaine militaire qu’économique.

En Iran, un débat politique interne divisé : La Russie amie ou ennemie ?

Le système politique iranien, depuis la révolution islamique de 1979, est monopolisé par les seuls islamistes. Mais entre 1989 à la mort de Khomeyni et 2009, deux principales tendances idéologiques ont dominé les factions (jenah) au sein du régime : les réformateurs (courant religieux-nationaliste, partisans de l’ancien président Khatami et le Mouvement vert) et les conservateurs-fondamentalistes (conservateurs-principistes et radicaux-principistes)43. Depuis 2009 et la réélection du président Ahmadinejad, la tendance réformatrice a été écartée de la scène politique, considérée comme n’étant plus fidèle au régime44. Aujourd’hui, la faction des conservateurs dominent la politique iranienne : le pouvoir repose sur le Guide, les Gardiens de la Révolution45et les conservateurs.

Contrairement aux autres pays occidentaux, l’accès de la diplomatie russe aux plus hautes instances de la République Islamique d’Iran est comparable à celui des pays musulmans.46 

Moscou entretient en effet une relation privilégiée avec Téhéran, dont la perception des élites révolutionnaires s’explique d’un point de vue stratégique et diplomatique : la relation entre les deux pays pouvant être déterminante pour la survie du régime.47

Ainsi, les Gardiens de la Révolution sont particulièrement impliqués dans les relations avec la Russie en raison de la coopération dans le domaine nucléaire et militaire et les projets de gazoducs et pour l’ensemble des relations « informelles » commerciales entre les deux pays48.

– les réformistes

Le président Rafsandjani (1989-1997) fut l’un des premiers artisans du rapprochement avec Moscou en 1989, en conduisant la première délégation iranienne à Moscou depuis la visite du Shah en 1974. Sous sa présidence, le débat sur la nouvelle politique étrangère iranienne après la mort de Khomeiny permettent l’ouverture de très nombreux centres de recherches, think tanks et revues spécialisées.49Sur le plan interne, les relations avec Moscou, conditionnées par les relations irano-américaines hostiles, ne peuvent susciter de désaccord entre les factions politiques, l’heure étant à l’unité du pays pour préserver le système islamique. Les coopérations militaires et nucléaires sont fondamentales pour la survie du régime.

La « stratégie d’apaisement » dans les relations internationales menées par le président Khatami (1997-2005) renforce le partenariat stratégique avec la Russie et permet à l’Iran de s’affirmer progressivement comme une puissance régionale. L’unanimité entre les factions réformistes et conservatrices au sujet des relations avec Moscou fait encore cas, dont la dimension anti-américaine est mise en avant par le pouvoir. De plus, l’absence d’alternative en matière de coopérations économiques, militaires et nucléaires font consensus entre les factions, comme le souligne en mars 2009, Behruz Behzadi, Directeur du journal « Etemad » : « Pour les réformistes, se tourner vers la Russie était un choix par défaut. A ce moment-là pour l’Iran, l’Occident était fermé en raison notamment de la confrontation sur le nucléaire engagée par les Etats Unis. Cette attitude hostile de Washington a conduit au blocage interne de la réforme et à la mobilisation du peuple derrière le régime »50.

– Les conservateurs

Le débat interne sur la question des relations avec Moscou devient un sujet de discorde à partir de 2005 et la présidence de Ahmadinejad (2005-2013). Les contentieux bilatéraux entre les deux puissances (les revendications territoriales sur la mer Caspienne notamment) et l’apparition des luttes politiques internes contribuent à faire du sujet, un élément de discorde, utile à l’opposition pour affaiblir le président, accusé de mener une politique de soumission à Moscou. Les critiques des réformistes iront jusqu’à mettre en accusation le ministre des Affaires Etrangères par le parlement lorsque celui-ci proposa de réduire les parts territoriales iraniennes de la mer Caspienne.

L’on constate ici que lorsque la politique iranienne s’efface devant les intérêts russes, les factions de l’opposition utilise le nationalisme iranien comme levier d’influence. L’intérêt national iranien met ainsi en lumière la méfiance des élites politiques face à la logique « impérialiste » russe. La position réaliste de Ahmadinejad dans les relations avec la Russie, au cours de son second mandat, devient un objet de débat récurrent et réveille les sentiments anti-russes au sein d’une partie de l’opinion publique.51La suprématie russe dans la relation bilatérale, telle qu’elle est perçue, est alors décriée par les réformistes qui l’utilisent comme moyen de pression contre le gouvernement d’Ahmadinejad.

– les Gardiens de la Révolution (Sepah-e pasdaraˆn enqelaˆb-e eslaˆmi)

La position économique et politique privilégiée des Gardiens de la Révolution, accentuée depuis 2005 et sous la présidence de Ahmadinejad, lui même vétéran du corps d’élite, a été acquise par une population « à l’image de la coalition hétérogène des forces politiques iraniennes qui se sont unies de façon précaire pour renverser le régime impérial en 1979 et qui associait dans des proportions variables des opinions nationalistes, islamistes et mondialistes.”52 L’arrivée au pouvoir et aux postes clés de la génération des anciens combattants constitue un changement majeur dans la politique iranienne.

Clément Therme53 dresse un parallèle entre l’accession au pouvoir des silovikis russes, réseau d’anciens responsables des services secrets soviétiques, aujourd’hui membres du FSB et les pasdarans iraniens, les deux groupes jouissant d’une position privilégiée au sein du pouvoir. L’influence des pasdarans sur l’économie iranienne s’étend à la quasi-totalité du marché iranien54et ceci ajouté à l’assise politique dont ils jouissent, tendent à donner à l’organisation une nature multi-dimensionnelle. Le poids des fondations islamiques (bonyads) jouent un rôle important dans l’influence des Gardiens de la Révolution dans les réseaux économiques formels et informels du pays, en concluant de nombreux contrats, toujours tenus secrets.

Khatam al-Anbia est le plus gros conglomérat iranien (crée dans les années 1990) dans le développement des projets industriels et militaires (70 % de l’activité économique) ainsi que dans le secteur de l’énergie 55. Il est donc possible d’en déduire que les principaux contrats commerciaux passés entre les groupes économiques russes et l’Iran, le sont essentiellement avec les Gardiens de la Révolution. 

La diffusion des théories eurasistes

Comme il l’a été évoqué précédemment, les relations entre la Russie et l’Iran reposent sur la diplomatie institutionnelle mais également sur « ensemble complexe de personnalités, de réseaux informels et d’institutions formelles »56. Parmi les acteurs non gouvernementaux russes, ceux essayant d’influencer le politique étrangère russe font partie du monde des affaires (particulièrement le secteur de l’énergie) des think tanks et centres de recherche et les communautés religieuses.

– Dans les milieux intellectuels, religieux et les médias

Familier de l’Iran où il se rend depuis une vingtaine d’années, Alexandre Dugin gagne peu à peu en notoriété au sein des ultra conservateurs. Vraisemblablement introduit dans les milieux intellectuels et religieux par le cinéaste américano-iranien, Nader Talebzadeh, il est régulièrement invité à des conférences, des colloques ou des émissions de télévision sur des chaînes appartenant aux Gardiens de la Révolution57. Il est également régulièrement interviewé dans la presse ultra-conservatrice, dans laquelle il est décrit en des termes flatteurs et parfois prudents. Ses idées intriguent.

Le fait que Dugin soit « diabolisé » par la presse occidentale n’est pas sans lien avec l’intérêt qu’il suscite auprès des journalistes, universitaires et religieux iraniens,  qui voient en ses idées une communauté de valeurs. Un autre facteur d’intérêt pour les idées néo eurasistes de Dugin en Iran est que l’homme est décrit dans la presse iranienne comme étant proche du pouvoir.58

Comme mentionné précédemment, Dugin l’aurait été au début des années 2000 puis écarté, en raison de ses idées trop extrémistes. Il n’est pas prouvé qu’il le soit resté de façon informelle toutefois l’ambiguïté demeure, ce qui renforce sa notoriété. Néanmoins, l’eurasisme est un courant de pensée acceptée par les élites russes des Affaires Etrangères59. Les médias iraniens comme le journal Raja news (lié aux Gardiens de la Révolution), par exemple, relate sa rencontre avec l’Ayatollah Mirbagiri, chef de l’Académie des sciences islamiques de Qom, entretien retranscrit durant lequel Dugin s’exprime ainsi

« À mon avis, la lumière et l’obscurité signifient la tradition et la modernité. C’est mon cadre intellectuel, et j’applaudis l’Iran pour avoir défendu la tradition et la guerre contre la modernité […]  la communauté chrétienne orthodoxe russe, que je représente, peut réussir à poursuivre la voie de l’Iran et de la révolution islamique de ce pays. Vous êtes en avance sur nous et vous pouvez être le modèle que nous devons suivre. Gardons donc à l’esprit que nous et vous nous battons sur un seul front en Syrie. C’est la première fois que la Russie s’unit aux Iraniens, aux Irakiens et aux Chiites ».

Dans d’autres articles, des universitaires s’expriment à son sujet tel que Nima Ghasemi, docteur en philosophie occidentale à Téhéran, qui qualifie Alexandre Dugin de fondateur de l’idéologie du « traditionalisme armé » et compare le mysticisme orthodoxe aux racines du chiisme.60

Par les réseaux des think tanks61 et leurs liens avec les universités

Il existe de nombreuses collaborations entre les think tanks iraniens et russes et les universités des deux pays. Pour citer quelques exemples, l’ « Iran and Eurasia Research Center » (IRAS) fondé en 2004 est un think tank dont le but est de promouvoir et consolider les relations entre les pays de l’Eurasie. Il accorde des interviews à Alexandre Dugin62et organise des conférences, groupes de travail, recherches avec d’autres think tanks ou universités russes (Dialogue of Civilisation DOC , MGIMO. Russian International Affairs Council..) avec la participation d’anciens ministres russes. Les recherches effectuées en partenariat avec les chercheurs russes et iraniens, portent sur le partenariat russo-iranien dans de très nombreux domaines63et la conviction que les deux pays doivent élargir leurs partenariats en raison de leurs intérêts communs nationaux et internationaux. Le think tank Dialogue des Civilisations (DOC) présidé par Vladimir Iakounine, ancien président des chemins de fer russes, est également très actif. Au début de l’année 2017, une délégation du Dialogue des Civilisations s’est rendu à Téhéran pour des rencontres avec des experts, des universitaires et des officiels de la Faculté de droit, de l’Institut des Etudes Iran-Eurasie ainsi que des officiels gouvernementaux iraniens dans le cadre de l’IPIS à Téhéran (Institute for Political and International Studies of the Ministry of Foreign Affairs). L’axe des différentes séminaires portait sur une ‘Greater Eurasia’ et pour une plus grande coopération entre les différents instituts. Significativement, le think tank russe le plus influent, Valdai, a tenu son meeting annuel 2018 à Téhéran.

– Par une adaptation des théories extrémistes des intellectuels locaux dans le discours néo eurasiste

De la même façon qu’ Alexandre Dugin utilise les théories fascisantes et historico-nationalistes occidentales pour construire son discours néo eurasiste en Europe centrale et du Sud Est, il reprend à son compte, les théories d’intellectuels iraniens, tel que Ahmad Fardid, philosophe iranien théoricien de la Révolution Islamique, qu’il décrit comme un un précurseur de la 4ème politique théorique.

Conclusion

Si comme Bernard Hourcade l’affirme, l’Iran serait le laboratoire politique du Moyen-Orient, il sera particulièrement intéressant de suivre l’évolution des relations entre la République Islamique et la Fédération de Russie dans les prochains mois, sur le dossier syrien, les relations avec Washington et Bruxelles sur le dossier nucléaire et les sanctions américaines. S’il existe bel et bien un projet « pseudo-impérial » eurasiste russe, saura t-il vaincre les résistances iraniennes en sachant préserver l’intérêt national de la République Islamique, « une notion impossible à définir, instrumentalisée par les dirigeants afin de légitimer leurs décisions en matière de politique étrangère », comme le souligne Clément Therme ? Le “kharedji » iranien, qui signifie étranger, est également synonyme de tout ce qui va mal dans le pays. Les mythes iraniens, particulièrement celui de la peur de l’influence extérieure est bien présente et peut être la plus forte que dans n’importe quel autre pays.64

L’efficacité du soft power russe en Iran, jouissant de relations privilégiées avec les « fabriques intellectuelles » iraniennes saura t-elle faire oublier l’ambivalence russe, les volte-faces du passé à l’égard de l’Iran et la référence négative de la Russie dans la construction nationale iranienne, en formant les élites à une nouvelle idée d’Eurasie, dont la Russie serait le leader ? La tentative de séduction opérée par la Russie et son projet eurasiste dans le monde musulman saura-t-elle faire oublier les interventions répétées des militaires soviétiques puis russes contre des islamistes depuis 197965 ?

Du côté iranien, « l’entrée de l’Iran en Asie centrale s’effectue toujours par la « porte russe » et l’extension de l’influence iranienne dans cet espace dépend le plus souvent de la compatibilité entre, d’un côté, les objectifs de la diplomatie iranienne et, de l’autre, les intérêts russes »66, les deux pouvant évoluer selon les politiques internes et les événements internationaux.

BIBLIOGRAPHIE

Sources primaires

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Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L’Empire au miroir – Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie, Librairie Droz, 2007

Alexander Sergunin, Explaining Russian Foreign Policy Behavior, Ibidem, 2016

Alexandre Dougine, Fondements de Géopolitique – Le Futur Géopolitique de la Russie, 1999

Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013

Articles

Shireen T. Hunter, « Iran’s Foreign Policy in Post-Soviet Era – Resisting the New International Order », Praeger 2010

Martine Laruelle, « Jeux de miroir – l’idéologie eurasiste et les Allogènes de l’Empire russe », Cahiers d’Etudes sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 1999

Matthew Brummer, “The Shangai Cooperation Organisation and Iran : a power-full union » Journal of International Affairs, Vol. 60, No. 2, IRAN: Sixtieth Anniversary Issue 1947-2007 (SPRING/SUMMER 2007), pp. 185-198

Sources secondaires

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Matthieu Anquez, Géopolitique de l’Iran, Argos, 2014

Carole Grimaud Potter, Compte rendu analytique : «Fondements de Géopolitique – Le futur géopolitique de la Russie » d’Alexandre Dougine, Le Grand Continent, Ecole Normale Supérieure Paris, 2017

Conférence de Mohammad-Reza Djalili, « Iran – Dynamiques internes et contraintes externes »  au Global Studies Institute, Genève, 11 décembre 2017

Marlène Laruelle, « Le nouveau nationalisme russe », Cahiers du monde russe, 2010

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Articles

Javad Haghgoo, Zahed Ghaffari Hashjin, Mohammad Aghaei, « A Review of the Turnaround in Iranian Foreign Policy during President Hassan Rohani’s Administration », Tarih Kultur ve Sanat Arajstrmalars Dergisi, 2017

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Documents

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Russian Think Tanks and Soft Power

https://www.researchgate.net/publication/319747832_Russian_Think_Tanks_and_Soft_Power

Sites internet

Médias conservateurs iraniens

www.rajanews.com

www.resalat-news.com

www.radiofarda.com/a/f14_russia_aleksandr_dugin_in_iran/27642476.html

http://www.iras.ir/en

Think tanks, instituts de recherche russes

www.dofc-foundation.org

www.valdaiclub.com

1Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013 p. 157

2Afghanistan et Tadjikistan Ibid., p. 158

3Alexandre Dugin, Fondements de Géopolitique – Le Futur Géopolitique de la Russie, 1999

4Carole Grimaud Potter, “Compte rendu analytique “Fondements de Géopolitique : le Futur Geopolitique de la Russie” Alexandre Dougine, 1997” https://legrandcontinent.eu/2017/11/02/nous-avons-lu/

5islamomedia.com/Annexes/Textes/Livres/Bibliotheque-pdf/Lettre-de-l-Imam-Khomeini-a-Gorbatchev.pdf

6Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

7Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013, p. 201

8Clement Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

9Shireen T. Hunter souligne même que cette rencontre avec l’ayatollah confirmant son accord sur l’accroissement des liens bilatéraux, « implique que personne parmi les étlites politiques iraniennes ne pourra, à l’avenir, contester le bien-fondé de la préservation de relations cordiales avec Moscou » Closer ties for Russia and Iran p.43

10Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013

11En 1989, Rafsandjani mène une délégation iranienne à Moscou, la première de ce niveau depuis la visite du Shah en 1974. Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

12Alexandre Dougine, Fondements de Géopolitique – Le Futur Géopolitique de la Russie, 1999

13La doctrine Primakov est un texte paru en 1998 au Journal du Ministère des Affaires étrangères russe “La vie Internationale”. La direction que Primakov a imprimé à la politique étrangère russe au cours de son mandat demeure essentielle pour la classe politique russe, comme le  reconnaït Sergei Lavrov, actuel Ministre des Affaires étrangères.

https://legrandcontinent.eu/2017/11/08/la-doctrine-primakov/

14Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

15Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L’Empire au miroir – Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie, Librairie Droz, 2007, p. 124

16Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012, p.157

17Marlène Laruelle, Le Nouveau Nationalisme Russe, Cahiers du monde russe, 2010

18Komsomolskaïa Pravda, Kommersant, Novaïa Gazeta, Lenta.ru, РБК, Snob.ru, Diplomat.ru, etc…

19گفتگویالکساندردوگینباآیتاللهمیرباقریدوگینروسیهدرگرایشبهمسیحیتارتدوکسباhttp://www.rajanews.com/news/236678

20Alexandre Dougine, Fondements de Géopolitique – Le Futur Géopolitique de la Russie, 1999, p. 135

21« L’Iran se situe au centre d’une aire culturelle qui constitue un véritable « monde iranien » dont les limites dépassent largement les frontières actuelles du pays […] un immense espace qui s’étend de l’Anatolie et de la chaîne du Zagros, à l’ouest, aux frontières occidentales de la Chine à l’est […] regroupe une population de plus de cent millions de personnes. » Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013, p. 157

22Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013

23Carole Grimaud Potter, “Compte rendu analytique “Fondements de Géopolitique : le Futur Geopolitique de la Russie” Alexandre Dougine, 1997” https://legrandcontinent.eu/2017/11/02/nous-avons-lu

24Il est utile de noter que l’inverse se produit en Iran, les idéaux révolutionnaires prévalant sur les intérêts nationaux Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

25Shireen T. Hunter, Iran’s Foreign Policy in Post-Soviet Era – Resisting the New International Order, Praeger 2010

26Shireen T. Hunter, Iran’s Foreign Policy in Post-Soviet Era – Resisting the New International Order, Praeger 2010, p.106

27La compagnie russe Zarubezhneft va apporter 80% des investissements pour le développement de 2 champs pétroliers dans l’ouest de l’Iran, The Times of Israël 15/03/2018.

L’accord pétrole contre marchandises, signé entre les deux pays en 2014, a été reconduit pour 5 ans, ISNA – Iranian Students News Agency, 18/04/2018

28Vote russe en faveur des sanctions décidées par le Conseil de Sécurité de l’ONU à l’encontre de l’Iran dans le dossier du nucléaire, refus russe de livraison d’un sytème de défense anti-aérien (S-300) commandé par Téhéran en 2007.

29Accord signé en 1995 pour la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr. Les travaux ont trainé en longueur du fait de la Russie, et n’ont démarré qu’en 2010.

30Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012, p. 123

31Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012

32L’UEEA, fondée sur la base de l’union douanière entre la Russie, le Kazakhstan et la Biéolorussie a été créée en 2015. L’Arménie et le Kirghizistan l’ont rejoint, suivi du Vietnam en 2016.

33L’Organisation de Coopération de Shangai, créée en 2001, regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, rejoint par l’Inde et le Pakistan en 2017. Elle formalise une coopération économique, sécuritaire et militaire entre les pays.

34« L’Iran compte adhérer à l’Organisation de coopération de Shangaï » Spoutnik news, 02/06/2017

35Matthew Brummer, The Shangai Cooperation Organisation and Iran : a power-full union » Journal of International Affairs, Vol. 60, No. 2, IRAN: Sixtieth Anniversary Issue 1947-2007 (SPRING/SUMMER 2007), pp. 185-198

36Shireen T. Hunter, Iran’s Foreign Policy in Post-Soviet Era – Resisting the New International Order, Praeger 2010

37Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L’Empire au miroir – Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie, Librairie Droz, 2007 p. 154

38Président du Comité islamique de Russie fondé en 1995, proche de Dugin

39Martine Laruelle, Jeux de miroir – l’idéologie eurasiste et les Allogènes de l’Empire russe, Cahiers d’Etudes sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 1999, p.225

40Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L’Empire au miroir – Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie, Librairie Droz, 2007, p. 154

41Ibid., p. 158

42Ibid., p. 159

43Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013, p. 125

44Ibid, p. 125

45« Très liées au Guide de la révolution, des personnalités issues des rangs des Pasdaran jouent un rôle croissant dans la vie politique. Des Gardiens sont devenus députés, ministres, gouverneurs de provinces, ambassadeurs, responsables de grandes société étatiques, etc. […] Les Gardiens se sont très rapidement lancés dans des activités économiques lucratives touchant tous les secteurs […] y compris le secteur des hydrocarbures, longtemps considéré comme le domaine réservé de l’État. Profitant de multiples avantages que le régime lui a accordé, le Corps des Gardiens est devenu en quelques années un géant économique. […] Aujourd’hui, le Corps des Gardiens est donc à la fois la force militaire la plus importante de la République Islamique et une composante majeure de la vie politique et économique du pays. » Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran, La Boétie, 2013, p. 120, 121, 122

46Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012, p.62

47Ibid, p. 62

48Ibid, p. 62

49Création en 1992 de deux revues spécialisées sur l’Asie centrale et le Caucase publiée par le Centre pour l’étude de l’Asie centrale et du Caucause, faisant partie de l’IPIS

50Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012, p. 123

51Ibid, p. 127

52Bernard Hourcade, « La « prise du pouvoir » par les Gardiens de la Révolution : Retour au passé ou perspective d’ouverture ? » Revue Internationale et Stratégique, 2008/2 (N° 70)

53Clément Therme, Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979, The Graduate Institute Publications, 2012, p.127

54Frederic Wehrey,The rise of the Pasdaran, Rand Corporation, 2009, p.55

55The Ministry of Oil, Transportation, and Energy and the mayor of Tehran have signed several contracts with the IRGC through Khatam al-Anbia. These projects are contracted to Khatam al-Anbia and are performed either by its subsidiaries or by private companies contracted by Khatam al-Anbia

56Ibid, p. 62 David E.Thaler, Ali Reza Nader, « Deep-seated Entranglements. The web of Iranian leadership can be negogiated, not unraveled » RAND Review, printemps 2010

57« Putin’s Brain », the darling of Iran’s hardliners, www.iranwire.com consulté le 23 novembre 2017

58« What makes Alexander Dugin’s views relevant is his proximity to Russian President Vladimir Putin and his influence in the Kremlin” https://www.radiofarda.com/a/f14_russia_aleksandr_dugin_in_iran/27642476.html

59« In fact a moderate vision of Eurasianism was tacitly accepted by the Russian foreign policy elites » Alexander Sergunin, Explaining Russian Foreign Policy Behavior, Ibidem, 2016 p. 131

60https://www.radiofarda.com/a/f14_russia_aleksandr_dugin_in_iran/27642476.html

61When it comes to foreign policy, it seems that most Russian think tanks are not involved in providing expert advice to the government or the president. This may be because Russian decision making on foreign policy is a closed process relying to a considerable degree on secret information (Koshkin 2016; Hedenskog, Persson & Vendil Pallin 2016: 99–100). However, think tanks can be instrumental in helping a government to reach specific foreign policy goals, to build networks with international researchers and influence their agendas, as well as shaping media reporting and public opinion in other countries. https://www.researchgate.net/publication/319747832_Russian_Think_Tanks_and_Soft_Power

62Eurasianism, Iran and Russia Foreign Policy » interview with Aleksandr Dugin by Zeinab Najafi (IRAS) 2012 www.iranreview.org

63http://www.iras.ir/en/doc/news/2517/iras-publishes-research-paper-on-iranian-russian-partnership

64Bernard Hourcade, « L’Iran se réinvente en puissance régionale », le Monde Diplomatique, février 2018 https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/HOURCADE/58373

65Notamment en Afghanistan, Tchétchénie, Daghestan, Tadjikistan.

Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L’Empire au miroir – Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie, Librairie Droz, 2007 p. 213

66Clément Therme , « Iran : le Pivot de l’Asie », Diplomatie, mars 2018, p. 51

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