Par Yanis Hadrami
Varsovie. Le 8 Mars 2018, sur le parvis de l’Université de Varsovie le président polonais A. Duda présente officiellement ses excuses au nom de la nation polonaise aux membres de la communauté juive du pays victimes de la campagne antisémite de mars 1968. Cette violente campagne menée par le pouvoir communiste aboutit à l’expulsion de près de 20 000 juifs du pays.
En mars 1968, des étudiants de l’université de Varsovie probablement encouragés par le « Printemps de Prague » lancent un mouvement de protestation à la suite de la censure d’une œuvre théâtrale de Mickiewicz jugée contraire aux valeurs soviétiques par les autorités.
En réaction, les autorités répriment ces protestations en excluant et arrêtant les leaders estudiantins de ce mouvement qualifié « d’antisoviétique » dont le célèbre historien polonais Adam Michnik. De plus, pour contrecarrer cette vague de contestation et empêcher son expansion, les autorités communistes n’hésitent pas à mettre en avant les origines juives de certains de ses cadres, jouant ainsi dangereusement sur la fibre antisémite de certains polonais.
Rappelons également, qu’en cette période trouble, les politiques polonaises sont largement inféodées à l’URSS. A ce titre, la Pologne ne dissimule ni son antisionisme, ni sa sympathie pour la cause arabe dans un contexte post -guerre des 6 jours. La Nomenklatura saisit donc cette occasion pour laisser libre cours à son antisémitisme et sous couvert de lutte contre le sionisme expulse du pays un nombre important de fonctionnaires, de cadres, d’enseignants polonais de confession juive accusés d’accointance sioniste.
Ces excuses présentées par le président A. Duda dans lesquelles il prend toutefois soin d’opposer la « Pologne libre d’aujourd’hui » à la « Pologne d’alors » marquent une rupture avec le discours tenu par la classe politique polonaise qui refusait jusqu’alors toute présentation d’excuses arguant de l’absence de continuité historique entre la Pologne communiste de Gomulka et la Pologne actuelle.
Outre sa dimension hautement symbolique pour des milliers de juifs polonais, cette déclaration a également le mérite d’amorcer une tentative de réconciliation avec Israël et les membres de la communauté juive polonaise dans un contexte tendu à la suite de l’adoption d’une loi controversée sur la Shoah en février dernier.
Sources :
France 24, « Le président Duda demande pardon aux juifs chassés du pays en mars 1968 » 08/03/2018
Le Monde, « La Purge antisémite en Pologne » 14/12/1993
Wikipédia, « Mars 1968 en Pologne »
RFI, « Le président Duda demande pardon pour la campagne antisémite de Mars 1968 » 08/03/2018
AFP, 08/03/2018