La barbarie dans Le Voyage en Sibérie (1761): étude des mœurs russes

By Kristina Kazandzi

Introduction

Au XVIIIe siècle, L’Occident s’intéresse de plus en plus à la Russie grâce aux changements dans ce pays : les victoires militaires, la puissance politique, la tolérance religieuse, l’épanouissement des arts et de la législation1. La Russie, suite aux réformes de Pierre le Grand, extrêmement rapides et violentes, adopte certains aspects de la culture européenne et devient une puissance de premier rang. Les réformes pétroviennes apportent en Russie la littérature laïque, le théâtre, le costume européen, de nombreux changements administratifs, financiers et militaires. Le tsar met en place les outils pour que ses successeurs puissent développer les Lumières en Russie. Ainsi, sous Elisabeth, la fille de Pierre, l’élite russe, s’inspirant de la culture française, crée ses propres ouvrages littéraires et édités. Mais c’est à l’époque de Catherine la Grande qu’on atteint l’apogée des Lumières : c’est un véritable âge d’or pour la Russie2.

Sous Catherine, la Russie est tenue pour une incarnation du despotisme éclairé. Il faut définir ce régime qui a profondément marqué le siècle des Lumières. D’après François Bluche, le despotisme éclairé se traduit par la rationalisation et la modernisation d’un Etat : il note « la recherche de l’efficacité, la mise au point de rouages administratifs convenables avec comme idéal la monarchie absolue de Louis XIV »3. Selon Lortholary, ce type de monarchie implique la laïcité. Etre despote éclairé, c’est gouverner le pays selon les seules « lumières » de la raison. Le despote éclairé supprime l’idée divine de l’institution monarchique et s’inspire des philosophes pour faire et appliquer les lois4.

Catherine la Grande est un despote éclairé par excellence : désirant rattraper le retard de la Russie sur le plan culturel et économique et accroître son poids, elle consolide les structures créées par Pierre et développe un urbanisme rationnel5. Catherine s’intéresse surtout à la guerre et à la diplomatie mais l’image qu’elle renvoie pendant des années est celle d’une souveraine philosophe. Catherine pratique le mécénat, fait des commandes d’œuvres d’art, lit et traduit des ouvrages philosophiques, aide activement les hommes de lettres de sa bourse et de son prestige. C’est surtout l’écriture d’un nouveau code de lois appelé Nakaz qui rend Catherine célèbre en Europe : la tsarine charge une commission de son écriture et recueille les doléances de ses sujets pour réaliser une nouvelle codification. Ce Nakaz (Instruction) est un document juridique et philosophique, inspiré de Montesquieu, Beccaria et Le Mercier de la Rivière. Il donne à la tsarine la réputation d’une impératrice progressiste car elle y proclame « le bonheur des sujets » comme le but final du gouvernement et elle donne la priorité à l’Etat dont la raison justifie tout. Catherine II y condamne le fanatisme et elle y glorifie la liberté de conscience et de parole, tout en soulignant la nécessité d’un pouvoir autocrate, qui sert le bien-être national6.

Le mécénat, la tolérance religieuse, la sécularisation des biens de l’Eglise, l’établissement d’une éducation moderne, la création d’une assemblée représentative et législatrice – voilà les points qui suscitent l’admiration des philosophes occidentaux et l’intérêt général de l’Europe. Les philosophes Voltaire et Diderot exploitent le mythe de la Russie progressiste pour faire avancer la critique de l’Ancien Régime7.

L’édition de l’ouvrage Le Voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 prouve l’intérêt de l’Occident pour la Russie. Il faut préciser que lors de sa parution, pendant le règne de Catherine II, la France et la Russie s’affrontent en Pologne8. L’auteur de ce récit de voyage est l’abbé Jean Chappe d’Auteroche (1728-1769). Né à Mauriac, dans une famille noble, Chappe décide de suivre la voie ecclésiastique et devient membre de l’Académie des Sciences. Il part en Sibérie pour observer le passage de Vénus devant le Soleil, évènement qui doit avoir lieu le 6 juin 1761. Il arrive à Saint-Pétersbourg le 5 février 1761 et part ensuite en Sibérie. Le récit de ce voyage réalisé sous le règne de l’impératrice Elisabeth I est publié six ans plus tard, sous le règne de Catherine la Grande.

Une bonne partie de l’ouvrage est consacrée à l’observation de la vie quotidienne des Russes. Le récit de voyage traditionnel se veut transparent et objectif dans son observation de la réalité9. Néanmoins, l’attitude de Chappe et ses réactions face à la réalité russe sont évidemment déterminées par sa personnalité : c’est un homme éclairé, qui visite un pays dont les mœurs lui sont profondément étrangères. En tant qu’abbé catholique, il ne voit que des superstitions grossières dans la religion orthodoxe. Homme de science, très rationnel, il dénonce l’ignorance des Russes. Homme du monde, il est indigné par le manque de manières en Russie. En plus, c’est un Français : à l’époque moderne, les Français qui vont ou qui résident à l’étranger ont une réputation détestable. Dans la majorité de cas, les Français sont considérés comme vaniteux ; ils se comportent avec un certain mépris envers ce qu’ils voient lors du voyage10.

Il faut dire que le récit de voyage peut être défini comme une des formes-mères de la littérature, avec l’Odyssée comme paradigme11. Dans un récit de voyage, les marchands, les savants, les marins, les soldats et les pèlerins utilisent leurs cinq sens et leurs talents pour observer la réalité12. D’un côté, lors du voyage, la nature impose ses règles au voyageur, et d’un autre côté, le réel est perçu et recréé par l’auteur. On considère d’habitude la période des XVIe-XVIIIe siècles comme l’âge classique de la littérature de voyage et le XIXe siècle comme le siècle de l’exotisme13.

Le récit de voyage est un type de texte dont le public est très friand au siècle des Lumières. Cette période de découverte, de dépaysement et de colonisation favorise les voyages et l’observation de l’Ailleurs : les voyageurs tentent d’établir un bilan des connaissances humaines, ils se déplacent dans des buts politiques, économiques et scientifiques. Si le globe est déjà bien connu, le but principal est de coloniser et d’exploiter les ressources. Les écrivains-voyageurs se mettent en scène en décrivant les nouveautés, les découvertes et les impressions reçues. Ils rapportent de leurs voyages des objets intéressants et des cabinets de curiosités s’ouvrent. Le récit de voyage s’impose ainsi comme un genre littéraire à part entière14. Il devient une véritable littérature après 1750, époque où l’agréable dans le voyage commence à dominer sur l’utile15.

Dans son récit, Chappe propose un tableau sobre des mœurs religieuses, familiales et sociales de ce pays froid et inhospitalier. A travers les mœurs russes, le voyageur donne une représentation assez méprisante de la Russie moderne. Il la dépeint comme un pays asiatique, inhumain et inculte à la fois. C’est un lieu commun pour beaucoup de voyageurs, puisque selon Berelowitch, « l’européanité de la Russie fut sujette à caution même sous les plumes les plus optimistes »16.

Les mœurs sont définies par l’Encyclopédie comme les « actions libres des hommes, naturelles ou acquises, bonnes ou mauvaises, susceptibles de règle et de direction »17. Duclos donne la définition suivante en 1751 : « Relativement à une nation, on entend par les « mœurs », ses coutumes, ses usages…ceux qui influent sur la manière de penser, de sentir et d’agir ou qui en dépendent »18. Selon Duclos, il faut observer le comportement d’une personne dans son pays natal pour étudier ses mœurs. Mais il faut prendre en compte les différences entre la capitale et la province puisque dans la capitale, le caractère national est exprimé d’une manière plus intense. Pour Duclos, l’étude des mœurs est importante étant donné que les mœurs d’une nation forment le caractère national.

Ainsi, si l’on s’intéresse à la description des mœurs de la Russie par Chappe, on peut facilement voir comment il perçoit le caractère de la nation russe et quels défauts il trouve chez le peuple russe à l’époque d’Elisabeth I et de Catherine II.

L’Empire russe19 :

Les sources de Chappe sont les travaux de savants russes et les récits d’autres voyageurs. L’ouvrage s’inscrit dans la lignée d’autres écrits sur la Russie : Chappe reprend beaucoup de stéréotypes et de préjugés. Pour l’observation de l’histoire russe, Chappe puise les informations dans le livre de Voltaire Histoire de l’empire de Russie sous Pierre le Grand (1759). Enfin, Chappe observe lui-même beaucoup de facettes de la vie quotidienne des Russes, il décrit des choses dont il est le témoin oculaire et il communique avec les habitants du pays.

Son récit de voyage est particulièrement intéressant : il s’agit du premier récit de voyage important du siècle. Les informations que donne Chappe notamment sur la Sibérie sont très précieuses, car c’est une région que l’Occident connaît très peu au XVIIIe siècle. Le récit de l’abbé est très connu, admiré et traduit en plusieurs langues. Les journaux français du XVIIIe siècle glorifient le talent littéraire et la capacité d’observation de l’abbé20. Le philosophe Deleyre donne une appréciation très positive du voyage et de la mission scientifique de Chappe : il présente Chappe comme un héros progressiste des Lumières qui fait un voyage philosophique. Il utilise aussi l’œuvre de Chappe pour réfléchir sur la diversité que présente l’intérieur de la Russie et sur la possibilité d’un changement pour ce pays. Deleyre retient également du Voyage en Sibérie une idée de menace que présentent les peuples du Nord pour l’Europe21.

Le récit est commenté et critiqué de manière cinglante par Catherine la Grande. Elle écrit une réponse à l’abbé : Antidote ou examen d’un mauvais livre superbement imprimé intitulé « Voyage en Sibérie » (1770). La tsarine critique la russophobie de l’abbé et rejette ses accusations de barbarie en contestant ses observations. Selon elle, certains aspects de la vie russe décrits par Chappe correspondent à l’époque d’Elisabeth, mais Catherine insiste sur le fait que les hommes sont devenus plus libres sous son propre règne22.

Plusieurs historiens actuels s’intéressent au travail de Chappe. L’historienne russe Artemova met en évidence la portée critique et anti-despotique de ce récit de voyage. Elle souligne qu’à l’époque catherinienne, l’ouvrage de Chappe dénonce le servage et la tyrannie, ce qui s’oppose à l’idée d’une impératrice philosophe qui éclaire la Russie23. Mervaud considère Chappe comme annonciateur des décembristes étant donné que le savant présente l’autocratie et le servage comme les plus grands maux de la Russie. L’historien trouve aussi que chez Chappe, il y a une volonté d’instruire Catherine II pour lui insuffler la nécessité de réformes : en cela, l’abbé est naïf. Pour Mervaud, Chappe ne parvient pas à rompre avec certains anciens stéréotypes, ce qui assombrit sa représentation des mœurs russes ; de plus, ses connaissances en histoire et religion russes sont lacunaires. Cela fait du récit un livre antirusse24.

L’ouvrage nous fait comprendre que malgré le développement spectaculaire de la Russie au XVIIIe siècle, les Français voient toujours en elle un pays barbare : les Russes sont perçus comme un peuple qu’il faut éclairer et faire sortir de l’obscurantisme. Malgré le fait que l’idéal visé par la Russie – Louis XIV – est un monarque français, le despotisme russe est dénigré par Chappe. Le système despotique fait que Chappe voit le peuple russe comme étant en esclavage. Certaines traditions et mœurs russes, qui se sont formées pendant des siècles sous l’influence du climat, des territoires immenses et de l’héritage païen, paraissent bizarres et sauvages à l’abbé. L’abbé répond à une préoccupation politique de l’époque en publiant son travail : il veut peut-être montrer que, en dépit de son développement militaire et économique, la Russie ne deviendra jamais une vraie puissance car elle n’est pas égale à l’Occident sur le plan des institutions, de la religion et de la culture.

Nous allons analyser deux types de mœurs russes, afin de voir en quoi, pour l’abbé, elles sont la preuve de l’inhumanité et de l’inculture des Russes. Ce sont d’abord les institutions de l’Etat despotique, les mœurs politiques et la justice, qui seront l’objet de notre étude. Pour l’abbé, le despotisme russe asservit les hommes et la justice en est l’instrument : Chappe expose dans son récit les dénonciations, les horreurs du bagne et les punitions corporelles.

En ce qui concerne les règnes d’Elisabeth et de Catherine II dans l’historiographie, les mœurs politiques russes du XVIIIe siècle sont perçues par les historiens de manière très différente. Liechtenhan valorise le règne d’Elisabeth en soulignant que cette tsarine abolit la peine capitale et qu’elle introduit des mesures fiscales et juridiques très en avance sur son temps. Liechtenhan observe aussi comment les arts – l’architecture, le théâtre et la poésie – sont soutenus par Elisabeth : c’est une tsarine qui marie la culture russe et les influences occidentales25. A l’opposé, l’historien russe Anisimov souligne l’intolérance religieuse de la tsarine qui persécute les musulmans et les Raskolniki et chasse les Juifs de l’Empire russe26.

Le règne de Catherine a un impact beaucoup plus important que celui d’Elisabeth. Le plus souvent, les historiens qualifient le comportement de Catherine d’hypocrite à cause de l’écart entre les buts annoncés et la réalité. Il est vrai qu’elle ne suit aucun des conseils de Diderot et que son Nakaz n’aboutit à aucune réforme réelle. Catherine prétend occidentaliser le pays mais elle utilise des méthodes qui le font régresser et l’éloignent de l’Europe éclairée27.

Toutefois, Isabel de Madariaga nuance cette vision. Elle démontre que dans les circonstances du XVIIIe siècle, pour Catherine, il est difficile de maintenir un équilibre entre liberté et oppression. L’absence d’esprit de corps et de conscience professionnelle dans l’administration, la vénalité des offices, la corruption, les structures sociales mal développées empêchent l’impératrice de changer le régime. En outre, la politique étrangère très réussie, l’organisation des tribunaux et l’accroissement du nombre de civils dans la société russe comptent parmi les grands mérites de son règne28. Carrère d’Encausse affirme que Catherine change le statut de la Russie puisqu’après sa mort, nul ne pourra contester la puissance du pays29.

La justice de l’époque est elle aussi analysée par les historiens. Presque toute enquête judiciaire russe au XVIIIe siècle commence par une délation; la dénonciation et la volonté du souverain sont les moteurs de la justice30. Les punitions ont leurs spécificités : notamment, les châtiments corporels en Russie sont plus diversifiés qu’en Europe occidentale31. Quant au bagne, il est développé suite à l’expansion de la Moscovie, notamment la conquête de la Sibérie. Les bagnards sont une main-d’œuvre précieuse pour les industries et les constructions.32 Le XVIIIe siècle est marqué par les exils de masse et n’importe quel sujet de l’Empire peut se retrouver dans les conditions exécrables du bagne33.

Nous allons également aborder les mœurs religieuses des Russes vues par Chappe d’Auteroche – les mœurs de l’Eglise russe et celles du peuple russe. L’Eglise, pour l’abbé, est maladroite et immorale ; le peuple russe est ignorant et il n’a pas de vraie foi mais des superstitions.

L’Eglise russe qu’observe Chappe a un rôle qui diffère de celui de l’Église catholique en Occident. L’Eglise russe de l’époque moderne s’identifie à l’Etat et lui obéit aveuglément car la Russie se convertit très tardivement. Elle s’adapte à tout pouvoir temporel et elle n’a ni la force ni l’unité pour contester une décision quelconque de l’Etat. Elle se laisse même séculariser avec une passivité totale à l’époque de Pierre le Grand. L’Eglise russe ne dialogue jamais avec les couches éduquées de la société : elle apparaît comme une institution anti-intellectuelle et isolée; elle se coupe de la bourgeoisie et des personnes instruites34.

La piété populaire russe, observée par Chappe, est également très particulière. Selon Pascal, l’une des spécificités du peuple russe réside dans des croyances religieuses que l’Occident n’a pas. Sur le plan de la vie religieuse, la rupture entre l’élite et le peuple est beaucoup plus radicale qu’en Occident : la vie du peuple est imprégnée de l’idée de Providence et de la présence universelle de Dieu. Pour le peuple, chaque labeur, chaque type de travail est lié à une cérémonie et mis en rapport avec un saint patron ; le culte s’organise autour des icônes et il est peu lié à l’Eglise. Le peuple russe n’est pas fanatique, il accepte l’existence d’autres religions et croyances et il n’a pas de préjugés sur elles : les persécutions des Raskolniki viennent seulement du pouvoir. Pour le peuple russe, la Bible doit être mise en pratique et l’humilité a une grande valeur35.

Le but de ce travail est de montrer comment l’abbé Chappe d’Auteroche, en décrivant les mœurs russes du XVIIIe siècle, construit une image négative de la Russie moderne, un pays présenté comme tyrannique et barbare dans les deux sens du terme « barbarie » : la cruauté et l’ignorance.

  1. Les institutions tyranniques

Despotisme : asservissement de la nation

Les mœurs politiques de la Russie sont présentées par Chappe d’Auteroche comme étant l’origine et la raison principale de la barbarie russe. Pour prouver que la tyrannie politique a favorisé l’asservissement du peuple russe, l’abbé expose la situation politique russe depuis le Temps des Troubles jusqu’au règne de Catherine la Grande. Il montre que le pouvoir des monarques russes s’assoit sur le sang de leurs sujets et qu’il influence tous les aspects de la société, y compris la mentalité des Russes.

Tout d’abord, Chappe d’Auteroche constate que la nation est gouvernée par des souverains despotes36. Aux yeux de l’abbé, le despotisme est synonyme de tyrannie: le despote est un tyran qui se fait craindre de ses sujets.

Les premiers souverains russes que l’abbé évoque sont Boris Godounov (qui est élu en 1598) et les usurpateurs qui lui succèdent. Ils sont vus par l’abbé comme des figures machiavéliques et inhumaines qui exterminent impitoyablement tous ceux qui peuvent s’opposer à leur pouvoir : « le sang innocent ne cesse de couler ; le glaive de la tyrannie étincelle de toutes parts, le crime devient une vertu »37. L’abbé montre que pendant cette période, la Russie est déchirée par des luttes politiques incessantes : « La Russie ne présente plus qu’un état de désordre : les prétendants au trône se multiplient »38

L’abbé continue sa description avec Michel Romanov, le premier tsar de la dynastie, afin de montrer qu’en 1613, le régime politique russe s’appuie à l’évidence sur l’esclavage. Puisque les sujets russes acceptent humblement un jeune garçon comme gouverneur, l’abbé affirme qu’à l’époque, le despotisme était déjà profondément ancré dans le régime : « La facilité que les Russes eurent alors de changer l’ancienne forme du gouvernement, suppose…qu’ils n’avaient aucune idée de la liberté, ou qu’ils étaient bien avilis»39. L’abbé voit cette situation comme une manifestation de l’asservissement de la population et comme un indice de tyrannie.

L’abbé montre que les actions sanglantes du gouvernement russe vont crescendo avec le temps, générant la méfiance, le désordre et des insurrections. Le gouvernement de Sophie en est la preuve : « Cette princesse…ne cessa…d’exciter les révoltes les plus sanglantes. Dans ce temps de trouble, ce n’étaient que trahisons et meurtres publics »40.

L’abbé révèle que les réformes pétroviennes, si progressives soient-elles, ne signifient pas pour autant l’adoucissement de la tyrannie. Selon Chappe, si Pierre le Grand réalise de nombreux changements culturels, militaires et économiques selon le modèle occidental, il « resserre les liens d’esclavage »41 et consolide donc la tyrannie en poussant brutalement le pays vers la modernisation. Pour Chappe, le pouvoir tyrannique est enraciné dans les mœurs politiques russes et il n’est pas possible de l’évincer. En cela, Chappe rejoint d’autres voyageurs qui ont visité la Russie. Ceux-ci dénoncent souvent le pouvoir personnel du monarque qui engendre la corruption, l’arbitraire policier et le servage42.

Ainsi, Chappe montre que la tentative d’instaurer la monarchie constitutionnelle échoue et qu’Anna Ivanovna, l’impératrice suivante, continue la lignée des monarques absolus. Chappe précise que l’amant d’Anna, Biren, « subjugua la nation par des supplices et les exils en Sibérie »43. De cette façon, l’auteur veut montrer que le régime russe est corrompu à tel point que n’importe quel favori peut y exercer un pouvoir illimité, briser des existences et donner la mort.

Pour l’abbé, c’est le hasard et la malice qui assurent le succès de la personne qui veut parvenir au pouvoir en Russie. Il l’explique ainsi : « l’intrigue et le droit du plus fort offraient le trône à quiconque osait s’en emparer »44. Le coup d’Etat de la princesse Elisabeth, que décrit Chappe, sert à démontrer qu’il est facile de se mettre à la tête de la Russie, si la prise du pouvoir est accompagnée de violence. Pour l’abbé, le règne d’Anna et celui d’Elisabeth prouvent la continuité de la tyrannie et de l’obscurantisme.

La description du règne de Pierre III, que Chappe présente avec un certain mépris, contribue pleinement à la représentation d’un gouvernement inefficace et tyrannique : d’après Chappe, le tsar Pierre de Holstein, qui a un règne très court, passe son temps dans les fêtes et la distraction, sans rien faire pour l’Etat. A l’aide d’un épisode, Chappe fait voir la nature inconstante et capricieuse de ce tsar : Pierre abolit l’obligation de servir mais quand un capitaine veut se retirer du service, le souverain le fait redescendre au grade de lieutenant45. En Russie, comme le montre Chappe, n’importe quel caprice de monarque devient une loi pour ses sujets.

Le dernier souverain évoqué par Chappe est Catherine la Grande. Elle gouverne l’Empire russe lorsque Voyage en Sibérie est édité. L’abbé souligne que cette impératrice est vénérée comme une divinité et que son gouvernement s’inscrit totalement dans le modèle du souverain absolu ; en effet, elle dispose « de la vie et des biens de ses sujets : on ne paraît devant elle que prosterné »46. Pour l’abbé, Catherine détient donc un pouvoir illimité et peut agir selon son bon gré.

C’est Alexandre Radichtchev, écrivain et philosophe russe de l’époque catherinienne, qui dénonce le régime de Catherine la Grande dans l’ouvrage Voyage de Pétersbourg à Moscou (1790). Dans ce récit, l’écrivain décrit le régime politique russe par un rêve allégorique : dans celui-ci, il s’imagine être un autocrate tout-puissant, recevant nombre d’éloges et étant l’objet d’une vénération extrême. Au milieu du rêve, une pèlerine lui enlève une taie de l’œil, et le tsar voit les souffrances de son peuple et l’hypocrisie de ses favoris47.

Pour Chappe, la proximité du souverain despote rend les hommes particulièrement craintifs. L’abbé mentionne qu’« on ose à peine…parler à Saint- Pétersbourg »48. Il souligne aussi qu’en Russie il est interdit de se mêler de toute affaire liée au souverain, ce qui montre le caractère intouchable de la monarchie russe ; on se comporte à l’égard du souverain comme devant une icône orthodoxe : « On ne peut passer devant le palais, vis-à-vis des appartements de l’empereur, sans ôter son chapeau »49. L’abbé montre que le souverain est sacralisé dans ces conditions, il est le lieutenant de Dieu sur terre pour ses sujets.

L’indignation de l’abbé, qui critique le despotisme, concorde avec les impressions de certains voyageurs du XVIIIe siècle. Georgel voit dans la Russie une immense puissance tyrannique, car aucune séparation de pouvoir n’y existe : tout relève du monarque qui seul édite les lois pour cet énorme empire. Mais en meme temps, Georgel trouve que le despotisme est le seul moyen de gouverner un Etat si vaste50. Lescallier critique la bureaucratie et le formalisme engendrés par le despotisme : comme il n’y pas de lois fixes, il faut beaucoup de temps et de documents pour la moindre démarche, comme, par exemple, la réception d’un bateau51.

Pour conclure cette partie, on peut dire que l’abbé représente les mœurs politiques russes comme tyranniques. En Russie, le sang et le carnage sont les piliers du pouvoir, les monarques décident arbitrairement du sort de leurs sujets ; le favoritisme s’épanouit et le souverain est sacralisé.

Justice despotique : la cruauté et l’arbitraire

La justice est une autre institution qui prouve la barbarie russe, selon l’abbé Chappe, comme le montre l’exemple de la sévérité des châtiments et de son effet nocif sur la société : l’endurcissement des hommes.

Durant l’époque élisabéthaine, qu’étudie l’abbé, la justice est mal codifiée : au siècle des Lumières, elle contient beaucoup de contradictions et les tsars n’arrivent pas à corriger la situation52. L’historienne Liechtenhan met en évidence les tentatives de l’impératrice pour réformer les anciennes lois juridiques, notamment l’ancien système hérité de l’Oulogenié édité en 1649. Les nouveaux textes qui régissent le droit pénal oscillent entre conservatisme et innovation ; ils ne sont jamais signés par Elisabeth qui hésite à prendre une décision finale. Cependant, cette tsarine instaure un moratoire sur la peine de mort, ce qui est considéré comme un adoucissement par rapport à l’époque précédente53.

Chappe analyse le système judiciaire russe en mettant en évidence son caractère impitoyable. Il s’indigne de la nécessité de dénoncer le moindre crime visant le gouverneur : une loi impose « de crier publiquement Slowo Dielo ; c’est-à-dire, je vous dénonce criminel de lèse-majesté en paroles et en actions »54. Chappe souligne que cette loi rompt les liens sacrés de la famille et pousse à surveiller ses proches : « Un père se prête à arrêter son fils, le fils son père, et la nature gémit dans le silence »55. L’abbé fait référence à la pratique ruse de slovo i delo gosudarevo (parole et affaire du souverain). Pour Chappe, cette loi est défectueuse : elle est basée sur la dénonciation et non sur des preuves rationnelles.

Chappe découvre avec étonnement les habitudes judiciaires presque médiévales de la Russie : le dénonciateur de slovo i delo doit être flagellé pour prouver la faute de la personne qu’il accuse. L’abbé s’indigne : « S’il [le dénonciateur]… supporte [le knout] sans se rétracter, l’accusé est jugé coupable, digne de mort »56.

A propos de la police et de la dénonciation, un autre voyageur, Georgel, mentionne la rigueur extrême de la police pétersbourgeoise et un grand nombre de délateurs57. On voit donc que Chappe n’est pas le seul à mentionner que dénonciation et surveillance jouent un grand rôle dans les mœurs policées de la Russie.

Chappe décrit également les châtiments. Il affirme que les supplices – celui du grand knout et celui de la roue, qui entraînent une mort douloureuse – sont très banals en Russie : « chaque particulier est exposé aux mêmes évènements »58. Chappe nous informe que les bâtons ont un rôle plutôt éducatif, celui d’«une simple correction »59 que n’importe quel supérieur peut exécuter envers son subordonné. Il remarque que dans l’Empire russe, il ne faut pas de raison grave pour infliger ce châtiment atroce et infamant. La jeune domestique qui avait eu le malheur de mécontenter sa maîtresse en souffre horriblement : « son visage et son corps [sont] couverts de sang et de boue »60 après l’exécution du châtiment.

Ainsi, Chappe relève la spécificité de la poursuite criminelle pour les serfs, discutée d’ailleurs par les hommes de lettres russes. En effet, le maître est à la fois l’accusateur, le juge et l’exécuteur des peines contre les serfs61.

Un autre type de châtiment russe que Chappe évoque est le bagne. Une punition trop molle selon beaucoup de Russes, mais qui paraît excessivement sévère à Chappe. Chappe décrit avec effroi la vie des prisonniers condamnés aux travaux publics et le dur traitement qu’ils subissent. Il raconte que les bagnards russes « sont tous enchaînés par les pieds ; leur dépense est très modique, n’ayant communément que du pain et de l’eau »62.

Pour l’abbé, ce ne sont pas seulement les conditions de vie insupportables qui rendent la situation du bagnard difficile, mais aussi sa stigmatisation, comme s’il s’agissait d’un lépreux : « tout le monde le fuit ; personne n’ose avoir avec lui aucune espèce de liaison »63. En effet, il est hors du cadre de la vie sociale.

Selon Chappe, le châtiment infligé est disproportionné par rapport au crime commis, puisqu’il suffit « de légères indiscrétions de société »64 pour être puni de mort. En Russie, le favori d’hier tombe facilement en disgrâce, selon le bon vouloir du souverain : Chappe montre que le chirurgien Lestoc (qui avait aidé Elisabeth d’accéder au trône) et son épouse sont châtiés par l’exil et la confiscation de leurs biens. L’exil de la personne dépend donc entièrement de décisions arbitraires. « La plus petite intrigue suffit pour l’envoyer [la noblesse] en exil en Sibérie »65.

Les sources littéraires russes de l’époque moderne critiquent aussi l’arbitraire et la cupidité des juges. Le fait que leur verdict n’est pas objectif est mis en évidence par le poète Antioch Kantemir (1708-1741) : ce dernier décrit un marchand voleur qui corrompt le juge afin que l’affaire soit tranchée en sa faveur ; une somme d’agent lui suffit pour laver les accusations66. Radichtchev montre lui aussi que les différentes couches de la société ne sont pas égales devant la loi au XVIIIe siècle ; la justice despotique, indulgente envers les nobles, est inclémente envers les paysans67.

Chappe dévalorise la sévérité excessive de la justice russe et constate qu’elle ne corrige pas les gens : « Ni la mort des scélérats, ni la cruauté de leurs supplices, ne rendent pas les hommes meilleurs »68. Au contraire, les Russes deviennent insensibles : le fait de voir les accusés souffrir «n’a pas peu contribué à faire contracter aux Russes la dureté de caractère »69. Chappe renforce cette idée à l’aide de quelques épisodes sanglants qu’il évoque dans son livre. Il consacre notamment beaucoup de place à l’histoire de jeunes mariés assassinés par des brigands russes70, insistant implicitement sur la férocité des Russes. D’après Chappe, c’est un cercle vicieux : la cruauté de la justice tyrannique endurcit les hommes et crée une société inhumaine ; ce durcissement génère inévitablement d’autres crimes qui seront punis avec la même cruauté.

L’abbé dépeint ainsi une justice très sévère qui applique des châtiments particulièrement cruels. L’accusé est abandonné au bon vouloir du juge ou du souverain ; tous les sujets de l’Empire sont sans défense face à cette justice inhumaine. Par conséquent, Chappe considère que la justice russe du XVIIIe siècle est barbare.

II. La religion barbare

Image négative de l’Eglise : la cruauté et l’immoralité

L’abbé parle aussi de la religion dans son récit. Il considère l’Eglise orthodoxe russe cruelle et ignorante. Le voyageur met en évidence les vices et les défauts de l’Eglise russe moderne ; il évoque les persécutions liées au schisme comme l’indice principal de sa barbarie.

Dès le début, l’abbé catholique se trouve face à une autre branche de la religion chrétienne : le christianisme grec. Il faut dire que la christianisation de la Russie commence en 988 grâce au prince russo-scandinave de Kiev Vladimir : celui-ci cherche à consolider ses relations avec Byzance et à rendre la principauté kiévienne plus importante sur l’échiquier politique71. Le choix de Vladimir découle logiquement de la situation politique et géographique de son pays : la Russie médiévale a des relations fréquentes avec Byzance. À la fin du Xe siècle, les Grecs sont des voisins assez puissants, ils peuvent, en cas de danger, fournir une aide militaire. De plus, Vladimir désire épouser la princesse byzantine Anne, et cette union matrimoniale exige la conversion72.

L’abbé esquisse l’organisation de l’Eglise à l’époque élisabéthaine afin de montrer la situation exécrable à l’intérieur de l’institution ecclésiastique : la dépendance servile du bas clergé à l’égard des évêques. Chappe explique qu’au XVIIIe siècle « les moines et les prêtres ne forment plus qu’un corps de vils esclaves ; ils ne paraissent devant les évêques qu’en suppliants, et dans un état d’humiliation »73.

Pour Chappe, l’image négative de l’Eglise russe s’exprime particulièrement par les vices de ses prêtres. Le fanatisme et l’atrocité sont incarnés par l’archevêque de Tobolsk : «Il ne cessait de persécuter les mahométans et les païens des environs de Tobolsk, pour les convertir à la religion grecque »74.  Le penchant pour le vin est aussi souligné par Chappe. Il raconte qu’un prélat lui invite dans sa bibliothèque qui s’avère une collection de vins : « je reconnus des tonneaux à chaque guichet. Ces tonneaux, remplis de différents liqueurs, et entourés de glace…formaient sa bibliothèque »75. Chappe affirme que les ecclésiastiques russes détestent les sciences et en renient les données élémentaires. A ses yeux, l’archevêque fait preuve d’un obscurantisme totale : « Le mouvement de la terre surtout le mettait toujours en fureur »76. Il faut dire que quasiment tous les voyageurs, dès Chappe d’Auteroche jusqu’à Dumas, mettent en relief ignorance, ivrognerie et débauche des prêtres russes77.

Chappe est indigné par les fausses reliques qui « contribuent à augmenter les revenus des moines, à la honte de religion »78 et il dénigre également les cérémonies religieuses. Il insiste sur la gaucherie de l’Eglise russe qui ne sait pas représenter même la Cène : le moine, qui présente Saint Pierre, a « l’air gauche et imbécile »79 et les prêtres ne peuvent pas se mettre d’accord; pour Chappe, les cérémonies russe sont « ridicules »80. Nous avons ainsi l’image d’une Eglise trompeuse, peu compétente et ignorante, qui ne sait pas exercer sa fonction comme il faut. Cela nous rappelle la vision d’un autre voyageur moderne, Marie-Daniel de Corberon. Celui-ci se moque de la bénédiction des eaux de la Neva comme d’un acte inutile ; la cérémonie de la Semaine Sainte, comme le lavement de pieds, lui paraît bizarre et ennuyeuse81.

Chappe donne l’image d’une Eglise extrêmement intolérante en évoquant le schisme russe, dit Raskol. Le schisme dont parle l’abbé, est un événement majeur dans l’histoire russe. Il a lieu dans les années 50-60 du XVIIe siècle : le patriarche Nikon, qui est élu en 1652, trouve dans les livres religieux russes certaines erreurs par rapport aux textes originaux de Byzance ; il désire alors revenir aux origines grecques, l’exemple de l’orthodoxie immaculée82. La réforme proposée par Nikon touche les textes liturgiques et les détails de messe: l’orthographie du nom de Jésus, les chants pendant la messe, les signes de croix. Mais pour beaucoup de Russes, ces réformes sont vues comme la trahison de leurs ancêtres : ce sont justement les vieux croyants qui n’acceptent pas l’hellénisation83.

L’abbé décrit Raskol comme un moment crucial dans la vie ecclésiastique, celui qui révèle la férocité de l’Eglise russe : les «persécutions augmentaient chaque jour le nombre de sectaires, plusieurs croyants abjuraient leur religion, dont les ministres ne respiraient que le sang et le carnage »84. La tyrannie et l’intolérance de l’Eglise russe, selon Chappe, sont confirmées par l’attitude de l’archevêque affirmant que les schismatiques sont « damnés sans rémission »85.

On peut donc dire que l’abbé montre les nombreux défauts de l’Eglise russe : les popes sont alcooliques et menteurs, et ils incarnent l’obscurantisme. Les relations à l’intérieur du corps ecclésiastique sont serviles et les cérémonies religieuses sont bizarres. Le schisme russe, qui entraîne les persécutions les plus dures, fait voir l’atrocité de l’Eglise, qui n’est pas prête à pardonner aux fidèles l’attachement aux gestes religieux. C’est une image de l’Eglise très peu tolérante et barbare que donne Chappe D’Auteroche.

Comportement des fidèles : l’ignorance et l’irrationalité

La piété populaire est un autre objet d’observation : l’abbé se penche vers la question des traditions et habitudes religieuses propres au peuple russe. Il analyse les spécificités de la dévotion orthodoxe : le fanatisme et la place primordiale des pratiques dans la culture des Russes.

Chappe montre que le peuple russe manifeste une ferveur exceptionnelle. Notamment, Chappe mentionne les représentations de nombreux saints protecteurs (les icônes que Chappe appelle de «petites images»86 ) qui se trouvent dans chaque maison et que les Russes adorent et embrassent souvent. Le voyageur Charles-François Philibert Masson mentionne, lui aussi, que le culte des objets est la caractéristique principale de la dévotion russe car on accorde une grande importance aux amulettes, crucifix et reliques87.

Chappe est aussi le témoin oculaire du fait que la communion se fait dès l’âge le plus précoce : à Tobolsk « on éveilla un petit enfant pour faire cette action sainte…. malgré ses pleurs et ses cris, on le fit communier »88. La pratique rigoureuse du carême concerne les plus petits fidèles au même titre que les adultes : les Russes « sont si rigides pour les jeûnes du carême, qu’ils les font observer aux enfants de deux ou trois ans »89.

Pour l’abbé, les Russes sont des fanatiques car ils font querelles et s’exterminent même s’il n’y aucune question doctrinale en enjeu. Les vieux-croyants (Raskolniki) sont l’incarnation du fanatisme populaire pour l’abbé car ils se suicident pour les détails de liturgie et le signe de croix. Pour Chappe, l’attachement à ces « sottises »90 est l’indice de la piété excessive ; les Russes se suicident pour des raisons minimes : « ils croient qu’on peut se donner la mort pour l’amour de J.-C ; en en effet, lorsqu’on les persécute ils s’assemblent dans une maison, y mettent le feu, et périssent dans les flammes »91.

Cependant l’abbé, en tant qu’étranger, ne se rend pas compte du rôle que jouent le rituel et les gestes religieux en Russie. Comme ce pays s’est tardivement converti, le rituel sacré est l’antidote au paganisme. Ce ritualisme explique le schisme russe92. L’importance primordiale de la liturgie orthodoxe dans la culture russe est montrée dans une des sources fondamentales de la Russie médiévale,  Les Chroniques de Vieux temps (1371). La douceur de messe y est présentée comme la raison principale pour laquelle Vladimir avait choisi l’orthodoxie pour son Etat. L’auteur des chroniques souligne que les Russes ont donné la préférence à l’orthodoxie grâce à la liturgie des Grecs, douce et solennelle ; c’est un contraste par rapport au rituel catholique, très sec93.

Le voyageur est impitoyable et catégorique lorsqu’il parle des effets du christianisme oriental sur la société. Il met en évidence que la religion grecque n’anoblit pas le peuple russe : « Les bonnes mœurs sont plus rares parmi les Russes que chez les païens leur voisins »94. Il affirme que « cette religion…a servi à rendre le peuple russe plus méchant »95. Comme aucun péché ne paraît irréparable pour les Russes, ils considèrent qu’ils peuvent alors commettre des forfaits qui ne seront pas forcément punis : ils « croient que ceux qui meurent dans le péché….peuvent être rachetés, même de plus grands crimes»96.

Chappe méprise l’ignorance des Russes qui se marie avec le fanatisme extrême : « [le peuple] croit en général en remplir les devoirs, en s’acquittant de quelques pratiques extérieurs… Il se livre d’ailleurs à la débauche et à tous les penchants vicieux »97. L’abbé montre que les fêtes religieuses sont des prétextes pour boire de l’eau-de-vie, et c’est pour cela que les Russes se visitent. Les Russes ignorent donc le vrai sens de la religion chrétienne : ils deviennent particulièrement pécheurs, en espérant qu’ils vont laver leurs fautes par les pratiques et les gestes extérieurs.

Chappe raconte à ce propos quelques anecdotes qui confirment l’irrationalité religieuse des Russes. Une femme russe, qui trompe son mari, s’adresse à son saint protecteur pendant l’acte sexuel avec son amant : « elle se rappelle le saint de la chapelle, dans les moments qu’on regarde en amour comme les plus précieux ; elle court aussitôt faire sa prière au saint, et revient entre les bras de son amant »98. L’autre épisode concerne l’assassin qui a tué ses victimes avec délectation : «on lui demande dans l’interrogatoire qu’on lui fit subir, s’il avait observé les jeunes du Carême…Il répondit avec vivacité, qu’il était incapable de manquer aux devoirs de sa religion »99. Rien n’est plus illogique que la prière pendant la fornication ou l’observation du carême par un brigand; ainsi Chappe montre que le comportement religieux des Russes correspond pleinement à la représentation ignorante et barbare de ce pays.

Ce qu’écrit l’abbé à propos de la foi populaire est typique pour un Européen éclairé : les voyageurs occidentaux considèrent la religion russe désuète et l’importance de pratiques comme une façade vide de toute vie spirituelle. Depuis XVIe siècle, les érudits catholiques et protestants considèrent les Russes irrationnels, incultes et trop simples dans leurs croyances, puisque les Russes n’ont pas de fondement de foi comme l’éducation intellectuelle100. Par exemple, à la fin du XVIIIe siècle, Jean-François Georgel trouve les Russes voleurs et libertins et il traite les pratiques religieuses russes de « momeries extérieures »101. Par contre, Marie-Daniel de Corberon considère que la religion grecque aide quand même le peuple russe à garder son sens moral102.

On peut donc conclure que l’abbé trouve le peuple russe ignorant et fanatique dans la question de foi, ce qui est surtout évident pour les Raskolniki. Le peuple russe est attaché aux objets religieux et aux pratiques extérieures alors que sa vie est immorale et pleine de vice. La religion grecque ne corrige pas les Russes, bien au contraire, elle les rend plus indulgents envers le péché.

Conclusion

Pour Chappe, les mœurs politiques russes sont profondément corrompues depuis des siècles et elles font naître la peur dans les âmes de tous les sujets. Le souverain a un pouvoir illimité et, par conséquent, le moindre désir qu’il exprime devient automatiquement une loi pour cet immense pays. Le style de gouvernement est trop autoritaire : même les réformes progressistes sont réalisées dans la violence, ce qui est typique pour la vieille Moscovie. Les candidats au trône emploient tous les moyens pour y accéder : la monarchie fonctionne de manière défectueuse puisque ce n’est pas la légitimité qui détermine la succession, mais la loi du plus fort. En Russie, le pouvoir est une pomme de discorde ; la lutte pour le trône engendre des troubles, de la méfiance et l’apparition de favoris. Ces derniers oppriment le peuple selon leur bon gré, pourtant tout favori risque lui-même de devenir victime du régime à n’importe quel moment. Le souverain est sacralisé et celui qui ose prononcer un mot visant le monarque est cruellement puni.

La justice russe est un instrument du despotisme : elle permet d’instaurer un climat de peur dans toutes les couches de la société. La dénonciation, qui est à la base de cette justice, empoisonne les relations entre les proches et transforme les membres de la famille en de dangereux délateurs. Les bagnards sont traités comme des animaux : ils souffrent physiquement et ils sont mis au ban de la société. Les supplices, d’une cruauté rare, sont des punitions quotidiennes : cela crée chez les Russes, qui en sont des témoins réguliers, une certaine insensibilité.

L’Eglise russe, elle aussi, fait preuve de nombreux défauts moraux, parmi lesquels l’inculture, l’alcoolisme et la malhonnêteté. La hiérarchie qui existe à l’intérieur de cette Eglise crée des rapports de servitude entre le petit et le haut clergé. En outre, l’Eglise est extrêmement intolérante envers les fidèles : le fait que les Raskolniki effectuent les gestes religieux autrement que l’Eglise officielle ne le prescrit suffit pour les persécuter cruellement. L’Eglise est inefficace, elle ne « sait » pas célébrer les offices, ses cérémonies étant ridicules et bizarres. Elles peuvent satisfaire uniquement le peuple russe, ignorant et irrationnel.

Les Russes sont fanatiques : chez eux, le fanatisme et l’attachement aux pratiques extérieures s’implante depuis l’enfance. Les Raskolniki sont l’essence du fanatisme car ils se suicident pour des gestes qui signifient peu pour les vrais chrétiens. La religion grecque avilit les gens en Russie et les pousse à commettre des actes cruels et dépravés.

En conclusion, on peut dire que l’abbé Chappe d’Auteroche présente une image barbare de la société russe à travers la représentation qu’il donne des institutions et de la religion. La Russie est éloignée de l’Europe civilisée : le souverain, doté d’un pouvoir absolu, soumet les gens par l’exercice d’une justice rétrograde ; l’Eglise russe, immorale et fanatique, trompe les paroissiens ignorants et également fanatiques.

La bibliographie

Instruments de travail

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1 LORTHOLARY, Albert, Les « philosophes » du XVIIIe siècle et la Russie : le mirage russe en France au XVIIIe siècle, Paris : Boivin, 1951, p. 7.

2 DULAC, Georges, « Russie », pp. 961-967, in Dictionnaire européen des Lumières (publ. sous la dir. de Michel Delon), Paris : Presses universitaires de France, 1997, pp. 961-965.

3 BLUCHE, François, Le despotisme éclairé, Paris : Fayard, 1968, p. 195.

4 LORTHOLARY, Albert, Les « philosophes » du XVIIIe siècle et la Russie : le mirage russe en France au XVIIIe siècle, Paris : Boivin, 1951, p. 146.

5 DULAC, Georges, « Russie », pp. 961-967, Dictionnaire européen des Lumières (publ. sous la dir. de Michel Delon), Paris : Presses universitaires de France, 1997, p. 964.

6 BLUCHE, François, Le despotisme éclairé, Paris : Fayard, 1968, pp. 176-187.

7 KARP, Sergueï, « Introduction », pp. 7-9, in Le mirage russe au XVIIIe (textes publ. par Sergueï Karp et Larry Wolf), Ferney-Voltaire : Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2001, p. 7.

8 GOGGI, Gianluigi, « Alexandre Deleyre et le Voyage en Sibérie de Chappe d’Auteroche : la Russie, les pays du Nord et la question de la civilisation », pp. 75-134, in Le mirage russe au XVIIIe (textes publ. par Sergueï Karp et Larry Wolf), Ferney-Voltaire : Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2001, p. 76.

9 LESTIENNE, Aurore, « Les récits de voyages badins en France au XVIIIe siècle », pp. 173-185, in Traversées : récits de voyages des Lumières, (publ. sous la dir. de Nicole Masson)… [et al.], Tours : Univ. François Rabelais UFR Lettres et langues, 2010, p. 175.

10 LORTHOLARY, Albert, Les « philosophes » du XVIIIe siècle et la Russie : le mirage russe en France au XVIIIe siècle, Paris : Boivin, 1951, pp. 173-197.

11 MACE, Laurence, « Introduction : Entre mimesis et poesis : la poétique des récits de voyage au XVIIIe siècle », pp. 11-25, in Traversées : récits de voyages des Lumières, publ. sous la dir. de Nicole Masson)… [et al.], Tours : Univ. François Rabelais UFR Lettres et langues, 2010, p. 11.

12 VON MARTELS, Zweder, « Introduction : the eye and the mind’s eye », pp. xi-xviii, in Travel fact and travel fiction: studies on fiction, literary tradition, scholarly discovery and observation in travel writing (ed. by Zweder von Martels), Leiden ; New York [etc.] : E.J. Brill, 1994, p. xii.

13 MACE, Laurence, « Entre mimesis et poesis : la poétique des récits de voyage au XVIIIe siècle », pp. 11-25, in Traversées : récits de voyages des Lumières, publ. sous la dir. de Nicole Masson)… [et al.], Tours : Univ. François Rabelais UFR Lettres et langues, 2010, pp. 11-13.  

14 MASSON, Nicole, « Préface », pp. 7-9, in Traversées : récits de voyages des Lumières, (publ. sous la dir. de Nicole Masson)… [et al.], Tours : Univ. François Rabelais UFR Lettres et langues, 2010, pp. 7-9.

15 MACE, Laurence, «Entre mimesis et poesis : la poétique des récits de voyage au XVIIIe siècle », pp. 11-25, in Traversées : récits de voyages des Lumières, (publ. sous la dir. de Nicole Masson)… [et al.], Tours : Univ. François Rabelais UFR Lettres et langues, 2010, p. 17.

16 BERELOWITCH, Wladimir, « Europe ou Asie? Saint-Pétersbourg dans les relations de voyage occidentaux », pp. 57-74, in Le mirage russe au XVIIIe (textes publ. par Sergueï Karp et Larry Wolf), Ferney-Voltaire : Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2001, p. 60.

17 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (articles choisis), vol. 2, Paris : Flammarion, 1986, p. 234.

18 DUCLOS, Charles Pinot, Considérations sur les mœurs de ce siècle, Paris : Champion ; [Genève] : [Diff. Slatkine], 2005, p. 97.

20 MERVAUD, Michel, « Introduction », pp. 1-122, in CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 81-84.

21 GOGGI, Gianluigi, « Alexandre Deleyre et le Voyage en Sibérie de Chappe d’Auteroche : la Russie, les pays du Nord et la question de la civilisation », pp. 75-134, in Le mirage russe au XVIIIe (textes publ. par Sergueï Karp et Larry Wolf), Ferney-Voltaire : Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2001, pp. 75-87.

22 MERVAUD, Michel, « Introduction », pp. 1-122, in CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 86-93.

23 ARTEMOVA, E.IU., Kulʹtura Rossii glazami posetivshikh eë frantsuzov : (posledniaia tretʹ XVIII veka), Moskva : Institut rossijskoj istorii RAN, 2000, p. 74-76.

24 MERVAUD, Michel, « Introduction », pp. 1-122, in CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 55-80.

25 LIECHTENHAN, Francine-Dominique, Elisabeth Ire de Russie : [l’autre impératrice], Paris : Fayard, 2007 pp. 224-331.

26 ANISIMOV, Evgeniĭ Viktorovich, Elizaveta Petrovna, Moskva : Molodaja gvardija, 1999, p. 112

27 BLUCHE, François, Le despotisme éclairé, Paris : Fayard, 1968, p. 210.

28 DE MADARIAGA, Isabel, La Russie au temps de la Grande Catherine, [Paris] : Fayard, 1987, pp. 620-628.

29 CARRÈRE D’ENCAUSSE, Hélène, Catherine II : un âge d’or pour la Russie, [Paris] : Fayard, 2002, p. 583.

30 ANISIMOV, Evgeniĭ Viktorovich, Dyba i knut : politicheskiĭ sysk i russkoe obshchestvo v XVIII veke, Moskva: Novoe literaturnoe obozrenie, 1999, p. 147.

31 SCHRADER, Abby M, Language of the lash: corporal punishment and identity in imperial Russia, DeKalb: Northern Illinois Univ. Pr., cop. 2002, p. 8.

32 ANISIMOV, Evgeniĭ Viktorovich, Dyba i knut : politicheskiĭ sysk i russkoe obshchestvo v XVIII veke, Moskva: Novoe literaturnoe obozrenie, 1999, p. 615.

33KOSHEL’, Petr Ageevich, Istoriia nakazaniĭ v Rossii ; Istoriia rossiĭskogo terrorizma, Moskva : Golos, 1995, p. 141.

34 PIPES, Richard, Histoire de la Russie des tsars, Paris : Perrin, 2013, pp. 304-335.

35 PASCAL, Pierre, Civilisation paysanne en Russie. Vol. 2, La religion du peuple russe, Lausanne : L’Age d’Homme, 1973, pp. 10-44.

36 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 336. Pour la définition du despotisme, voir BLUCHE, François, Le despotisme éclairé, Paris : Fayard, 1968, p. 10. C’est une monarchie absolue rénovée guidée par la Raison et en plus un régime de transition entre l’absolutisme et les libéralismes économiques et politiques.

37 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 337.

38 Ibid., p. 338. A propos de cette période, voir CARRÈRE D’ENCAUSSE, Hélène, Les Romanov : une dynastie sous le règne de sang, Paris : Fayard, 2013, pp. 24-30. Après la mort de Godunov, La Russie est vraiment déchirée: deux tsars imposteurs désirent s’emparer du pouvoir, il y a des luttes contre la Pologne et la Suède, mais la réunification nationale sauve l’unité du pays.

39 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 338. A propos du choix de Michel Romanov, voir RIASANOVSKY, Nicholas, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris : R.Laffont, 2005, pp. 190-191. Dans l’historiographie russe, le choix de Michel Romanov est perçu comme un signe d’unité des Russes qui purent repousser les forces étrangères et choisir leur propre voie politique ; la jeunesse et la pureté de Michel et la popularité de la famille des Romanov jouent en faveur de son choix.

40 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 339. A propos de cette période voir CARRÈRE D’ENCAUSSE, Hélène, Les Romanov : une dynastie sous le règne de sang, Paris : Fayard, 2013, pp. 55-59. En 1682, les arquebusiers se livrent à des massacres et à des pillages et envahissent le Kremlin, afin de dicter leur volonté à l’autorité centrale. La princesse Sophie profite de cette révolte brutale pour imposer son pouvoir et écarter son demi-frère Pierre, futur réformateur, du trône moscovite.

41 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 339. Voir PIPES, Richard, Histoire de la Russie des tsars, Paris : Perrin, 2013, p. 185. Sous Pierre émerge quand meme l’idée progressive que l’Etat est une entité supérieure au monarque. Pierre est aussi le premier souverain à articuler l’idée du bien public, du bénéfice de la nation entière.

42 Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1115.

43 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 340. A propos d’Anna, voir MOURAVIEFF, Boris, La monarchie russe, Paris : Payot, 1962, pp. 32-33. Sous Anna Ivanovna, toute la Russie souffre du joug occidental, bien pire que le joug mongol du Moyen Age ; une foule d’aventuriers allemands intéressés dont Biren gouvernent ce vaste pays et beaucoup de sang russe est versé.

44 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 341. A ce propos, voir MOURAVIEFF, Boris, La monarchie russe, Paris : Payot, 1962, p. 31. L’intronisation d’Elisabeth est une rupture positive pour le pays : pendant son règne, la Russie trouve sa propre voie après la décadence et l’autoritarisme allemand d’Anna Ivanovna.

45 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 348-349. Voir les précisions dans MOURAVIEFF, Boris, La monarchie russe, Paris : Payot, 1962, p. 62. Pierre III, un tsar capricieux, qui admire la Prusse et son roi, donne des terres russes à Frédéric II aux dépens de son propre pays.

46 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 349. Voir à propos de la monarchie éclairée CARRÈRE D’ENCAUSSE, Hélène, Catherine II : un âge d’or pour la Russie, [Paris] : Fayard, 2002, p. 588. Catherine II prône l’idée d’une monarchie absolue mais éclairée ; la loi, pour elle, doit garantir la légitimité du monarque et encadrer son pouvoir. C’est la monarchie dite légale.

47 RADICHTCHEV, Alexandre, Voyage de Pétersbourg à Moscou, Paris : G. Lebovici, 1988, pp. 120-133.

48 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 411.

49Ibid., p. 350. Voir les origines du concept dans RIASANOVSKY, Nicholas, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris : R.Laffont, 2005, p. 223. Cette conception sacrée du pouvoir tsariste remonte à l’époque d’Ivan le Terrible, le tyran du XVI siècle, qui impose l’obéissance aux décisions les plus injustes et les plus cruelles du souverain russe. Ivan IV pense que les sujets doivent obéir aveuglement à leur tsar, puisque ce dernier est élu par Dieu.

50 GEORGEL, Jean-François, extrait de Voyage à Saint-Pétersbourg en 1799-1800 (1818), pp. 1129-1137, in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1129.

51 LESCALLIER, Daniel, extrait de Voyage en Angleterre, en Russie et en Suède, fait en 1775 (1799), pp. 1126-1127, in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1126.

52SCHRADER, Abby M, Language of the lash: corporal punishment and identity in imperial Russia, DeKalb: Northern Illinois Univ. Pr., cop. 2002. p. 10.

53 LIECHTENHAN, Francine-Dominique, Elisabeth Ire de Russie : [l’autre impératrice], Paris : Fayard, 2007, pp. 316-319.

54 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 350-351.

55 Ibid., p. 351. A propos de cette loi, voir LIECHTENHAN, Francine-Dominique, Elisabeth Ire de Russie : [l’autre impératrice], Paris : Fayard, 2007, pp. 321-325. Sous Elisabeth, cette loi impose de dénoncer à l’impératrice ou à son représentant toute forme d’offense à l’autorité monarchique. Il suffit de critiquer un aspect de l’Etat ou de blasphémer devant le portrait de l’impératrice pour être poursuivi. L’accusé est sévèrement interrogé et l’usage de la torture est fréquent. Des châtiments comme l’exil, la flagellation et le marquage au fer rouge attendent ceux qui parlent de la vie privée d’Elisabeth et de son entourage.

56 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 351. A ce sujet voir LIECHTENHAN, Francine-Dominique, Elisabeth Ire de Russie : [l’autre impératrice], Paris : Fayard, 2007, p. 321. La dénonciation à l’époque d’Elisabeth est un facteur relatif de l’équilibre social : un serf peut dénoncer les actes ou les paroles de son seigneur.

57 GEORGEL, Jean-François, extrait de Voyage à Saint-Pétersbourg en 1799-1800 (1818), pp. 1129-1137, in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1134. A ce sujet voir ANISIMOV, Evgeniĭ Viktorovich, Dyba i knut : politicheskiĭ sysk i russkoe obshchestvo v XVIII veke, Moskva: Novoe literaturnoe obozrenie, 1999, p. 220. La dénonciation massive en Russie permet de contrôler comment les sujets respectent la loi. Ainsi, on compense la faiblesse du pouvoir local et le sous-développement des rouages justiciers.

58 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 449.

59 Ibid., p. 446.

60 Ibid., p. 446. A propos de supplices, voir SCHRADER, Abby M, Language of the lash: corporal punishment and identity in imperial Russia, DeKalb: Northern Illinois Univ. Pr., cop. 2002, p. 27. Comme partout en Europe, en Russie, les supplices sont publics puisque le coupable doit confesser sa faute devant une foule réunie.

61 RADICHTCHEV, Alexandre, Voyage de Pétersbourg à Moscou, Paris : G. Lebovici, 1988, p. 349.

62 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 450. A propos du bagne, voir SCHRADER, Abby M, Language of the lash: corporal punishment and identity in imperial Russia, DeKalb: Northern Illinois Univ. Pr., cop. 2002, pp. 80-81. L’exil est généralisé après 1753 lorsqu’Elisabeth abolit la peine capitale ; le bagne remplace ainsi la peine de mort et s’accompagne de la confiscation des biens et de la mutilation du visage. La mutilation distingue le bagnard des « gens honnêtes » et aide à l’attraper en cas de fuite.

63 Ibid., p. 457. A ce sujet, voir SCHRADER, Abby M, Language of the lash: corporal punishment and identity in imperial Russia, DeKalb: Northern Illinois Univ. Pr., cop. 2002, p. 81. Les exilés doivent marcher tous les jours à n’importe quelle saison, sous la pluie ou sous la neige. Si le bagnard viole une règle, on ne lui donne que du pain et de l’eau pendant six jours ; dans le cas d’une violation grave, il est flagellé et placé dans une cellule obscure où il passe entre cinq et dix ans.

64 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 411.

65 Ibid., p. 350. A propos de l’enquête policière, voir ANISIMOV, Evgeniĭ Viktorovich, Dyba i knut : politicheskiĭ sysk i russkoe obshchestvo v XVIII veke, Moskva: Novoe literaturnoe obozrenie, 1999, p. 390. Le but des policiers n’est pas de trouver la vérité mais d’obliger l’accusé à avouer sa faute et à se repentir.

66 KANTEMIR, Antioch, Sobranie stikhotvoreniĭ, Leningrad: Sovetskij pisatel’, 1956, p. 94.

67 RADICHTCHEV, Alexandre, Voyage de Pétersbourg à Moscou, Paris : G. Lebovici, 1988, pp. 168-169.

68 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage en Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761 (1768), Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 449.

69 Ibid., p. 451.

70 Ibid., p. 257.

71 ROBERTI, Jean-Claude, « L’Eglise russe des origines à la fin du XVII siècle », pp. 17-64, in Histoire de l’Eglise Russe, Paris : Nouvelle cité, 1989, pp. 17-19.

72 VODOFF, Vladimir, Naissance de la chrétienté russe. La conversion du prince Vladimir de Kiev (988) et ses conséquences (XIe-XIIIe siècles), France, Fayard, 1988, pp. 62-107.

73 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 357. Voir STRUVE, Nikita, « L’époque Synodale, 1721-1917 », pp. 67-83, in Histoire de l’Eglise Russe, Paris : Nouvelle cité, 1989, pp. 67-68. La période dès Pierre le Grand jusqu’à Catherine II est le siècle d’humiliation et d’appauvrissement pour l’Eglise : la suppression du patriarcat et les mesures séculaires baissent le niveau du bas-clergé et brisent l’indépendance du haut-clergé. A propos de l’Eglise sous Elisabeth, voir LIECHTENHAN, Francine-Dominique, Elisabeth Ire de Russie : [l’autre impératrice], Paris : Fayard, 2007, pp. 271-282. La période d’Elisabeth se caractérise par un adoucissement relatif de l’attitude envers l’Eglise : la fille de Pierre le Grand essaie de transformer la Russie en protectrice de tous les chrétiens d’Orient et contrecarrer l’influence catholique en Russie. Pour cela, la tsarine rend à l’Eglise la jouissance de ses biens et incite les nobles de faire les donations aux monastères ou à l’Eglise.

74 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 380.

75 Ibid., p. 358.

76 Ibid., p. 370.

77 Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1078.

78 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 370.

79Ibid., p. 372.

80 Ibid., p. 372.

81 DE CORBERON, Marie-Daniel, extrait d’Un diplomate français à la cour de Catherine II (1775-1780), pp. 1086-1088 in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1087.

82 PASCAL, Pierre, Avvakoum et les débuts du raskol : la crise religieuse au XVIIe siècle en Russie, Ligugé : E. Aubin et fils, 1938, pp. 209-210.

83 Ibid., pp. 283-299.

84 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 368.

85 Ibid., p. 369. Voir à ce sujet PASCAL, Pierre, Avvakoum et les débuts du raskol : la crise religieuse au XVIIe siècle en Russie, Ligugé : E. Aubin et fils, 1938, p. 443. Les schismatiques sont persécutés de manière impitoyable : dans les années 70-72 du XVII, les vieux-croyants sont emprisonnés, exilés, torturés, mis à mort de manière massive ; on peut parler d’une légion de martyres.

86 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 282.

87 MASSON, Charles François Philibert extrait de Mémoires secrets sur la Russie (1800), pp. 1088-1090, in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1090. Voir à ce propos les analyses de PASCAL, Pierre, Civilisation paysanne en Russie. Vol. 2 La religion du peuple russe, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1973, pp. 23-26. L’icône est objet sacré et puissant dans la culture russe qui accompagne la personne lors de tous les moments importants de sa vie comme le baptême, le mariage, l’enterrement. Perçue comme indice de l’idolâtrie par les voyageurs étrangers, l’icône ne l’est pas : elle met l’homme en contact avec Dieu ; cela n’est pas l’objet en bois que les Russes adorent mais le saint qu’il représente.

88 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 372.

89 Ibid., p. 282. Les pratiques étudiées par Pierre Pascal nuancent cette image : Civilisation paysanne en Russie. Vol. 2 La religion du peuple russe, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1973, p. 39. Le peuple russe est plutôt rebelle, il rejette les règles trop strictes.

90 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 367.

91 Ibid., p. 367.

92 CLEMENT, Olivier, « Préface », pp. 9-14, in Histoire de l’Eglise Russe, Paris : Nouvelle cité, 1989, p. 11.

93 NESTOR, Chronique de Nestor : (Récit de temps passés) : naissance des mondes russes, Toulouse : Anacharsis, 2008, pp. 128-129.

94 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, pp. 365-366.

95 Ibid., p. 366.

96 Ibid., p. 355. Selon Pierre Pascal, le peuple russe éprouve un vif sentiment de péché. Mais pour lui, Dieu se réjouit plus d’un pécheur qui fait la pénitence que de nombreux justes qui n’ont pas besoin de pénitence : Civilisation paysanne en Russie. Vol. 2 La religion du peuple russe, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1973, p. 37.

97 CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean, Le voyage est Sibérie fait par l’ordre du roi en 1761, Oxford : Voltaire foundation, 2004, p. 365.

98 Ibid., pp. 282-283.

99Ibid., p. 366.

100 KAMPFER, Frank, « La “Sainte Russie” vue par l’Europe occidentale : l’image de la chrétienté russe en Occident et le concept de la « Sainte Russie », pp. 197-206, in La christianisation de la Russie ancienne, 988-1988 : un millénaire, Paris : Unesco, 1989, p. 201.

101 GEORGEl, Jean-François, extrait de Voyage à Saint-Pétersbourg en 1799-1800 (1818), pp. 1091-1095 in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface. chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1095.

102 DE CORBERON, Marie-Daniel, extrait d’Un diplomate français à la cour de Catherine II (1775-1780), pp. 1086-1088 in Le voyage en Russie : anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles (préface, chronologie, notices bibliographiques établies par Claude de Grève), Paris : R. Laffont, 1990, p. 1086.

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