Le TANAP, ou l’aboutissement d’une stratégie énergétique

Edouard Pontoizeau

L’Azerbaïdjan a récemment fait parler de lui dans l’actualité internationale, pendant plusieurs mois (fait rarissime), à travers le conflit l’opposant à son voisin arménien. Un conflit qui, bien que gelé depuis des années, a subitement repris le 27 septembre dernier pour sceller le sort du Haut-Karabakh en six semaines à la suite d’une guerre éclair, alors que la province est disputée entre les deux protagonistes depuis 1988.

Cette guerre a fait ressurgir des problématiques bien ancrées dans un Caucase en proie à une instabilité chronique : les conflits ethniques, le choc des empires, le partage des frontières post-soviétiques et les alliances régionales étant les points saillants[1]. Cependant, le traitement de ce conflit a occulté une autre dimension géopolitique de cette région : l’acheminement des hydrocarbures de la Mer Caspienne vers l’Europe. Cette dimension est pourtant d’actualité, alors que le pipeline transanatolien (TANAP) de Bakou à la frontière occidentale turque achemine depuis le 31 décembre 2020 ces premiers mètres cubes de gaz. Un acheminement qui arrive à peu près un mois après la mise en service du pipeline trans-adriatique (TAP), prolongeant de facto le TANAP vers l’Europe [2] comme nous allons le voir.  

Il s’agit donc d’un enjeu actuel central à la fois pour l’Azerbaïdjan, émirat dont les sources de revenus liées aux exportations dépendent à 84% de l’industrie pétrolière et gazière en 2018[3], et à la fois pour l’Union européenne qui tente de diversifier ses partenaires en matière énergétique[4] et de procéder à une transition énergétique globale avec le gaz naturel[5].

Nous allons donc nous attarder sur cet enjeu, en tentant de comprendre en quoi la variable « énergétique » que pose ce corridor énergétique est primordiale dans les rapports de force entre l’Azerbaïdjan et les autres acteurs que sont les pays européens et le Caucase en général.

D’une part, cet article présentera l’aspect commercial et l’impact qu’impliquerait la distribution des hydrocarbures de la Mer Caspienne aux circuits de distribution européens à travers le TANAP et le TAP. D’autre part, nous aborderons l’impact politique que ce corridor énergétique dans les relations internationales, notamment avec les pays européens dont leur sécurité énergétique dépendra désormais en partie de ce corridor. Enfin, nous observerons sur un cas pratique les conséquences de ce corridor : celui du récent conflit Haut-Karabak

  • L’aboutissement d’une stratégie commerciale d’envergure.

La mise en service du TANAP est le fruit de près d’une décennie de chantier pharaonique de près de 1 850 km de long dans un projet global encore plus vaste qu’est le Corridor du Sud[6]. Un corridor dont le total est « estimé à 40 milliards de dollars, dont près de 10 milliards de dollars d’engagements azerbaïdjanais[7].

Une véritable action collective hybride composée d’acteurs étatiques et privés a conçu ce projet de façon à voir émerger un véritable corridor énergétique. Il vient immédiatement la question de savoir du tracé de ce pipeline, la situation du pays producteur, et dans quels contexte et perspective se projette-t-il à travers ce gigantesque gazoduc/oléoduc.

Dans un premier temps, il est en effet difficile de ne pas évoquer le tracé des gazoducs/oléoducs allant de la mer Caspienne jusqu’au cœur de l’Europe.

Le système de pipeline qui vient d’être complété successivement avec la mise en service du TAP le 17 novembre 2020[8] et le TANAP le 31 décembre de cette même année est un projet sans précédent dans la région. Le système de transport énergétique de près de 3 500 km inclut l’expansion du gazoduc South Caucasus Pipeline (SCPX) allant des sites d’extraction des hydrocarbures de l’Azerbaïdjan jusqu’en Géorgie, le TANAP qui traverse la Turquie, et enfin le TAP reliant le TANAP jusqu’au sud de l’Italie via un tronçon sous-marin, en passant par la Grèce et l’Albanie [voir carte ci-dessous]. Le TANAP est donc l’aboutissement d’un large projet de corridor énergétique, c’est-à-dire d’un axe de transport énergétique articulant un ensemble de tronçons.

Carte 1. Carte du parcours des gazoducs allant de Bakou jusqu’en Italie. En ligne : https://www.tap-ag.com/news-and-events/2018/11/27/tanap-and-tap-complete-pipeline-connection

Ainsi, le SOCAR a aussi pour dessein de défendre et de projeter les intérêts azerbaïdjanais en matière de commercialisation des hydrocarbures, ceci à travers ses participations majeures dans les pipelines faisant transiter l’or noir qu’elle extrait de la Mer Caspienne[9]. C’est ce dernier élément qui nous intéresse dans ce cas précis. En effet, ce dessin s’est illustré dans le cadre protocole d’accord signé entre le gouvernement d’Azerbaïdjan et le gouvernement de Turquie[10], protocole ayant abouti à un accord en 2012 entre le gouvernement turc, azerbaïdjanais et la société de projet du TANAP[11]. Les sentiers sont clairement balisés avec les différents accords pour la conception du TANAP, et les relations d’affaires ancrées entre certaines compagnies occidentales et l’Azerbaïdjan (notamment depuis l’Accord du Siècle en 1994).

La concentration des efforts et des moyens de production, ainsi que la poursuite d’une stratégie expansionniste de la commercialisation des hydrocarbures ont un impact 1) sur le volume de profit généré directement par l’État, 2) dans la souveraineté dans l’ensemble de la gestion des matières premières exportées. C’est dans ces conditions que l’Azerbaïdjan a ouvert les vannes, depuis le 1er janvier 2021, d’un pipeline capable de distribuer un débit de 16 milliards de mètres cubes par an, dont 6 milliards « réservés » à la Turquie, et 10 milliards pour les partenaires européens[12]. Ce nouveau moyen d’atteindre le marché européen permettrait de garantir à l’Azerbaïdjan une rente considérable dès la première année de mise en marche.

À noter, encore sur un plan international, le rôle de la Turquie à la fois dans le tracé actuel du TANAP et du TAP, notamment en voulant étendre celui-ci aux Balkans orientaux. L’intérêt serait double, d’une part augmenter le débit de gaz (et donc augmenter les redevances liées au transit des matières premières), mais aussi de rouvrir des relations commerciales et diplomatiques avec l’Union européenne. Cela, comme mentionné en première partie de ce papier, a pour but de soutenir un nouveau paradigme, celui de la « golden weld » (ou « soudure d’or ») entre les gazoducs d’Anatolie vers l’ensemble du sud de l’Europe (Balkans orientaux jusqu’à l’Italie… peut-être même la dorsale européenne).

Point pour le moins encombrant justement, et très peu relevé dans la littérature et les médias, les tensions entre l’Union européenne et la Turquie n’ont néanmoins pas affecté les relations commerciales quant aux projets gaziers et aux échanges qui s’effectuent actuellement. Il est possible cependant que les impératifs de diversifications énergétiques de l’Union européenne couplés à la possibilité d’Erdogan de s’approvisionner en énergie, tout en obtenant des recettes du transit sur son territoire, soient autant de facteurs occultant les différends diplomatiques récents.

  • Un instrument de souveraineté ?

Une autre dimension vient s’ajouter à la capacité de projection commerciale du SOCAR et sa main mise sur le corridor énergétique, tout en poursuivant cette volonté « d’entente » entre les parties prenantes du projet : la souveraineté.

Le premier élément est d’ordre purement institutionnel et interactionnel. Encore une fois, la structure d’une institution publique et son rapport avec le pouvoir étatique joue un rôle prépondérant dans la façon dont les acteurs étrangers vont coopérer et négocier[13].

Les accords précédemment cités ont en cela tenté de satisfaire tous les partis tout en permettant à l’Azerbaïdjan de préserver la majorité dans les parts du TANAP. C’est ainsi que le SOCAR (Azerbaïdjan) détient 51% du capital du TANAP (bien que l’Accord intergouvernemental de 2012 stipulât que le SOCAR détiendrait 80% des actions et des droits d’exploitation de la société de projet à l’origine[14]), BOTAŞ (Turquie) 30%, BP (Grande-Bretagne) 12%, et les pays transits recevront une participation significative des recettes de ce cordon[15]. Le pipeline est dédié à l’utilisation exclusive de ses actionnaires (actuels et potentiels futurs) pour le transport de leur gaz. Le gazoduc, une fois construit sur le territoire turc, sera soumis à la législation et aux normes de l’Union européenne [16].

Cette variable doit rentrer en ligne de compte dans une analyse de la politique commerciale énergétique azerbaïdjanaise, car elle correspond aux orientations de la politique extérieure de l’Azerbaïdjan depuis son indépendance. Il est ici fait mention du tournant de l’Azerbaïdjan moderne lors du discours d’Heydar Aliyev – père de l’actuel président Ilham – mettant en priorité la capacité de constituer les institutions viables et indépendantes des pressions/ingérences étrangères au service de l’intérêt national[17].

La représentativité de l’État azerbaïdjanais dans le SOCAR est donc essentielle pour ce qui est de la sécurité économique et politique du pays[18]. Les grands accords gaziers comprenant l’exploitation et le transit des hydrocarbures témoignent de l’implication directe de l’État dans le processus de constitution des partenariats.

C’est le cas du fameux « Contrat du siècle » entre plusieurs pays occidentaux (dont la Grande-Bretagne, la Norvège et les États-Unis) et l’Azerbaïdjan en 1994. Cet accord historique a pris acte d’une politique étrangère de l’énergie ne pouvant être qu’entre les mains de l’État[19]. Cet aspect est central, puisqu’il met en avant la trajectoire fortement imbriquée entre l’intérêt national et l’intérêt de la société d’État en elle-même[20].

Le second élément est donc de l’ordre de la projection des intérêts nationaux et commerciaux d’une société d’énergie faisant face à la concurrence internationale. Le SOCAR est la tête de pont de la stratégie de développement du réseau de distribution du gaz et de pétrole dans le Caucase, en Asie Mineure et en Europe du Sud (Balkans, Grèce, Roumanie et Bulgarie)[21]. Afin de développer ce réseau et faire parvenir le volume escompté dans ces grands « canaux énergétiques », il est avant tout affaire de production.

La projection internationale est aussi, ex ante, le fruit d’investissements importants dans les sites d’extractions pétrolières et gazières, ainsi que de leur traitement. Pour décupler l’afflux d’investissements étrangers[22], il a fallu « entreprendre une réforme économique complète, transformer les anciens liens économiques et structurels et s’ouvrir aux nouveaux réseaux, notamment dans le domaine énergétique »[23]. Une expansion très forte des capacités de production (plateforme off-shore) et des capacités d’exporter les ressources (gazoducs/oléoducs) permet d’étendre les débouchés du SOCAR et d’établir des prévisions d’exportation importante.

Importante oui, mais probablement insuffisante par rapport au réel besoin de l’Union européenne, classant l’Azerbaïdjan comme un partenaire de second plan dans la stratégie européenne de diversification des fournisseurs en énergie avec seulement la possibilité de combler 3% des importations énergétiques globales de l’UE[24].

À plus long terme, la capacité du gazoduc pourrait être augmentée et passer à 31 milliards de cm3, mais des doutes planent quant à la possibilité que l’Azerbaïdjan possède suffisamment de gaz pour continuer à en exporter de grandes quantités pendant plusieurs années[25].

Bien que cette diversification ne soit pas aussi décisive qu’elle devrait l’être[26], elle n’est pas sans incidence sur le « dessous des cartes » de la géopolitique internationale, en particulier dans la tentative de se passer des réseaux de transport russe et d’irriguer les pays des Balkans orientaux en gaz naturel.

  • Une nécessité politique et environnementale pour l’Union européenne ?

En effet, l’UE importe chaque année environ 250 milliards de mètres cubes de gaz de l’étranger, soit 70 % de sa consommation, et près de 40 % viennent de Russie[27]. C’est dans ce contexte, bien que largement schématisé par ces chiffres toutefois éloquents, que l’Union européenne tente tant bien que mal de changer de trajectoire dans son approvisionnement en ressources naturelles.

D’une part, et cela est déjà chose faite, écarter définitivement le projet South Stream, rejoignant les rives de la Mer Noire russe jusque dans la dorsale européenne, et les projets North Stream passant par la Mer Baltique.

Les raisons de ces abandons se justifient principalement par quatre points : 1) Diversifier les fournisseurs d’énergie, 2) Être en meilleure position de négociation quant aux contrats gaziers (la nature et le balancier du rapport de force avec la Russie étant bien différent de celui avec l’Azerbaïdjan), 3) Minimiser les risques environnementaux (les deux pipelines ayant été sous-marins), 4) Assurer l’approvisionnement en gaz à un coût d’exploitation faible des ressources de la Mer Caspienne impactant favorablement sur la compétitivité des prix des hydrocarbures.

En effet, les enjeux sont à la fois internationaux et locaux lorsqu’il s’agit de politique énergétique[28]. Tout est bon, surtout pour l’Union européenne, afin de détacher du spectre de l’Imperium russe dans ces pays est encore bien réel, que ce soit au niveau politique ou économique[29].

Cela est d’autant plus complexe que cette nouvelle stratégie d’approvisionnement énergétique vise à amoindrir sur le moyen long terme les risques de collusion entre les oligarchies postsoviétiques[30], encore présentes dans certains pays des Balkans orientaux et occidentaux, et le secteur énergétique en général. Une partie non négligeable du « Russia’s ‘Petro-Power’ » réside précisément dans le comportement quasi paternel de la Russie vis-à-vis de son « proche-étranger », oscillant entre récompense (« petro-carrots ») et punition (« petro-sticks »), selon le positionnement des pays dépendants au passage des gazoducs/oléoducs[31].

Pour ce qui a trait au « Russia’s ‘Petro-Power’ », il s’agit non seulement de pratiquer une politique commerciale conventionnelle s’illustrant par des contrats énergétiques avantageux, des investissements et des droits de passage généreux pour les pays compris dans le tracé des gazoducs/oléoducs[32], mais aussi des largesses pour les gouvernants, devenant ainsi des oligarques de la politique étrangère russe. Il s’agit d’ailleurs généralement des mêmes personnes qui ont su profiter de l’effondrement de l’Union soviétique, de la faiblesse des États nouvellement indépendants et des liens forts qu’ils avaient avec Moscou[33]. Regarder vers d’autres fournisseurs serait une façon de réduire l’impact de cette politique, et d’affaiblir certains hommes d’affaires plus ou moins affiliés au Kremlin[34].

D’un point de vue géopolitique, il s’agit bien entendu d’offrir une véritable porte de sortie aux tensions bien réelles qui fragilisent les débouchés énergétiques (notamment la guerre en Ukraine). Par « fragilisation », il est entendu d’une part les risques de sabotage ou de réductions volontaires du débit de gaz, mais aussi des sanctions contre la Russie réduisant les échanges et les coopérations énergétiques, comprenant les échanges commerciaux et les collaborations technologiques qui existent couramment dans ce genre de cas[35].

La dépendance énergétique de l’Union européenne devrait néanmoins fortement s’accroître dans les prochaines années vis-à-vis de la Russie, notamment « en matière de gaz [qui] devrait augmenter dans les prochaines décennies, compte tenu de la hausse de la consommation dans l’Union européenne et de l’épuisement du gisement gazier en Mer du Nord »[36].

D’autre part, l’enjeu est d’effectuer une transition énergétique de certains pays d’Europe centrale et orientale (PECO), encore largement dépendant du charbon pour produire de l’électricité ou tributaire du gaz russe[37]. Le tableau ci-dessous permet de rendre compte des impératifs énergétiques et environnementaux, ainsi que de la dépendance au gaz russe pour certains des PECO.

Pays Part en % du charbon dans la production totale d’électricité en 2015 [38] Part en % des importations de gaz venant de la Russie dans les importations totales de gaz en 2019[39]
Bulgarie 46,2% 79,4%
Hongrie 19,1% 95%
Grèce 47,2% 32,2%
Pologne 80,9% 80%
Tchéquie 53,1% 99,7%
Roumanie 27,6% 37,9%
Serbie 72,4% 99,7%
Slovaquie 12,5% 100%
Moyenne Union européenne 25,6% 37,7%

 

Reprenant une théorie chère à la politique énergétique internationale, les politiques énergétiques ont un impact important sur tous les échelons (locaux comme internationaux), et impliquent des changements de paradigmes importants[40].

C’est ainsi que l’UE s’emploie, de ce constat éloquent, à « garantir la sécurité énergétique, à améliorer l’efficacité énergétique et à décarboner l’économie » dans le cadre de l’Union de l’énergie [41].

La « 2030 energy strategy » définit dans ce sens un cadre stratégique en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, qui fixe comme objectif une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% (par rapport aux niveaux de 1990)[42].

  • Un gain politique pour l’Azerbaïdjan, le cas du conflit au Haut-Karabakh ?

Une toute autre question se pose, celle du conflit opposant l’Azerbaïdjan à son voisin arménien dans le territoire séparatiste du Haut-Karabakh. Un territoire qui semble être un des enjeux les plus déterminants pour la sécurité dans le Caucase, tandis que diverses zones de tensions se sont accumulées au fur et à mesure des années.

Ce point noir parmi tant d’autres dans la résolution des conflits armés post-soviétiques, sans véritables portes de sortie pour aucun des deux belligérants, est à l’image des enjeux stratégiques autour de cette région. Des enjeux stratégiques dont, il ne faut pas se le cacher, les questions énergétiques sont de nouveau en première ligne.

D’une part, il est évident que les recettes issues de la rente pétrolière contribuent à une course aux armements qui, au regard du conflit, a complètement déséquilibré le rapport de force entre la République azerbaïdjanaise et la République d’Arménie. Le budget militaire du premier était parfois sept fois supérieur au second de 2011 à 2015, et était trois fois supérieurs en 2019… des chiffres sans appel[43]. C’est ainsi que l’armée azerbaïdjanaise s’est équipée de drones derniers cris et de missiles ayant joué un rôle majeur dans la victoire militaire de cette dernière face à une armée arménienne, bien que plus motivée, plus agile et douée d’un meilleur état-major, était largement sous-équipée[44]. En somme, il s’agit d’un avantage pour l’Azerbaïdjan qui, avec la mise en service du TANAP, ne risque pas de s’estomper au vu des recettes qui continueront d’alimenter la machine de guerre azerbaïdjanaise.

D’autre part, tandis que les différents appels à l’apaisement de la part de certains dirigeants européens sonnaient davantage comme une compromission sécuritaire et économique, plutôt qu’une mise en avant d’un agenda de résolution de conflit, la guerre de 2020 est probablement l’illustration du désengagement européen sur la gestion du conflit. Peu de pays se sont réellement prononcés sur le conflit du Haut-Karabakh, ou tout au mieux se sont alignés sur un statu quo onusien n’engageant que très peu les États en tant que tels, voir ont soutenu l’Azerbaïdjan comme la Hongrie[45]. L’agenda énergétique, avec la fin de la construction du pipeline TANAP et sa mise en service, n’est pas étranger à ce renversement de situation diplomatique ayant définitivement anéanti la possibilité de sanctions européennes contre la Turquie et l’Azerbaïdjan souhaitée par la France.

CONCLUSION

En définitive, le TANAP est l’aboutissement d’un vaste projet de corridor énergétique. Une véritable pierre angulaire qui a pour dessein de fournir au marché européen une part significative de ses importations de gaz annuels. De ce fait, l’Azerbaïdjan engrangerait des gains substantiels pour son économie encore largement dépendante aux exportations des hydrocarbures. Par ailleurs, l’UE tend à réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis du voisin russe, et à procéder à une transition énergétique globale de certains PECO, bien que la « solution azerbaïdjanaise » soit en vérité insuffisante. Une adéquation de l’offre et de la demande semblant tout à fait convenable et qui, pourtant, n’est pas sans conséquence dans le jeu géopolitique de la région comme en témoignent les positions prises par certains pays européens dans le conflit du Haut-Karabakh. C’est ainsi que le TANAP a une importance significative pour les différents acteurs, bénéficiaires… et résignataires de ce corridor.

Peut-être pourrions-nous entrevoir le signe annonciateur d’une nouvelle puissance régionale à travers un Azerbaïdjan gonflé au « pétro-euros »? Qui sait ? L’Iran, traditionnelle alliée de l’Arménie, s’est montré relativement conciliante avec l’Azerbaïdjan quant au déroulé du conflit du Haut-Karabakh. La crainte de voir émerger une nouvelle velléité irrédentiste azerbaïdjanaise dans le nord-ouest de l’Iran, peuplé majoritairement d’Azéris n’y est pas étrangère[46]. À cela s’ajoutent de nouveaux moyens financiers importants et un probable soutien de puissances régionales (tel Israël) qui, en définitive, pourraient bien fragiliser les équilibres régionaux.

[1] MAUDUIT, Xavier. 2020. « L’Arménie au carrefour des empires – Episode 3 : Haut-Karabakh, aux origines du conflit ». Podcast France Culture. En ligne : https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/larmenie-au-carrefour-des-empires-34-haut-karabagh-aux-origines-du-conflit

[2] IFRI. 2018. « Le gaz dans la transition énergétique européenne ». En ligne : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/cornot-gandolphe_gaz_transition_energetique_2018.pdf

[3] OMC. 2019. Statistique économique Azerbaïdjan (2019). En ligne : https://www.wto.org/english/res_e/statis_e/daily_update_e/trade_profiles/AZ_e.pdf

[4] RFI. 2021. « Dépendance au gaz russe: l’Europe espère se diversifier grâce à l’Azerbaïdjan ». En ligne : https://www.rfi.fr/fr/europe/20210103-d%C3%A9pendance-au-gaz-russe-l-europe-esp%C3%A8re-se-diversifier-grace-%C3%A0-l-azerba%C3%AFdjan.

[5] IFRI. 2018. Idem.

[6] LES ECHOS. 2020. « Un nouveau gazoduc pour approvisionner l’Europe depuis le Caucase ». En ligne : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/un-nouveau-gazoduc-pour-approvisionner-leurope-depuis-le-caucase-1269018

[7] DIRECTION DU TRESOR (France). 2020. « Le secteur des hydrocarbures en Azerbaïdjan: une lente transition du pétrole vers le gaz et la pétrochimie ». En ligne : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/03/11/le-secteur-des-hydrocarbures-en-azerbaidjan-une-lente-transition-du-petrole-vers-le-gaz-et-la-petrochimie

[8] LES ECHOS. 2020. Idem.

[9] SOCAR. 2021. “First Commercial Gas Delivery to Europe via Southern Gas Corridor”. En ligne : http://www.socar.az/socar/en/news-and-media/news-archives/news-archives/id/11516

[10] TANAP. 2021. “About TANAP”. En ligne : https://www.tanap.com/corporate/about-us/

[11] TANAP. 2021. “About TANAP”. Idem.

[12] TANAP. 2015. Reference Document – “TANAP Information Note”. En ligne : 20https://www.tanap.com/store/file/common/742247331a0353399ee2d12990d8eecc.pdf

[13] HALL, Peter A. 1993. Policy Paradigms, Social Learning, and the State: The Case of Economic Policymaking in Britain. Comparative Politics, Vol. 25, No. 3, pp. 275-296. University of New York.

[14] TANAP. 2012. « Accord Intergouvernemental ». En ligne : https://www.tanap.com/content/file/TANAPIGA.pdf

[15] SOCAR. 2020. Idem.

[16] DIRECTION DU TRESOR (France). 2020. Idem.

[17] ZEYNALOV, Fazil. 2015. Trad. « Heydar Aliyev : le pétrole de l’Azerbaïdjan dans la politique mondiale ». op. cit.,p.196.

[18] ZEYNALOV, Fazil. 2015. Trad. Idem.

[19] ZEYNALOV, Fazil. 2015. Trad. Idem

[20] HALL, Peter A. 1993. Idem.

[21] ZEYNALOV, Fazil. 2015. « Les Ressources pétrolières et gazières de l’Azerbaïdjan: La transformation d’un pays en un hub énergétique régional ». Editions Publibook

[22] DIRECTION DU TRESOR (France). 2020. Idem.

[23] FONTANEL, Jacques. 2011. « L’importance des relations économiques, politiques et sociales de l’Azerbaïdjan avec l’Union européenne. » pp.121-150. Edition Harmattan.

[24] PARLEMEMENT EUROPÉEN. 2020. « La sécurité énergétique dans la politique extérieure de l’Union européenne ». p.3. En ligne :  https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2020/649334/EPRS_IDA(2020)649334_FR.pdf

[25] OIES PAPER. 2018. “Let’s not exaggerate: Southern Gas Corridor prospects to 2030”. En ligne : https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2018/07/Lets-not-exaggerate-Southern-Gas-Corridor-prospects-to-2030-NG-135.pdf

[26] OIES PAPER. 2018. Idem.

[27] PARLEMEMENT EUROPÉEN. 2020. Idem.

[28] KEOHANE, Robert & VICTOR, David G. 2013. “The Transnational Politics of Energy”. Daedalus: The Journal of the American Academy of Arts & Science 142, No.1, 97-99.

[29] NEWNHAM, Randall. 2011. “Oil, carrots, and sticks: Russia’s energy resources as a foreign policy tool.” Penn State University. Journal of Eurasian Studies 2, 134–143.

[30] SNYDER. Timothy. 2018. “The Road to Unfreedom: Russia, Europe, America”. Crown Publishing Group. New York.

[31] NEWNHAM. 2011. Idem.

[32] NEWNHAM. 2011. Idem.

[33] NEWNHAM. 2011. Idem.

[34] SNYDER, Timothy. 2018. Idem.

[35] HALL, Peter A. 1993. Idem.

[36] SENAT (FR). Travail parlementaire – Rapport d’information – « Union européenne – Russie : quelles relations ? » En ligne : https://www.senat.fr/rap/r06-307/r06-30714.html#:~:text=La%20Russie%20est%2C%20en%20effet,%25%20de%20la%20consommation%20totale).

[37] BANQUE MONDIALE. 2020. « Production d’électricité à partir de sources de charbon (% du total) ». En ligne : https://donnees.banquemondiale.org/indicator/EG.ELC.COAL.ZS

[38] BANQUE MONDIALE. 2020. Idem.

[39] COMMISSION EUROPÉENNE – EUROSTAT. 2020. « Database – Importations de gaz naturel par pays partenaire ». En ligne : https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/nrg_ti_gas/default/table?lang=fr

[40] KEOHANE, Robert & VICTOR, David G. 2013. Idem.

[41] COMMISSION EUROPÉENNE. 2021. « Objectifs pour 2030 ». En ligne : https://ec.europa.eu/info/energy-climate-change-environment/overall-targets/2030-targets_fr

[42] COMMISSION EUROPÉENNE. 2021. “2030 climate & energy framework”. En ligne: https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2030_en

[43] BANQUE MONDIALE. 2020. “Military expenditure (current USD) – Armenia, Azerbaijan. 2019”. En ligne : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/MS.MIL.XPND.CD?locations=AM-AZ

[44] EUROPEAN COUNCIL ON FOREIGN RELATIONS. 2020. “Military lessons from Nagorno-Karabakh: Reason for Europe to worry”. En ligne : https://ecfr.eu/article/military-lessons-from-nagorno-karabakh-reason-for-europe-to-worry/

[45] HUNGARY TODAY. 2020. “Hungarian Gov’t Stands by Azerbaijan in Nagorno-Karabakh Conflict”. En ligne : https://hungarytoday.hu/hungary-nagorno-karabakh-conflict-eu-summit-azerbaijan/

[46] L’ORIENT LE JOUR. 2020. « L’Iran craint le débordement du conflit au Haut-Karabakh sur son territoire ». En ligne : https://www.lorientlejour.com/article/1236867/liran-craint-le-debordement-du-conflit-au-haut-karabakh-sur-son-territoire.html

Photo: TANAP  (2017) (© caspiannews.com)

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